Prélude à la bataille de la Marne
(de fin août au 4 septembre 1914)
 

Y ont participé :

  • Marius CASTELLAN de Bras (67e BCA), tué le 28 août 1914 à Peronne (Somme).
  • Justin BRUN de Brue Auriac (67e BCA), tué le 28 août 1914 à Peronne (Somme).
  • Jules VERLAQUE de Seillons (27e BCA), fait prisonnier le 28 août 1914 à Peronne (Somme).
 
Prélude
 
La situation militaire au début de la Première Guerre mondiale est très en faveur des forces armées allemandes, qui viennent de remporter pendant la seconde partie du mois d'août 1914 une série de victoires sur tous leurs adversaires, que ce soit sur le front de l'Ouest en Lorraine (bataille de Morhange le 20 août) ou en Belgique (batailles des Ardennes du 21 au 23 août, de Charleroi du 21 au 23 et de Mons le 23 août), comme sur le front de l'Est (bataille de Tannenberg du 26 au 29 août).
 
Grande Retraite
 

Si sur le plateau lorrain et dans les Vosges l'armée française arrête sa retraite dès le 23 août et arrive à tenir ses positions face aux attaques allemandes (bataille de la trouée de Charmes du 24 au 26 août), toutes les unités françaises et britanniques qui s'étaient avancées en Belgique battent en retraite à partir du soir du 23 août.

Une telle retraite s'explique par la disproportion des forces entre d'une part les Allemands et d'autre part les Franco-Britanniques : l'état-major allemand avait fait le choix de masser face à la Belgique et au Luxembourg la majorité de ses unités, à raison de 59 divisions (soit un total de 1 214 160 combattants) regroupées au sein de cinq armées (numérotées de I à V) formant l'aile droite allemande, tandis que la défense de l'Alsace-Lorraine était confiée à une aile gauche plus faible avec 16 divisions (soit 402 000 combattants)regroupées dans deux armées (nos VI et VII). En comparaison, les Français n'avaient prévu initialement de déployer lors de leur mobilisation que les 16 divisions (soit 299 350 hommes) de la 5e armée face à la Belgique, rapidement renforcées jusqu'à compter 45 divisions (soit 943 000 hommes)au moment de la bataille des Frontières, grâce à l'envoi des 3e et 4e armées françaises ainsi que du corps expéditionnaire britannique.

Dominées numériquement et en danger d'être contournées par le flanc, les armées franco-britanniques repassent rapidement la frontière franco-belge pour se réfugier en France, puis foncent vers le sud-sud-ouest : cette retraite franco-britannique s'éternise pendant quinze jours, jusqu'au début du mois de septembre, moment où les troupes arrivent à hauteur de Paris.

 
Redéploiement français
 

Le commandant en chef français, le général Joffre, garde malgré tout l'espoir d'un rétablissement, et dans son rapport au ministre de la Guerre Adolphe Messimy, il affirme que l'armée française peut encore lancer une contre-attaque victorieuse. Il rejette la responsabilité de la défaite et des replis sur ses subalternes, critiquant ses généraux qu'il estime ne pas avoir été assez offensifs. Il prend des sanctions et limoge ceux qu'il juge incompétents, y compris les commandants d'armée tel que les généraux Ruffey (3e armée, remplacé le 30 août par Sarrail)et Lanrezac (5e armée, remplacé le 5 septembre par Franchet d'Espèrey). Aux échelons inférieurs, c'est un total de huit commandants de corps d'armée et 38 de division qui sont « limogés » par Joffre entre le 10 août et le 6 septembre.

Toutefois, Joffre est aussi conscient du fait qu'il doit d'abord céder du terrain. Il ordonne donc dès la fin d'août aux armées françaises en retraite d'opérer des contre-attaques localisées et très temporaires pour retarder un peu la poursuite allemande et gagner du temps : la IVe armée allemande est ainsi contre-attaquée par la 4e française le 27 autour de Sedan, puis la IIIe allemande à Signy-l'Abbaye, enfin la IIe armée allemande par la 5e française le 29 autour de Saint-Quentin et de Guise (bataille de Guise le 29 août).

Le 25 août, l'état-major français prévoit d'arrêter la retraite derrière la Somme et l'Aisne. Six divisions sont prélevées sur le front d'Alsace-Lorraine et envoyées à partir du 27 août par chemin de fer en renfort autour de Péronne, d'Amiens et de Montdidier, regroupées au sein de la 6e armée créée pour l'occasion. Mais le débarquement de ces troupes est menacé dès le début de l'opération par l'approche des unités de cavalerie allemandes : le projet de bataille sur la ligne Somme-Aisne est annulé le 31 août et la 6e armée se joint à la retraite.

Le 2 septembre, Joffre annonce à ses commandants d'armée son projet de rétablissement le long de la Seine et de l'Aube, y comptant s'y fortifier et recompléter les troupes (par des envois des dépôts) avant de passer à l'offensive. L'intervalle entre les 5e et 4e armées françaises est comblé dès le 29 août par l'envoi de huit divisions prélevées ailleurs, créant ainsi la 9e armée le 5 septembre ; l'intervalle entre la 5e armée et l'armée britannique est colmaté par deux divisions de cavalerie. Tous ces renforts arrivent par voies ferrées, utilisées comme rocade pour faire une manœuvre par les lignes intérieures, ce qui permet le renforcement de l'aile gauche française : de 45 divisions le 23 août, elle passe à 57 le 6 septembre puis 70 le 9 septembre.

 
 
Poursuite par les Allemands
 
Côté allemand, l'aile droite s'est lancée immédiatement après ses victoires de la bataille des Frontières à la poursuite des Français et des Britanniques, les divisions de cavalerie allemandes en tête. Cette poursuite est menée le plus rapidement possible : les étapes réalisées sont au maximum de 40 à 45 kilomètres par jour pour la Ire armée allemande, la plus à l'ouest, dans l'espoir de rattraper leurs adversaires. Le 27, le chef de l'état-major allemand, le général von Moltke, envoie à ses commandants d'armée une Directive générale mentionnant la possibilité d'un rétablissement français sur l'Aisne ou la Marne, et ordonnant les axes de marche suivant :
 
Directive générale du commandement Suprême pour la continuation des opérations du 27 août
« Sa Majesté ordonne que l'armée allemande se porte en direction de Paris : la Ire armée, avec le deuxième corps de cavalerie, marchera à l'ouest de l'Oise, vers la basse-Seine. La IIe armée, avec le premier corps de cavalerie, poussera entre La Fère et Laon sur Paris […]. La IIIe […] progressera entre Laon et Guignicourt, sur Château-Thierry […]. La IVe […] marchera, par Reims, sur Épernay […]. La Ve […] s'avancera vers la ligne Châlons-Vitry […]. Verdun sera investi. […] Si l'ennemi oppose une forte résistance sur l'Aisne et ultérieurement sur la Marne, il pourra être nécessaire de faire converger les armées de la direction du sud-ouest dans la direction du sud. »
 

La composition des cinq armées de l'aile droite allemande a évolué depuis la mobilisation du début d'août, par la réaffectation de plusieurs unités. Six divisions sont laissées en arrière pour assurer la prise des places fortes adverses (d'une part les 3e et 9e corps de réserve au siège d'Anvers, d'autre part le 7e de réserve et une brigade du 7e corps au siège de Maubeuge) ou en mission d'occupation (une brigade du 4e corps de réserve à Bruxelles, ainsi que quatre brigades de Landwehr à Liège et Namur). S'y rajoute le transfert par chemin de fer de quatre autres divisions vers le front de l'Est (le corps de réserve de la Garde et le 11e corps d'armée libérés par la prise de Namur le 25 août). En conséquence, le total des forces allemandes engagées à l'ouest de Verdun le 5 septembre est de 44 divisions d'infanterie et de 7 divisions de cavalerie, soit environ 900 000 hommes et 2 928 canons.

Le 30 août, la Ière armée allemande, répondant à l'appel à l'aide de la IIe attaquée à Guise, marche vers le sud-sud-est au lieu du sud-ouest ; Moltke valide ce choix le soir même, ordonnant la conversion de l'aile vers le sud, en évitant Paris : la Ière désormais sur Meaux, la IIème sur Épernay et la IIIème sur Châlons. Le 2 septembre à 23 h 37, l'OHL envoie l'ordre suivant : « Intention du Commandement Suprême est de refouler les Français en direction du sud-est en les coupant de Paris. Ière armée suivra la IIème en échelon et assurera en outre couverture du flanc des armées ».

 
Le général Galliéni, gouverneur militaire de Paris
« Anglais et Français […] étaient une proie qui s'offrait aux coups des Allemands et qu'il fallait saisir avant qu'ils aient pu s'arrêter, se fortifier et se reconstituer. On s'occuperait de Paris ensuite. Mais cette opération obligeait les Allemands à défiler, à 40 kilomètres environ, à l'est du camp retranché : c'était montrer un mépris non déguisé pour l'armée de Paris et, j'ajouterai, pour son chef. »
 
Prise d'initiative
 

Le 3 septembre, des aviateurs français découvrent que les colonnes de la Ire armée allemande infléchissent leur marche vers le sud-est et ne marchent donc plus droit sur Paris. Ces aviateurs en avertissent un officier, qui se trouve être Alfred Dreyfus. Ce dernier les laisse avertir directement l'état-major malgré son grade supérieur ; l'information est confirmée par les reconnaissances de cavalerie le 4 au matin.

Le 4, le gouverneur militaire de Paris, le général Galliéni, donne ordre à la 6e armée française (alors sous ses ordres) de se redéployer au nord-est de Paris et de marcher vers l'est entre l'Ourcq et la Marne, prenant ainsi l'initiative d'engager la bataille. Le commandant en chef Joffre, qui voulait attendre quelques jours de plus, est convaincu par une discussion par téléphone et donne ordre le 4 au soir à toutes les armées françaises de se préparer à faire front : « il convient de profiter de la situation aventurée de la Ire armée allemande pour concentrer sur elle les efforts des armées alliées d'extrême-gauche. Toutes dispositions seront prises dans la journée du 5 septembre en vue de partir à l'attaque le 6 ». Le 5 au matin, cet ordre est complété par un deuxième destiné à la 3e armée qui « se couvrant vers le nord et le nord-est débouchera vers l'ouest pour attaquer le flanc gauche des forces ennemis qui marchent à l'ouest de l'Argonne ».

Puis Joffre informe le ministre de la Guerre Millerand, réfugié à Bordeaux devant la menace pesant sur Paris : « […] la lutte qui va s'engager peut avoir des résultats décisifs, mais peut aussi avoir pour le pays, en cas d'échec, les conséquences les plus graves. Je suis décidé à engager toutes nos troupes à fond et sans réserve […] ».

Enfin, un ordre du jour est adressé le 6 au matin à toutes les troupes françaises. Cet ordre du jour a été trouvé le 6 au soir par les Allemands sur le champ de bataille près de Vitry, et a été transmis par téléphone du colonel von Werder (de l'état-major de la IIIe armée) au lieutenant-colonel Tappen (de l'OHL).

 
Affrontements du 5 au 12 septembre 1914
 

La bataille de la Marne se subdivise en cinq batailles plus restreintes, de l'ouest vers l'est :

  • la bataille de l'Ourcq désigne les combats du 5 au 9 septembre sur la rive droite de la Marne, entre Nanteuil-le-Haudouin et Meaux,
  • la bataille des Deux Morins désigne les combats du 6 au 9 septembre en Brie champenoise, d'abord sur le Grand Morin puis sur le Petit Morin,
  • la bataille des Marais de Saint-Gond désigne les combats du 6 au 9 septembre, entre Sézanne et Mailly-le-Camp,
  • la bataille de Vitry désigne les combats du 6 au 10 septembre en Champagne crayeuse,
  • la bataille de Revigny désigne les combats du 6 au 12 septembre au sud de l'Argonne, autour de Revigny-sur-Ornain.