Bataille de Champagne
(du 3 février au 16 mars 1915)
 

Le général de Langle se résolut à porter tout son effort sur le front d'environ huit kilo­mètres, tenu par les 1e et 17e Corps, entre le fortin de Beauséjour et le bois à l'ouest de Perthes.
Cette action, qui visait à la rupture totale des lignes allemandes, devait être appuyée, à gauche, par une opération de la 60e division sur le bois Sabot, tandis qu'aux deux ailes, le 12e Corps à gauche et le Corps colonial à droite, maintenant l'inviolabilité du front, tiendraient l'ennemi sous la menace constante d'une attaque pour éviter le glissement des réserves sur la zone principale du combat.
Malheureusement le dégel qui, à plusieurs reprises, succède à une température très basse, détériore tranchées et boyaux, et rend la plupart des routes impraticables.
D'autre part, les Allemands se montrent vigilants et même agressifs sur le front de la 4e armée.

 

Y ont partcipé :

  • Ernest PHILIBERT de Vinon (4ème RIC), est tué le 3 février 1915 à Massiges (Marne).
  • Louis CAYOL de Saint-Maximin (22ème RIC), est fait prisonnier le 23 février 1915 au Fortin de Beauséjour, à Minaucourt (Marne).
  • Félix SAILLE de Vinon (22ème RIC), est tué le 23 février 1915 à Minaucourt (Marne).
  • Jean SIMEON de Bras (22ème RIC), est tué le 24 février 1915 à la ferme Beauséjour, sur la commune de Minaucourt (Marne).
 
Déroulement :
 

Le 3 février 1915, vers 11 heures du matin, à la suite de l'explosion d'une série de mines au nord de Massiges, une attaque violente sur nos tranchées du Médius, de l'Annulaire (main de Massiges) et de la cote 191 réussit à enlever notre première ligne. Le 4e et le 8e colonial contre-attaquent, mais ne peuvent reprendre l'Annulaire. Nous perdons 2000 hommes dans ces combats.
Le général de Langle avait fixé le début de l'offensive au 12 février, mais une violente tempête de neige fait arrêter l'attaque.
Ce contre-ordre ne touche pas un bataillon du 71e régiment d'infanterie, qui devait attaquer sur le bois Sabot. Ce bataillon enlève par surprise les deux premières tranchées allemandes; mais, violemment contre-attaqué dans la journée, il est rejeté dans ses tranchées de départ.

L'attaque générale est fixée au 16 février, à 10 heures.
A la 1e division, le 43e régiment d'infanterie enlève la partie sud du « Fortin » de Beauséjour, tandis qu'un bataillon du 84e pénètre sur un front d'en­viron 400 mètres dans les tranchées à l'est de la lisière nord du bois de la Truie.
A la 2e division, un bataillon du 110e régiment d'infanterie prend pied dans les « Tranchées Blanches », mais le 33e régiment échoue devant les « Tranchées Grises ».
L'ennemi réagit et nous enlève le « Fortin ».
Au 17e Corps, le 11e régiment d'infanterie et un bataillon du 207e (33e DI) sont rejetés dans les tranchées de départ.
Un bataillon du 20e régiment d'infanterie et deux compagnies du 7e réussissent à prendre pied dans le bois Rectangulaire, et à se maintenir à la lisière sud.
A la 34e division, après l'explosion d'une mine, le 88e régiment d'infanterie, renforcé par un bataillon du 159e, s'em­pare de tous les objectifs assignés à la division et s'y maintient.
A la 60e division, l'attaque du bois Sabot échoue devant le barrage ennemi.

Dans les journées des 17, 18 et 19 février, les attaques des 1e et 17e Corps se répètent sur les mêmes objectifs : nous élargissons quelque peu nos gains.
Les Allemands réagissent avec violence et reçoivent des renforts.
En conséquence, le Généralissime achemine sur la zone de la 4e armée la 7e division du 4e Corps d'armée (5e armée), le 2e Corps et le 1e Corps de cavalerie.
Il met encore à la disposition du général de Langle l'artillerie et les groupes cyclistes du 1e Corps de cavalerie et la 8e division du 4e Corps.
Le 124e régiment d’infanterie (8e DI.) perd 600 hommes à l’attaque du bois des 3 sapins.
Le 16e Corps, renforcé par la 48e division, est porté dans la région d'Épernay­Châlons, afin de pouvoir intervenir en cas de besoin. En outre, une partie de l'artillerie lourde de la 3e armée devra prendre d'écharpe les bat­teries allemandes de la gauche du secteur opposé à la 4e armée.

A partir du 23 février, la bataille reprend avec une intensité extrême.
Au 1e Corps, nous continuons les attaques sur le « Fortin » et sur le bois jaune-Brûlé; la progression est lente, surtout vers le « Fortin » où le 22e Colonial est très éprouvé.
Dans le secteur du 17e Corps, la 7e division, malgré la bravoure des 101e, 102e, 103e et 104e régiments d'infanterie, ne peut parvenir à s'emparer des positions ennemies.
Le général de Langle réorganise alors le commandement de la ligne de bataille
- Le secteur entre Beauséjour et Mesnil-les­Hurlus, tenu par les 1e et 2e Corps, sera commandé par le général Gérard, chef du 2e Corps.
- Le secteur entre Mesnil-les-Hurlus et le bois Sabot, tenu par les 4e et 17e Corps, appartiendra au général J.-B. Dumas, commandant le 17e Corps.
- A l'ouest du secteur du général Dumas, les 12e et 16e Corps, avec les 60e et 48e divisions, recevront les ordres du général Grossetti, chef du 16e Corps.

Le 25 février, la 60e division tente vainement une attaque de nuit sur le bois Sabot, avec deux bataillons du 248e régiment d'infanterie.
Par contre, dans le secteur du général Gérard, nous faisons de sensibles progrès, tant au « Fortin » que vers la cote 196. La position est enlevée le 1e mars par le 120e régiment d'infanterie. Dans le secteur du général Dumas, nos attaques ne progressent pas, car elles sont brisées par les mitrailleuses allemandes et des barrages d'artillerie lourde.

L'infanterie ennemie dispose d'abris à l'épreuve de nos obus.
Sur le front du secteur Gérard, les Allemands lancent de puissantes contre-attaques ; mais bien qu'ils fassent donner à fond une division de la Garde prussienne, ils ne peuvent nous enlever nos gains.
Sur le front de la 1e division, nous tenons toute la première ligne ennemie, depuis le bois des Trois-Coupures jusqu'au « Fortin ».

Le 1 et 2 mars, le 127e Régiment d'Infanterie (1e Corps d'Armée) attaque le bois oblique, au sud de la ferme de Beauséjour, le régiment occupe le bois et repousse les contre-attaques journalières du 3 au 16 mars. Le 17 mars le régiment est enlevé et transporté à Sarry où il reste jusqu'au 21.

Le 3 mars, un bataillon de notre 43e Régiment d'Infanterie tente l'assaut de la butte du Mesnil ; il est malheureusement rejeté dans ses lignes de départ.

Le 4 mars, l'action énergique des 51e, 120e et 128e Régiments d'Infanterie et du 9e bataillon de chasseurs nous permet d'élargir nos positions de la cote 196 et d'aborder le fameux ravin des Cuisines.
Afin d'exploiter ce succès, le Commandant de la 4e armée dirige la 61e brigade du 16e Corps (81e et 96e Régiments d'Infanterie), sur le secteur du général Gérard.
Une première attaque du 81e échoue ; une seconde fois lancés en avant, deux bataillons de ce régiment réussissent à s'emparer de 250 mètres de tranchées allemandes dans la région du Bois Oblique, et s'y maintiennent.
Dans le secteur du général J.-B. Dumas, nos progrès demeurent faibles, malgré l'héroïsme des troupes.
Une opération est montée, comportant une attaque menée par une brigade du 16 Corps sur les deux flancs ouest et sud du saillant sud du bois Sabot, et appuyée à gauche par le 17e Corps, agissant à l'ouest de Perthes sur la Cabane et le Trou Bricot, ainsi que par des éléments de la 6oe division sur le moulin de Souain. L'opération sera dirigée par le général Grossetti qui dispose, pour l'appuyer, de quatre groupes de 75 de l'ar­tillerie du 16e Corps, de l'artillerie divisionnaire de la 6oe division, de l'artillerie lourde de son secteur et éventuellement d'une partie de l'artillerie du 12e Corps.

 
 

Le 7 mars, le général Grossetti lance le 336e et le 201e régiments d'infanterie (60e division) sur les positions ennemies situées entre le moulin de Souain et la route de Somme-Py, après avoir fait exploser plusieurs fourneaux de mine; Nous progressons d'abord au-delà des entonnoirs, mais la réaction allemande nous oblige à reculer dès le surlendemain.
A la 64e brigade, deux bataillons du 15e régiment d'infanterie enlèvent une partie du bois Sabot, mais ne peuvent atteindre la lisière nord, dominée par une crête, et sont contraints de se replier.
Cette crête sera enlevée, le 10 mars, par des éléments du 143e et du 15e régiments d'infanterie.

Dès le 7 mars, le général de Langle avait demandé l'autorisation de faire intervenir, en vue d'une attaque qu'il estimait décisive, le 16e Corps renforcé de la 48e division, entre la cote 116 et la cote 198.
Le Généralissime approuvant ce projet, l'offensive du 16e Corps commence le 12 mars.
Les 31e et 48e divisions attaquent sur le front compris entre la cote 199 et le chemin Mesnil-Tahure.
La 32e division reste en réserve.
Aux deux ailes, l'action du 16e Corps est appuyée par les 1e et 4e Corps.
A la 31e division, les deux bataillons du 142e régiment d'infanterie, lancés à l'attaque à 10h30, sont arrêtés par le barrage d'artillerie et les mitrailleuses.
Nous n'avons enlevé, en fin de journée, qu'un élément de tranchée au nord de la cote 196.
A la 48e division, deux compagnies du 174e régiment d'infanterie ont pris une tranchée à l'est du bois jaune-Brûlé.
A 18 heures, nos efforts nouveaux restent infructueux, mais toutes les contre-attaques allemandes échouent.

Le lendemain 13 mars, nous repartons avec plus de vigueur.
A la 31e division, le 122e régiment d'infanterie attaque sur l'axe Beauséjour­cote 199 ; à sa gauche, le 142e attaque à l'est de la cote 196.
Le 122e ne peut atteindre aucun objectif.
Au 142e régiment d'infanterie, nos gains sont à peu près nuls.
La 48e division a lancé le régiment de tirailleurs marocains, les 174e et 170e régiments d'infanterie. Ces unités n'avancent pas.
A la nuit, cependant, le 170e s'empare d'une partie des tranchées allemandes du bois jaune-Brûlé.
Le 91e régiment d'infanterie perd, dans la nuit du 12 au 13, 150 à 200 mètres de tranchées.
La lutte est extrêmement âpre ;
Au matin du 13, le 91e régiment d'infanterie reconquiert tout le terrain perdu et enlève de nombreux prisonniers.

Le 14 mars, les 122e et 142e régiments d'infanterie attaquent à l'est de la cote 196.
Le 122e parvient, après une action assez pénible, à une vingtaine de mètres de la cote 196, où il se retranche ; le 142e, pris de flanc par les mitrailleuses du ravin des Cuisines et soumis au feu de l'artillerie enne­mie de la butte du Mesnil, ne peut progresser.
A la 48e division, le régiment marocain et le 170e régiment d'infanterie réalisent quelques progrès.

La journée du 15 mars est marquée par un puissant retour offensif des Allemands.
Malgré la vigueur des contre-attaques sans cesse renforcées, nous conservons nos lignes, et même, à 11 h. 45, le 170e régiment d'infanterie enlève une tranchée allemande à la lisière est du bois jaune-Brûlé, et s'y maintient.

Le lendemain 16 mars, profitant de l'ascendant moral acquis sur l'ennemi, nos troupes repartent avec une nouvelle ardeur.
A la 48e division, tirailleurs marocains et tirailleurs algériens du 9e régiment, bien que repoussés une première fois, enlèvent, dans un élan superbe, les positions de la cote 196. A 17h30, la crête géographique est atteinte et nous nous y maintenons.
A gauche, les 170e et 174e régiments d'infanterie échouent d'abord, puis s'emparent des positions ennemies qui leur permettent de s'aligner sur nos éléments de droite. Nous tenons donc la crête géographique à l'est de la cote 196 et la lisière nord du bois jaune-Brûlé.
Le lendemain les Allemands réagissent avec impétuosité; mais toutes leurs attaques se brisent sous nos feux et leurs pertes sont lourdes.
Néanmoins, le général Grossetti estime que l'ennemi n'est pas épuisé et qu'il nous faut employer des troupes fraîches si nous voulons continuer la lutte ; d'ailleurs la décision ne saurait être prochaine. Le Commandant en chef partage absolument cette manière de voir et, le 17 mars, il ordonne au général de Langle de suspendre l'offensive.

La 4e armée prend aussitôt ses dispositions pour consolider les résultats acquis et pour envoyer à l'arrière les forces qui seront nécessaires au Commandement pour quelque théâtre nouveau d'opérations.