Bataille de Verdun
du 21 février au 19 décembre 1916
 

Y ont participé :

  • Marius GILOUX de Tourves (4ème Zouaves) blessé trois fois (côte 304 de Vaux le Chapitre, Douaumont, ravin du Helly).
  • Albert ARNAUD de Seilons (Gendarme à Cheval) blessé le 23 février 1916 au carrefour des routes Béthainville-Dombasle (Meuse)
  • Baptistin TAXIL de Barjols (110ème RI), tué le 28 février 1916 à Douaumont (Meuse).
  • Alexandre BLANC de Saint-Zacharie (17ème RI), tué le 8 mars 1916 à Verdun (Meuse).
  • Henri BAGARRE de Seillons (174ème RI), mort des suites de ses blessures le 12 mars 1916 à Savonnières-devant-Bar (Meuse).
  • Adrien Paul BERTIN de Saint-Maximin (111ème RI), fait prisonnier le 20 mars 1916 au Bois de Malancourt (Meuse).
  • Léopold VERANE d'Ollières (111ème RI), blessé par un éclat d'obus au Bois de Malancourt (Meuse).
  • Jules TAULEIGNE de Barjols (158ème RI), fait prisonnier le 20 mars 1916 à Malancourt (Meuse).
  • Albert Alfred BEAUDUEN de La Verdière (111ème RI), est fait prisonnier le 20 mars 1916 à Verdun (Meuse).
  • François CAILLOL de Saint-Maximin (111ème RI), est présent le 20 mars 1916 au Bois de Malancourt (Meuse).
  • Paul Daniel GUIS de Saint-Maximin (163ème RI). cité à l'ordre de la Brigade pour son comportement le 22 mars 1916.
  • Marius ISNARD de La Verdière (165ème RI), tué le 24 mars 1916 à Malancourt (Meuse).
  • Louis FLAYOL de Saint-Maximin (163e RI), tué le 28 mars 1916 à Malancourt (Meuse).
  • Alexandre CHABERT de Seillons (157e RI), disparu le 29 mars 1916 dans le bois d'Avocourt (Meuse)
  • Marius FAURE de Bras (157ème RI), mort des suites de blessures le 31 mars 1916 à l'ambulance de Salvange, à Bar-le-Duc (Meuse).
  • Auguste ARNOUX de Saint-Zacharie (1er BCP), tué le 4 avril 1916 à Verdun (Meuse).
  • Alfred MARGUERIT de Barjols (163ème RI), tué le 11 avril 1916 dans le bois d'Avocourt (Meuse).
  • Edouard LIONS de Barjols (163ème RI), tué le 12 avril 1916 à Esnes-en-Argonne (Meuse).
  • Victor CROS de Bras (154e RI), est mort des suites de blessures le 25 avril 1916 à l'ambulance de Jouy-en-Argonne (Meuse).
  • Auguste BAUDE de Saint-Maximin (22ème RI), tué le 4 mai 1916 à Fleury-devant-Douaumont (Meuse).
  • Laurent ARNAUD de Nans (294ème RI), tué le 25 mai 1916 à Verdun (Meuse).
  • Félix GAUTIER de Brue-Auriac (173ème RI), tué le 29 mai 1916 à la côte 304, à Esnes-en-Argonne (Meuse).
  • Daniel FLORENS de Seillons (173ème RI), tué le 29 mai 1916 à la côte 304 à Esnes-en-Argonne (Meuse).
  • Albert FLORENS de Seillons (173ème RI), tué le 29 mai 1916 à la côte 304 à Esnes-en-Argonne (Meuse).
  • Paul AUGARDE de La Verdière (173ème RI), tué le 30 mai 1916 à Esnes-en-Argonne (Meuse).
  • Jules EMERIC de Nans (75ème RI), tué le 5 juin 1916 devant Douaumont (Meuse).
  • Henri CHABERT de Vinon (203ème RI), tué le 8 juin 1916 à Cumières-le-Mort-Homme (Meuse).
  • Henri GILET de La Verdière (311ème RI), tué le 15 juin 1916 à Chattancourt (Meuse).
  • Louis ALLARD de Saint-Maximin (312ème RI), tué le 17 juin 1916 à Cumières-le-Mort-Homme (Meuse).
  • Paul LANTEAUME de Rians (15ème Escadron du Train des Equipages Militaires), tué le 27 juin 1916 à Verdun (Meuse).
  • Louis AURIC de La Verdière (95ème RI), tué le 24 juillet 1916 au Bois de la Laufée (Meuse).
  • Léon ALLARD de Bras (41ème RIC), tué le le 1 août 1916 au bois Du Chênois (Meuse).
  • Emile FLAYOL de Saint-Maximin (414e RI), blessé le 3 août 1916 à la tranchée Ferrari au Bois Fumin (Meuse).
  • Joachim DECANIS de Pourcieux (75ème RI), tué le 8 août 1916 au Bois Contant (Meuse).
  • Louis LEYDET de Rians (65ème RI), tué le 8 août 1916 au Bois de Vaux-Chapitre (Meuse).
  • Louis Jules CANOLLE de Saint-Maximin (75ème RI), blessé le 10 août 1916 par éclat d'obus à la cuisse et au bras gauche à Tavanes.
  • Joseph VERANE de Saint-Maximin (RIC du Maroc), tué le 17 août 1916 au nord de Fleury-devant-Douaumont (Meuse).
  • Marius VERLAQUE de Saint-Maximin (143e RI) , tué le 18 août 1916 au Bois de Vaux-Chapitre (Meuse).
  • Alexandre LOMBARDI de Saint-Maximin (2ème RAM), est présent en août 1916 dans le secteur de Douaumont (Meuse).
  • Marin ROUBAUD d'Esparron (137ème RI), est mort de ses blessures de guerre le 5 septembre 1916 à Vadelaincourt (Meuse).
  • Isidore FABRE de Pourcieux (RIC du Maroc), tué le 24 octobre 1916 à Douaumont (Meuse).
  • Louis POURRIERE de La Verdière (8ème RIT), tué le 25 octobre 1916 à à la Ferme-de-Thiaumont (Meuse).
  • Marcel DELOSME de Nans (116ème BCA), tué le 26 octobre 1916 à Fleury-devant-Douaumont (Meuse).
  • Antoine GIRAUD de Pourrières (113ème RI), tué le 27 octobre 1916 à Douaumont (Meuse).
  • Henri LAUGIER de Barjols (216ème RI), tué le 28 octobre 1916 au fort de Vaux, commune de Vaux-devant-Damloup (Meuse).
  • Henri CORTEZ de Saint-Maximin (112ème RI) cité le 16 décembre 1916 après la prise de Vacherauville (Meuse).
  • Marius MISTRE de Barjols (55ème RI), tué le 16 décembre 1916 à Bras-sur-Meuse (Meuse).
  • Louis AGNELLY de Barjols (55ème RI), tué le 18 décembre 1916 à la Côte-du-Poivre à Bras-sur-Meuse (Meuse).
  • Louis Henri CANOLLE de Saint-Maximin (312ème RI), tué le 29 décembre 1916 à Chattancourt (Meuse).
  • Marius ROUX de Pourrières (15ème ETEM), tué le 31 décembre 1916, à la Côte-du-Poivre (Meuse).
 

La bataille de Verdun fut une bataille de la Première Guerre mondiale qui eut lieu du 21 février au 19 décembre 1916 près de Verdun en France, opposant les armées françaises et allemandes. Conçue par le général Erich von Falkenhayn, commandant en chef de l'armée allemande, d'après la version qu'il en donna dans ses Mémoires, comme une bataille d'attrition pour « saigner à blanc l'armée française » sous un déluge d'obus dans un rapport de pertes de un pour deux, elle se révélera en fait presque aussi coûteuse pour l'attaquant : elle fit plus de 714 231 morts, disparus ou blessés, 362 000 soldats français et 337 000 allemands, une moyenne de 70 000 victimes pour chacun des dix mois de la bataille. On peut noter que selon les travaux historiques récents, notamment ceux de l'historien allemand Holger Afflerbach, l'objectif allemand était plus simplement de prendre le saillant de Verdun, la version d'une bataille d'attrition étant une justification inventée après-coup par Falkenhayn pour masquer son échec.

C'est la plus longue et l'une des batailles les plus dévastatrices de la Première Guerre mondiale et de l'histoire de la guerre. Verdun apparaît comme le lieu d’une des batailles les plus inhumaines auxquelles l’homme s'est livré : l'artillerie y cause 80 % des pertes, le rôle des hommes y consiste surtout à survivre — et mourir — dans les pires conditions sur un terrain transformé en enfer, tout cela pour un résultat militaire nul.

Elle se termina par un retour à la situation antérieure. Elle n'en constitue pas moins une grande victoire défensive de l'armée française, jugée a posteriori par les Allemands comme de même nature que la victoire de l'armée rouge dans la bataille de Stalingrad. Parallèlement, de juillet à novembre, l'armée britannique ainsi que l'armée française seront engagées dans la bataille de la Somme, tout aussi sanglante. De plus, du 4 juin au 20 septembre, l'armée russe sera engagée dans l'offensive Broussilov, la plus grande offensive sur le Front de l'Est de l'armée russe de toute la guerre qui contraindra l'état major allemand à retirer des divisions sur le front de l'Ouest pour les envoyer à l'Est, ce qui contribuera à alléger une partie de la pression allemande sur Verdun.

Alors que, côté allemand, ce sont pour l'essentiel les mêmes corps d'armée qui livreront toute la bataille, l'armée française fera passer à Verdun, par rotation, 70 % de ses Poilus, ce qui contribua à l'importance symbolique de cette bataille et à la renommée du général Pétain qui commanda la première partie de la bataille. C'est au général Nivelle que revint le mérite de l'enrayement définitif de l'offensive allemande (juin - juillet 1916), puis de la reconquête du terrain perdu entre octobre et novembre 1916 avec la récupération du fort de Douaumont, aidé en cela par son subordonné le général Mangin.

Verdun sera, comme la Somme, une terrible leçon que certains théoriciens militaires allemands sauront comprendre. L'immobilité du front, malgré les moyens engagés, est due à l'absence de moteur : en 1940, soumise au feu motorisé des Panzers, Verdun tombera en 24 heures.

 
 
Etat de la défense de Verdun début 1916
 

C’est un saillant des lignes françaises, cerné de tous les côtés, la Meuse compliquant la défense du secteur. Dans le saillant, se trouvent une double ceinture de forts dont ceux de Douaumont et de Vaux. Mais depuis la destruction des fortifications de Liège, Namur et Maubeuge par les obusiers allemands, le commandement français ne croit plus aux places fortes. Les canons des forts de Verdun sont retirés par décret du 5 août 1915, diminuant ainsi très fortement leur capacité opérationnelle. Joffre a besoin de ces canons pour l’offensive qu’il projette dans la Somme. De même, les garnisons occupant les forts sont réduites bien souvent à quelques dizaines de combattants, voire moins. Le système de défense est lui aussi parfois ramené à une tranchée au lieu de trois, et les barbelés sont en mauvais état.

Pour ravitailler le secteur, il ne reste plus qu’un chemin de fer à voie étroite (le Chemin de fer meusien) reliant Bar-le-Duc à Verdun, la prise de Saint-Mihiel par les Allemands en 1914 coupant définitivement la ligne de chemin de fer à voie normale reliant Verdun à Nancy par Saint-Mihiel. Véritable tortillard, le Chemin de fer meusien est impropre au transport de matériel lourd. Parallèlement au Chemin de fer meusien se trouve une route départementale que Maurice Barrès appela « la voie sacrée ». Ce manque de voies de communication avec l’arrière rend encore plus fragile cette partie du front.

 
Préparatifs
 

Le général allemand Falkenhayn choisit donc Verdun pour sa vulnérabilité et aussi du fait qu’il n’aura pas à déplacer beaucoup de troupes. Comptant sur la supériorité allemande en artillerie lourde, il va employer la méthode du Trommelfeuer (roulement de tambour): Les canons ne tirent pas par salves mais en feu à volonté, ce qui effectue un pilonnage continu. La préparation d’artillerie devrait permettre de détruire les défenses du terrain à conquérir.

Les Allemands rassemblent face à Verdun quelque 1 225 pièces d’artillerie de tous calibres dont 542 obusiers lourds. En moyenne, on peut compter un obusier rapide de 210 mm tous les 150 m. Ils déploient 13 obusiers Krupp de 420 mm, 17 obusiers Skoda de 305 mm, 2 pièces de marine de 380 mm et les munitions en conséquence, environ 2 500 000 obus. Ils massent 72 bataillons d’infanterie dans des abris enterrés (Stollen).

Sur les vingt divisions affectées à l'opération, dix sont prévues pour la bataille proprement dite, les dix autres étant réservées pour une éventuelle bataille décisive sur un autre secteur dégarni en conséquence.

Tous ces préparatifs ne peuvent échapper à l’attention des défenseurs de Verdun qui ne manquent pas de rapporter le renseignement aux plus hautes instances militaires. Ainsi le lieutenant-colonel Driant, commandant des 56e et 59e bataillons de chasseurs, profite de sa qualité de parlementaire, membre de la commission de la défense nationale, pour attirer l’attention du commandement sur le secteur[19].

Joffre envoie un détachement du génie, mais il est bien tard. Le général Herr, chef de la région fortifiée de Verdun, dit lui-même « chaque fois que je demande des renforts d’artillerie, le GQG répond en me retirant deux batteries ! »

Depuis la mi-janvier, les préparatifs allemands sont confirmés par le 2e bureau des services de renseignements français, par la reconnaissance aérienne qui prend des photographies inquiétantes et par des déserteurs Alsaciens et Lorrains. Joffre reste sourd à ces renseignements.

 
21 février 1916 : L'apocalypse sur la rive droite de la Meuse
 

Le lundi 21 février 1916 vers 7 heures, un obus de 380 mm explose dans la cour du palais épiscopal de Verdun. C’est le début d’une bataille inhumaine — opération baptisée Gericht (tribunal) par les Allemands — qui dure dix mois et fait plus de 300 000 morts et 500 000 blessés.

Un déluge de fer et de feu s’abat sur un front de quelques kilomètres (le bombardement est perçu jusque dans les Vosges, à 150 km). Deux millions d’obus — un obus lourd toutes les trois secondes — tombent sur les positions françaises en deux jours.

À 16 heures, le même jour, 60 000 soldats allemands passent à l’attaque sur un front de six kilomètres au bois des Caures, croyant s'attaquer à des troupes à l'agonie, totalement désorganisées. L’infanterie allemande effectue une progression limitée, aménage immédiatement le terrain afin de mettre l’artillerie de campagne en batterie. La portée ainsi augmentée, les canons allemands menacent directement les liaisons françaises entre l’arrière et le front.

Les forces françaises sont écrasées par cette pluie d’acier. Le lieutenant-colonel Driant trouve la mort le 22 février dans le bois des Caures. Avec lui, 1 120 hommes tombent. Il n’y aura que 110 rescapés parmi les 56e et 59e bataillon de chasseurs à pied. Sur le reste du secteur, les défenses sont broyées, disloquées, écrasées. En quelques heures, les massifs forestiers disparaissent, remplacés par un décor lunaire. Les massifs de Haumont, de Herbebois et des Caures sont déchiquetés, hachés, nivelés. Derrière le feu roulant, le 7e corps rhénan, le 18e hessois et le 3e brandebourgeois avancent lentement.

Le fort de Douaumont, qui n’est défendu que par une soixantaine de territoriaux, est enlevé dans la soirée du 25 février 1916 par le 24e régiment brandebourgeois. Ce succès fut immense pour la propagande allemande et une consternation pour les Français. Par la suite, 19 officiers et 79 sous-officiers et hommes de troupes de cinq compagnies différentes occupent Douaumont qui devient le point central de la défense allemande sur la rive droite de la Meuse. Par cette prise, les Allemands ne se retrouvent plus qu'à 5 km de la ville de Verdun, se rapprochant inexorablement.

Malgré tout, la progression allemande est très fortement ralentie. En effet, la préparation d’artillerie présente des inconvénients pour l’attaquant. Le sol, labouré, devient contraignant, instable, dangereux. Bien souvent, la progression des troupes doit se faire en colonne, en évitant les obstacles.

Contre toute attente, les Allemands trouvent une opposition à leur progression. Chose incroyable, dans des positions françaises disparues, des survivants surgissent. Des poignées d’hommes, souvent sans officiers, s’arment et ripostent, à l’endroit où ils se trouvent. Une mitrailleuse suffit à bloquer une colonne ou la tête d’un régiment. Les combattants français, dans un piteux état, résistent avec acharnement et parviennent à ralentir ou à bloquer l’avance des troupes allemandes.

Un semblant de front est reconstitué. Les 270 pièces d’artillerie françaises tentent de rendre coup pour coup. Deux divisions françaises sont envoyées rapidement en renfort, le 24 février 1916, sur ce qui reste du front. Avec les survivants du bombardement, elles arrêtent la progression des troupes allemandes. Joffre fait appeler en urgence le général de Castelnau à qui il donne les pleins pouvoirs afin d'éviter la rupture des lignes françaises et une éventuelle retraite des troupes en catastrophe. Le général donne l’ordre le 24 février de résister sur le rive droite de la Meuse, du côté du fort de Douaumont, au nord de Verdun. La progression des troupes allemandes est ainsi stoppée grâce aux renforts demandés par Castelnau jusqu'au lendemain, jour de la prise du fort de Douaumont.

C’est la fin de la première phase de la bataille de Verdun. Manifestement, les objectifs de Falkenhayn ne sont pas atteints. Un front trop limité, un terrain impraticable et la hargne du soldat français semblent avoir eu raison du plan allemand.

 
25 février 1916 : Le commandement français réagit
 

Le 25 février 1916, Joffre décide de l'envoi à Verdun de la IIe Armée, qui avait été placée en réserve stratégique, et dont le général Pétain était le commandant depuis le 21 juin 1915. À la suite des recommandations du général de Castelnau, il lui confie le commandement en chef du secteur de Verdun.

C'est dans l'hôtel où il se trouve avec sa maîtresse que Pétain est averti de son affectation par son ordonnance, qu’il rejoint aussitôt.

Philippe Pétain est un fantassin de formation, qui n'ignore pas que « le feu tue », comme il le répète sans cesse. Pour lui, la progression de l'infanterie doit s'effectuer avec l’appui de l’artillerie. L’année précédente, la justesse de sa tactique a été démontrée. Il est économe des efforts de ses hommes et veille à adoucir au maximum la dureté des épreuves pour ses troupes.

Dans un premier temps, le général Pétain réorganise la défense. Elle s’articule sur les deux rives de la Meuse, en quatre groupements: Guillaumat, Balfourier et Duchêne, sur la rive droite, Bazelaire, sur la rive gauche. Une artillerie renforcée dans la mesure des disponibilités couvre les unités en ligne. Les forts sont réarmés. Pour ménager ses troupes, il impose « le tourniquet ». Les troupes se relaient pour la défense de Verdun. En juillet 1916, 70 des 95 divisions françaises ont participé à la bataille.

Dans un second temps, il réorganise la logistique. La seule voie de ravitaillement possible consiste en une voie ferrée sinueuse doublée d’une route départementale. La route ne fait que sept mètres de large et se transforme en bourbier dès les premières pluies. Sur ces 56 km de piste, il fait circuler une succession ininterrompue de camions roulant jour et nuit.

Cette artère vitale pour le front de Verdun est appelée « La Voie sacrée » par Maurice Barrès. Il y circule plus de 3 000 camions, un toutes les quinze secondes. 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions sont transportés chaque semaine.

Des carrières sont ouvertes dans le calcaire avoisinant. Des territoriaux et des civils empierrent en permanence la route. Des milliers de tonnes de pierres sont jetées sous les roues des camions qui montent et descendent du front. Les deux files font office de rouleau compresseur et dament les pierres.

Un règlement draconien régit l’utilisation de cette route. Il est interdit de stationner. Le roulage se fait pare-chocs contre pare-chocs, de jour comme de nuit. Le flot ne doit s’interrompre sous aucun prétexte. Tout véhicule en panne est poussé au fossé.

Enfin, il réorganise l’artillerie. L’artillerie lourde restante est récupérée. Un groupement autonome est créé et directement placé sous ses ordres. Cela permet de concentrer les feux sur les points les plus menacés. Ces changements apportés à cette partie du front font remonter le moral de la troupe qui sent en Pétain un véritable chef qui les soutient dans l’effort et la souffrance.

Pour la première fois depuis le début de la guerre, l'aviation intervient de manière véritablement organisée avec la création de la première grande unité de chasse, chargée de dégager le ciel des engins ennemis, et de renseigner le commandement sur les positions et les mouvements de l'adversaire : « Je suis aveugle, dégagez le ciel et éclairez-moi », leur dira-t-il. Les Allemands sont arrêtés à quatre kilomètres de leurs positions de départ, avance très faible eu égard aux moyens qu'ils ont engagés.

 
De la mi-mai au 12 juillet 1916 les combats font rage sur les deux rives de la Meuse
 

Le Kronprinz supplie Falkenhayn d’attaquer la rive gauche pour faire taire les canons français. Les Allemands attaquent autour du Mort-Homme, du côté de la rive gauche, du bois des Bourrus, du bois de Cumière et du bois des Corbeaux. Puis ils attaquent sur la rive droite autour du fort de Vaux, de la Côte du Poivre et d’Avocourt. Ce sont à chaque fois des boucheries pour les deux camps. En ces lieux, tant du côté français qu'allemand, ces hommes ont fait preuve tout à la fois de courage, de désespoir, de sacrifice et d’abnégation.

Sur ces positions, les armées françaises et allemandes sont impitoyablement usées et saignées à blanc. Nombreuses sont les unités qui doivent être entièrement reconstituées à plusieurs reprises ou qui disparaissent.

Le 6 mars 1916, les Allemands pilonnent et attaquent le Mort-homme sur la rive gauche. Mais le feu français les arrête. Cette « bataille dans la bataille » va durer jusqu’au 15 mars. Au cours de ces 10 jours, le secteur est transformé en désert. Les combattants des deux bords y connaissent toutes les souffrances.

Simultanément, le 7 mars, les Allemands lancent une offensive sur la rive droite, à partir de Douaumont. Cette partie du front fut le secteur le plus durement touché de la bataille. Le fort de Souville (aujourd'hui totalement en ruine), l'ouvrage de Thiaumont (totalement rayé du paysage), l'ouvrage de Froideterre (qui a bien résisté, bien que les différents organes du fort ne soient pas reliés par des souterrains) permirent à l'armée française de s'accrocher sur la dernière position haute dominant la ville de Verdun. Le village de Fleury-devant-Douaumont fut le théâtre de combats particulièrement intenses, il fut pris et repris seize fois. Mais les Allemands n'iront pas plus loin. Ce village, qui fait aujourd'hui partie des huit villages fantômes de France (qui ont un maire, mais n'ont plus d'habitants), a représenté l'avance extrême de l'armée allemande devant Verdun.

Le saillant de Verdun se transforme en une innommable boucherie où la sauvagerie l’emporte sur toute sorte de compassion.

Le fer, le feu et la boue forment la triade infernale composant la vie du « poilu », mais aussi celle du « Feldgrau » allemand.

Pétain réclame des renforts à Joffre. Mais ce dernier privilégie sa future offensive sur la Somme. Cela fait dire à Pétain « Le GQG me donne plus de mal que les Boches ».

La 11e division bavaroise investit, le 20 mars, la cote 304 qui couvrait de son feu le Mort-Homme. Malgré ces succès, l’offensive générale allemande sur les deux rives de la Meuse est arrêtée par les Français. « Les assauts furieux des armées du Kronprinz ont partout été brisés. Courage… on les aura ! » dira Pétain.

Au début de la bataille les effectifs français étaient de 150 000 hommes. En avril, ils s'élèvent à 525 000 hommes. Cette concentration humaine sur une si faible surface pourrait expliquer dans une certaine mesure le bain de sang que constitue Verdun. Cependant, les Allemands étant arrêtés, Joffre veut quelqu’un de plus offensif pour diriger la bataille. Il nomme Pétain chef du groupe d’armées Centre et le général Nivelle à Verdun.

Ce dernier charge le général Mangin de reprendre le fort de Douaumont. La bataille s’engage par six jours de pilonnage du fort par les Français. L’infanterie prend pied sur le fort le 22 mai, mais en est chassée le 24.

Durant ce temps, 10 000 Français tombent pour garder la cote 304 où les Allemands sont accrochés sur les pentes.

L’artillerie, pièce maîtresse de ce champ de bataille, est toujours en faveur du côté allemand avec 2 200 pièces à ce moment-là pour 1 800 pièces côté français. On dirait que Verdun agit comme catalyseur. Les belligérants ne semblent plus pouvoir renoncer et sont condamnés à investir de plus en plus de forces sur ce champ de bataille qui a déjà tant coûté.

Falkenhayn reprend l’offensive sur la rive droite de la Meuse. Sur un front de six kilomètres, les Allemands sont à quatre contre un. Ils mettent les moyens pour emporter la décision qui tarde depuis si longtemps. À trois kilomètres au sud-est de Douaumont se trouve le fort de Vaux. Il est défendu par une garnison de 600 hommes. L’eau, les vivres et l’artillerie sont en quantité insuffisante. Après une intense préparation d’artillerie, le 1er juin 1916, l’infanterie allemande se lance à l’attaque du fort. Le 2 juin, elle pénètre dans l’enceinte. Toutefois, il faut encore « nettoyer » la place. Les combats se livrent couloir par couloir. Il faut gazer la garnison pour la réduire. Une expédition de secours est anéantie le 6 juin. Finalement, le commandant Raynal, chef de la place, capitule car les réserves d'eau à l'intérieur du fort sont tombées à zéro. Les honneurs sont rendus par l’ennemi aux défenseurs de la place, tous les soldats allemands ainsi que les officiers se sont mis en rangs et ont salué les soldats français, sortant du fort au-delà de l'épuisement.

Les Allemands sont tout près de Verdun dont ils peuvent apercevoir les spires de la cathédrale. Falkenhayn croit la victoire à sa portée. Le 18 juin 1916, il fait bombarder le secteur avec des obus au phosgène. Mais les 70 000 Allemands doivent attendre, l’arme à la bretelle, que le gaz se dissipe pour attaquer. Ce temps précieux est mis à profit par les forces françaises pour renforcer la position. Lorsque l’assaut recommence, le 23 juin, il réussit à occuper la crête de Fleury. Puis les Allemands repartent à l'assaut le 11 juillet après une préparation d'artillerie de trois jours visant le fort de Souville. Ce dernier est écrasé par les obus de très gros calibre car il est le dernier arrêt avant la descente sur la ville de Verdun. Néanmoins, l'artillerie de 75 lointaine ainsi que des mitrailleurs sortis des niveaux inférieurs du fort de Souville portent un coup d'arrêt définitif aux vagues d'assaut allemandes. Une cinquantaine de fantassins allemands parviennent quand même au sommet du fort mais ils sont faits prisonniers ou regagnent leurs lignes : le fort de Souville était définitivement dégagé le 12 juillet dans l'après-midi. Souville marque donc l'échec définitif de la dernière offensive allemande sur Verdun en 1916.

 
Le sort de la bataille bascule
 

Le 1er juillet 1916 au matin, les Alliés ont attaqué sur la Somme. Les Russes avancent sur le front oriental. Les Italiens font reculer les Autrichiens. Des troupes et de l’artillerie ont été prélevées sur le front de Verdun. Ces conditions compliquent la situation du commandement allemand pour continuer les opérations à Verdun.

Le 11 juillet, Falkenhayn lance l’offensive de la dernière chance. Elle est bloquée par le fort de Souville, à trois kilomètres de la ville de Verdun. À ce moment, les Allemands perdent l’initiative.

Du 21 au 24 octobre les Français pilonnent les lignes ennemies. Écrasés et gazés par des obus de 400 mm, les Allemands évacuent Douaumont le 23 octobre. Les batteries ennemies repérées sont détruites par l’artillerie française.

Puis, le 24 octobre, trois divisions françaises passent à l’attaque sur un front de sept kilomètres. Douaumont est repris et 6 000 Allemands sont capturés.

Le 2 novembre, le fort de Vaux est évacué par les Allemands. À la mi-décembre, les troupes allemandes sont refoulées sur leurs positions de départ.

 
Bilan
 

Les pertes ont été considérables, pour un gain en territoires conquis nul. Après 10 mois d’atroces souffrances pour les deux camps, la bataille aura coûté 378 000 hommes (62 000 tués, plus de 101 000 disparus, et plus de 215 000 blessés, souvent invalides) aux Français, 337 000 aux Allemands. 60 millions d’obus (une estimation parmi d'autres, aucun chiffre officiel n'existe) y ont été tirés, dont un quart au moins n'ont pas explosé (obus défectueux, tombé à plat, etc.) et 2 millions par les allemands le 21 février 1916. Si l'on ramène ce chiffre à la superficie du champ de bataille, on arrive à 6 obus par m². Ainsi, la célèbre cote 304, dont le nom vient de son altitude, 304 mètres, ne faisait plus que 297 mètres d'altitude après la bataille.

Du fait du résultat militaire nul, cette bataille, ramenée à l'échelle du conflit, n'a pas de conséquences fondamentales.

 
Le symbole de Verdun
 
La résistance des combattants français à Verdun est relatée dans le monde entier. La petite ville meusienne, surtout connue pour le traité de Verdun signé en 843, acquiert une réputation mondiale. Cette victoire défensive est considérée par les combattants comme la victoire de toute l'armée française, dont la plus grande partie du contingent a participé aux combats. Sur les 95 divisions de l'armée française, 70 y ont participé. « Verdun, j'y étais ! » affirment, avec un mélange de fierté et d'horreur rétrospective, les poilus qui en sont revenus. Pour la nation tout entière, Verdun devient le symbole du courage et de l'abnégation.
 
Tranchée française lors d'un des rares moments d'accalmie
 
Lors d'un tir d'artillerie
 
Une tranchée allemande