Les agissements du tristement célèbre Hugo Brunning

 

En cette fin de printemps 1943, Yvon Verne de Ginasservis apprend, par des camarades de Vinon, qu'un déserteur de l'armée allemande qui se cache dans les bois d'Auriol, désire rejoindre le maquis. Ils le tiennent eux-mêmes d'un nommé Gouin, père du boulanger de Vinon, qui habite Auriol.

Après en avoir informé ses chefs, Yvon Verne reçoit l'autorisation d'aller chercher l'Allemand et de le ramener au maquis FTPF installé à Puits de Campagne.

Ainsi un soir, probablement à la fin du mois de mai, Yvon Verne descend du car de Marseille à Saint Maximin. Il est accompagné du déserteur de la Wehrmacht qu'il ramène d'Auriol. Ensemble ils se rendent 7 avenue Maréchal Foch, au domicile d'un de ses amis, Paul Bertin. Ce dernier les accueille et leur propose de prendre un apéritif en présence de son fils Raoul. Après avoir pris connaissance de l'objet de leur visite, Paul Bertin prête des vélos aux deux hommes, afin qu'ils puissent rejoindre Saint-Martin-des-Pallières.

Sur la route le déserteur parle beaucoup. Dans un charabia difficilement compréhensible, Yvon Verne retient qu'il se nomme Hugo Brunning et qu'il est boxeur amateur.

Parvenus tout près du campement de maquisards, les deux cyclistes distinguent dans l'obscurité, des camions stationnés dans une clairière. Ne parvenant pas à distinguer s'il s'agit de véhicules de miliciens ou de bûcherons, Yvon Verne, méfiant, décide de continuer jusqu'à la ferme Les Alphonses, située environ deux kilomètres avant Ginasservis, propriété d'un de ses amis Sylvain Philibert. C'est ce dernier qui les accueille et, compte tenu de l'heure tardive, leur propose de les héberger.
Au cours de son bref séjour à la ferme, Hugo Brunning fait également connaissance d'Isidore Molinier et d'Eugène Mourou, ce qui ne sera pas sans conséquence pour eux. Il est ensuite conduit au maquis installé à Puits de Campagne, où il est immatriculé par les FTPF sous le numéro 61 404.

A partir de début août, les maquisards, traqués par les gendarmes et les GMR, sont contraints de déménager fréquemment. Après Puits de Campagne, ils séjournent notamment à Valensole, La Palun, Piégros, Gravagne.
C'est dans cette dernière ferme située sur la commune de Brue Auriac qu'ils subissent le 16 janvier 1944, une attaque de la part des Allemands. La plupart des hommes parviennent à s'enfuir à l'exception du dénommé Pedro qui est fait prisonnier et d'un autre nommé Marangi qui est abattu.
Dans les jours suivants, tous les maquisards disséminés dans la nature vont se retrouver dans le massif du Mont Aurélien.

L'effectif devenant trop important, l'Etat-Major FTPF décide pour des raisons de sécurité, de replier le maquis vers dans les Basses-Alpes. Ainsi, de fin février à début mars 1944, environ 130 hommes, par groupes de 3 ou 4, prennent le car à Saint Maximin pour Marseille, le train pour Nice, puis le petit train des Pignes pour Saint André des Alpes. De là c'est à pied qu'ils rejoignent la ferme Laval située sur la commune de Lambruisse, lieu du regroupement.
Durant les jours suivants, fidèles à leur stratégie, les maquisards vont de nouveau se répartir en petits groupes qui, au fur et à mesure de leur constitution, quittent les lieux.

Le 6 avril 1944, trente hommes environ, dont Hugo Brunning, sont encore à la ferme Laval.
Au lever du jour ils sont attaqués par un fort détachement de la Wehrmacht armé de mortiers et de mitrailleuses lourdes. Le combat est trop inégal, quelques maquisards réussissent à s'enfuir sous un déluge de feu, mais la plupart sont abattus ou capturés.
Après le combat, les prisonniers sont rassemblés contre le mur de la ferme pour être interrogés. Personne ne parle sauf Hugo Brunning qui sort du rang et répond dans sa langue natale aux sommations de l'officier. Pour sauver sa peau, il désigne le chef du maquis avant d'être amené par les soldats.
Les hommes valides sont emmenés en camion à la prison de Digne, les blessés sont introduits un à un dans la bergerie pour recevoir le coup de grâce.

A partir du lendemain 7 avril, et pendant de longues semaines, Hugo Brunning sillonne d'abord les Basses-Alpes, puis le Var, en compagnie d'officiers nazis, pour identifier les hommes rencontrés au maquis. De nombreuses arrestations sont opérées dans toute la région.
Dès le 8 avril, les résistants de Saint Maximin sont prévenus de la trahison de Hugo Brunning.
Parmi ceux qui l'ont bien connu, certains quittent le département (Charles Hugou et sa femme), ou se réfugient dans des bastides (Marcel Verlaque et son fils Louis se cachent à la Cloche, Jean Baptiste Hugou à la campagne Maurel).
D'autres, passé un délai de quelques jours où ils vivent en campagne choisissent de retourner vivre chez eux, malgré le danger. Pourtant la menace est sérieuse car, au cours du mois d'avril 1944, Hugo Brunning est vu plusieurs fois à Saint Maximin, à bord d'une traction, en compagnie d'agents de la Gestapo.

Le 12 juin 1944, tôt dans la matinée des soldats allemands guidés par Hugo Brunning se présentent à la ferme Les Alphonses. Prévenus à temps par une bergère, Sylvain Philibert et Isidore Molinier parviennent à s'enfuir. Peu après, dans le village de Ginasservis, Eugène Mourou reconnu par Hugo Brunning est arrêté.
D'abord interné à Draguignan, puis aux Baumettes à Marseille, Eugène Mourou retrouvera la liberté à la Libération.

Le même jour, vers 15h, des camions de la Feldgendarmerie bouclent le village de Brue Auriac. Toujours guidés par Hugo Brunning, les soldats arrêtent le maire de la commune Paul Guigou, l'instituteur et secrétaire de mairie Jean Chabaud, le cafetier Léopold Louche, le boulanger Charles Laugier et le facteur receveur Félix Maille. Deux cultivateurs effrayés par cette scène, Jules Bremond et Marius Bonnet, sont également interpellés alors qu'ils tentent de s'enfuir.
Les sept hommes sont emmenés à Draguignan pour être intérrogés par la Gestapo. Paul Guigou est battu et édenté à coups de poing. Après une dizaine de jours trois hommes sont relâchés (Jules Bremond, Marius Bonnet, Félix Maille) et les autres transférés à la prison des Baumettes à Marseille où ils retrouveront la liberté le 15 août 1944.

Le 23 juin 1944, en début d'après-midi, un groupe formé de Hugo Brunning, l'Hauptscharfurher Holtz, un interprète français nommé Ebel et un autre agent de la Gestapo, se présente à la Palun, cabanon situé à Saint Maximin où travaille la famille Bertin. Guillaume Cogo, beau frère de Paul Bertin, essuie quelques coups de feu mais parvient à s'enfuir, Paul Bertin est arrêté. Interné à Draguignan, il est torturé pendant plusieurs jours. Après une tentative de suicide, il est transféré moribond à l'infirmerie. C'est là qu'il est délivré par des résistants en armes, le 14 juillet 1944, moins d'une heure avant le moment où il devait être fusillé.

Le même 23 juin 1944, dans l'après- midi, le maire de Pourcieux, Jules Arnaud, est également arrêté sur dénonciation de Hugo Brunning, à son domicile. Interné d'abord à Draguignan avec Paul Bertin, puis aux Baumettes à Marseille, il ne sera délivré qu'à la Libération.