Offensive en Champagne et en Argonne
(du 26 septembre au 7 octobre 1918)
 

Y étaient :

  • Bertin JASSAUD de Brue-Auriac (116ème BCA), est tué le 28 septembre 1918 à Saint-Quentin (Aisne).
  • Vital FAVE de Barjols (217ème RI), est tué le 2 octobre 1918 à Autry (Aisne).
 

Depuis le 8 septembre, les préparatifs sont poussés avec une fiévreuse activité en Champagne et en Argonne. Le front d’attaque prévu aura un développement de 70 kilomètres.
L'Armée Française du Général Gouraud aligne sept Corps d'Armée en première ligne : 4e, 14e, 11e, 2e, 9e et 38e,  soit 15 divisions françaises, sur les quelque 30  kilomètres qui séparent Prosnes de Vienne-le-Château.
Derrière cette première ligne : 12 divisions d'infanterie française et 3 divisions de cavalerie.
La 1ere Armée américaine du général Pershing a en première ligne 3 Corps d'Armée : Les 1ere, 5e et 3e,  soit 7 divisions américaines, et en réserve 8 divisions dont les effectifs sont sensiblement doubles de ceux des nôtres, sur les 4o kilomètres qui séparent Vienne-la-Ville de la Meuse.
La gauche de Pershing, tenue par le 1er Corps, est dans le secteur mort de l'Argonne où toute opération est impossible, et dont l'évacuation doit être obtenue par les succès remportés dans les secteurs voisins

Devant ce front sont établies, derrière des fortifications formidables, une partie de la 1e Armée Allemande de Von Mudra, la 3e Armée allemande de von Einem, appartenant au Groupe d'Armées du Kronprinz, et la Ve Armée Allemande, appartenant au Groupe d'Armées de von Gallwitz.
Il y a là en première ligne 16 divisions allemandes, et en deuxième ligne 4 divisions.
Dans le courant de l'action, 4 nouvelles divisions allemandes y seront transportées de Laon, d'Alsace et du Nord.

Les effectifs des deux adversaires sont donc à peu près équivalents; mais les Allemands, qui ont perdu l'initiative des opérations, ont perdu avec elle toute leur confiance dans le succès. Ils sont inquiets et nerveux.
Ils connaissent vaguement les résultats des offensives de Mangin, de Degoutte et de Debeney à l'ouest; à l'est, ceux de l'offensive Franco-Américaine de Saint Mihiel.
Ils multiplient les reconnaissances d'aviation, les coups de sonde, les tirailleries de nuit sans motif. Ils calquent le dispositif adopté par la 4e Armée française à la dernière bataille de Champagne, évacuant leurs premières lignes et adoptant un dispositif en profondeur.

Chez nous, on est exactement averti de ces dispositions par des déserteurs et on en tiendra compte.
Or, dans l'autre camp, on s'inspire des excellentes méthodes de préparation en usage dans l'Armée allemande au temps de son apogée.
Avec son admirable esprit de méthode, le général Pétain a réglé tous les détails de l'opération, qui ont été arrêtés du 8 au 15 septembre.
Le transport des unités de renfort venues de très loin, même des Vosges, est effectué la nuit, avec d'infinies précautions, du 16 au 25 septembre.

L'attaque était fixée au 26 septembre; et encore dans la nuit du 25 au .26 on exécutait la relève de toutes unités françaises qui se trouvaient dans le secteur Américain, afin que Pershing eût toutes ses unités bien groupées dans sa main, entre l’Argonne et la Meuse.
Le Maréchal Foch est là, lui aussi. Il vient d'établir un poste de commandement aux Trois-Fontaines, près de Saint-Dizier, et Pétain en a établi un à Nettancourt, près de Revigny. Ainsi les deux grands chefs sont au centre de leurs opérations, en mesure de tout surveiller et de tout diriger.

Le 25 septembre, à 11 heures du soir, la préparation d'artillerie se déclenche. Elle s'adresse au delà des lignes d'avant-postes évacués, aux positions de défense réellement occupées par l'ennemi et dont le plan nous est parfaitement connu.

Le 26 septembre, à 5 h25, les infanteries française et Américaine se lancent à l'assaut. Seuls, les obstacles accumulés ralentissent l'élan des assaillants, car les Allemands sont prostrés dans leurs abris et leur artillerie ne réagit que mollement.
Devant Gouraud, tous les objectifs sont enlevés de haute lutte par les Français.

La 22e division française, celle du Chemin-des-Dames dont le général Spire a pris le commandement, s’empare du tas de gravats qui fut la Ferme Navarin; les divisions Françaises des Généraux Michel et Schmidt enlèvent brillamment la Butte de Souain et le mont Muret au cours de combats acharnés où les 149e, 158e, 170e et 174e,  409e régiments d'infanterie et les 1er et 31e bataillons de Chasseurs se couvrent de gloire; les Tirailleurs de la 2e division Française chassent l’ennemi de la Butte du Mesnil, et les 163e,  215e et 363e régiments d'infanterie  de la division Française du Général Leboucq conquièrent les hauteurs de la rive nord de la Dormoise.

Les 272e,  51e et 87e régiments d'infanterie Française de la division Nayral de Bourgon enlevaient aussi la Galoche, les Mamelles et le Fourmilier, au-delà de la Dormoise, tandis que les 44e,  60e et 35e régiments d'infanterie de la division Baston s'emparaient de Tahure et de la Butte de Tahure.

A la même heure, les 230e et 299e régiments d'infanterie, avec les 50e,  71e et 66e bataillons de Chasseurs de la division  du Général Lardemelle se rendaient maîtres de la Main-de-Massiges, et les cuirassiers et dragons de la 1ere division de cavalerie à pied avançaient vers Cernay-en-Dormois.

Ce jour-là, l'Armée française du général Gouraud avait capturé 13 000 prisonniers Allemands et 300 canons, et porté son front à 5 ou 6 kilomètres plus au nord.
Les Chars d'assaut français ( notamment les FT17 de Renault) avaient fait merveille.
Les Américains ont magnifiquement progressé, eux aussi, et ont pénétré profondément dans les organisations ennemies bouleversées. En Argonne, le 1er Corps d'Armée, se glissant dans les fourrés, a dépassé le Four-de-Paris; le 5e Corps a enlevé Vauquois et Varennes ; le 3e Corps a refoulé l'ennemi depuis Malancourt jusqu'aux abords de Montfaucon. De ce côté, l'avance dépasse 7 kilomètres et on dénombre 7,000 prisonniers.

La journée du 27 Septembre est une rude journée de combat. Sentant tout le danger pour ses communications d'une progression sensible des Alliés vers Mézières, Le Général Allemand von Einem, après avoir mis en ligne ses dernières disponibilités, appelle à grands cris des renforts, que Ludendorff se hâte de lui envoyer.
Malheureusement pour les Allemands, leur artillerie, par trop prudente, s'est portée tellement en arrière que son intervention dans la bataille est peu efficace.
Tout le danger, pour les assaillants, vient d'innombrables mitrailleuses Allemandes savamment dissimulées, qui se dévoilent au dernier moment et causent des pertes sérieuses à nos tirailleurs trop ardents; on commence à se heurter maintenant à des contre-attaques vigoureuses prononcées par des troupes nouvelles.

Le 21e Corps d'Armée française gagne cependant encore 2 kilomètres et parvient jusqu'au bois de la Pince; le 2e Corps Français, en dépit des difficultés du terrain, avance de 3 kilomètres; Le 9e Corps Français s'empare de Grateuil et de Fontaine-en-Dormois;
le 11e Corps Français subit de puissantes contre-attaques qui retardent ses progrès, mais sans réussir à les enrayer.
Les Américains progressent aussi de 2 ou 3 kilomètres, en dépit des vigoureuses contre-attaques que l'ennemi déclenche vers Montfaucon.

Le 28 septembre, Gouraud est renforcé à sa gauche par des éléments du 4e Corps d'Armée Française qui, malgré une résistance opiniâtre, s'emparent d’Auberive... Auberive où le 103e régiment d'infanterie de ce même Corps d'Armée avait laissé tant de morts en 1915 !...

D'une manière générale, l'ennemi résiste mieux, et les effets de son artillerie deviennent plus dangereux. Le 11e Corps d'Armée Française s’empare cependant de Somme-Py, et le 9e Corps Français de Maure, tandis que les Américains parviennent à Brieulles, au bois des Oignons, à Binarville et à la ferme d'Ivoy.
Le temps devient mauvais, et la pluie, qui tombe en abondance, change le terrain crayeux de la Champagne en un bourbier profond, à travers lequel les assaillants éprouvent les plus grandes difficultés pour avancer et pour traîner leurs canons.

Le 29 septembre, le 9e Corps d'Armée française progresse de 4 kilomètres, enlevant de haute lutte le mont Cuvelet, Séchault et Ardeuil. En revanche, les Américains se heurtent à une résistance énergique qui les arrête, tandis qu'une puissante contre attaque leur reprend Apremont.

Le 30 septembre, les Allemands résistent opiniâtrement devant le 14e Corps Français, qui ne peut progresser; mais le 11e Corps Français, maître de Somme-Py pénètre profondément dans les organisations ennemies, et le 21e Corps dépasse brillamment le ravin d'Aure.
Le 2e Corps gagne du terrain, lui aussi, et le 9e occupe Marvaux, poussant ses tirailleurs jusqu'aux abords de Monthois. Le 38e Corps français, de son côté, prend pied dans le bois de La Malmaison, et la 1ere division de cavalerie à pied s'empare vaillamment de Condé-les-Autry.

Cette vigoureuse poussée qui, en cinq jours, a fait pénétrer les Armées de Gouraud et Pershing de 12 kilomètres dans les plus formidables organisations de l'ennemi, menace fortement par l'est le massif de Moronvilliers, d'où l'Armée de Fritz von Below enserre étroitement Reims dans une étreinte mortelle, et avec le massif de Moronvillers, le flanc oriental du Chemin-des-Dames.

Or, depuis le 8 septembre, Ludendorff a senti le grave danger que courent ses divisions engagées dans le saillant de Laffaux.
Et ce jour là, après avoir essayé de clouer Mangin sur ses positions par une violente préparation d'artillerie exécutée avec des obus toxiques, von Boëhm a commencé à se retirer derrière le canal de l'Oise à l'Aisne.
Mais Mangin, immédiatement averti du départ de l'ennemi par un déserteur lorrain, a foncé. Il talonne et bouscule les arrière-gardes allemandes et s'empare du fort de la Malmaison.

Le 29 septembre, la. 10e Armée Française borde l'Ailette, tenant Pinon et Chavignon, et prenant largement à revers les positions Allemandes de l'Aisne. Foch, saisissant tout de suite l'importance de ce succès, pousse en avant la 5e Armée Française, qui attendait son heure derrière la Vesle.

Le 30 septembre, à 5h30, Berthelot se porte donc en avant, sur un front d'une vingtaine de kilomètres, entre Braisne et Jonchery, avec les 3e, 5e et 20e Corps Français. Le soir, malgré la résistance acharnée de l'ennemi, ces trois Corps d'Armée sont déjà sur l'Aisne.

Le 1er octobre, Berthelot poursuit son avance et refoule l'ennemi sur une profondeur moyenne de 4 kilomètres, enlevant Maizy et Concevreux. Il a capturé, en deux jours, plus de 2000 prisonniers Allemands .

Le 2 octobre, le 38e Corps Français, de l’Armée Gouraud, s'empare du nœud de voies ferrées de Challerange, et la 1ere division de cavalerie à pied parvient au abords de Vaux-les-Mourons et d'Autry, débordant par l'ouest la défense de l'Argonne que Pershing déborde par l'est.
A l'ouest de Reims, Berthelot progresse abordant le bois de Gernicourt et atteignant, au soir, les abords de Loivre et de Courcy.

Le 3 octobre, le Général Gouraud précipite l'encerclement de la région des monts en poussant en avant se Corps de gauche qui, après avoir enlevé le fort- Médéah, les crêtes du Blanc-Mont et de la Croix-Gilles, et capturé 3000 prisonniers Allemands, réussissent dans la soirée à atteindre le cours de l'Arne.
En même temps, Berthelot commence à franchir le canal de l'Aisne et à menacer, par Berry-au-Bac, les communications des défenseurs d’ Brimont.

Le 4 octobre, Gouraud poursuit la manœuvre en franchissant la Py, en enlevant Saint-Souplet et Dontrieu, et en refoulant l'ennemi jusque derrière l'Arne; il déborde ainsi largement par l'est le massif de Moronvilliers.
Le résultat de la splendide opération des Généraux Gouraud et Berthelot ne se fait pas attendre. Si von Einem résiste encore énergiquement, et réussit même un moment, par un vigoureux retour offensif, à nous arracher Challerange, Fritz von Below juge un repli inévitable.

Dans la nuit du 4 au 5 octobre, il fait détruire les approvisionnements en vivres et en munitions accumulés dans le massif des monts et dans les forts de Reims, et le 6 octobre, au matin, Brimont, Bourgogne, Bétheny, La Pompelle, Beine et Moronvilliers sont évacués.

Nos éclaireurs ont conservé le contact de l'ennemi; et à la mollesse de sa défense, aux incendies qui, la nuit, percent la brume au loin, dans la vallée de la Suippe, on peut penser que ce mouvement de repli ne s'arrêtera pas de sitôt.

Le 6 octobre, en effet, le Général Allemand Below recule encore.

Le 7, il est sur la Suippe, où les avant-gardes françaises de Gouraud lui enlèvent même Pont-Faverger.

Les résultats de la bataille de Champagne, menée par les 4e et 5e Armées françaises et par la 1ere Armée Américaine, sont des plus brillants. La ligne Hindenburg est disloquée de ce côté aussi, et porte une brèche de 70 kilomètres, depuis, la Suippe jusqu'à la Meuse.
Les 1ere, 3e et 5e armée Allemandes ont engagé toutes leurs réserves, qui sont à peu près hors d’état de continuer la lutte.

Devant Gouraud seulement, sur 13 divisions allemandes qui ont été engagées, trois ont été détruites : les 42e et 103e et la division d’Ersatz bavaroise, qui ont laissé entre les mains de nos soldats les trois-quarts de leurs effectifs;

Trois sont inutilisables parce que décimées, et devront être dissoutes,

Sept ont éprouvé des pertes considérables, mais luttent encore, avec des effectifs très réduits, sans qu’il soit possible de les renforcer. Jusqu’à quand pourront-elles prolonger un semblable effort ?

Enfin, Reims est dégagée; et pour la première fois depuis 1914, la vaillante cité, ruinée mais inviolée, voit l’ennemi refoulé à 30 kilomètres de ses faubourgs .
Ce choc à coûté aux Allemands 27000 prisonniers et plus de 500 canons.
Or, ce n’est là qu’un début. Foch n’est plus aux Trois-Fontaines.