Le maquis du Mont Aurélien

A partir de novembre 1943, des petits groupes de maquisards disséminés dans le secteur, se replient tous, un à un, sur Saint Maximin.

En fin d'année, c'est environ 130 hommes qui se retrouvent dans le massif du Mont Aurélien.

Le PC est installé dans la ferme du Defends qui surplombe le village de Saint-Maximin, mais la bâtisse n'étant pas assez grande pour héberger tout le monde, la plupart des maquisards doivent affronter les rudes conditions climatiques des nuits d'hiver, pratiquement en plein air.

C'est le cas d'un soldat italien, Alfonso Del Vicario, qui rejoint Saint-Maximin dans les premiers jours de l'année 1944. Avec la vingtaine d'hommes qui compose son groupe, il est dirigé sur le plateau du Mont Aurélien, au dessus du pas des Ifs. Tout de suite les maquisards constatent qu'il n'y a aucun abri. Pour se protéger de la pluie qui tombe abondamment, ils construisent à la hâte des cabanes avec des branchages. Le lieu où elles ont été édifiées à d'ailleurs conservé longtemps dans la mémoire des habitants de Pourcieux le nom de "cabanes des réfractaires". Après être restés sur le plateau environ une semaine, trempés jusqu'aux os et transis de froid, ils descendent s'installer dans une bergerie qu'ils ont repéré un peu plus bas, "le jas des Allées". Cette dernière, bien qu'à l'abandon possède encore une toiture très appréciée par les hommes.

A peu de distance de là, un autre détachement composé d'une trentaine d'unités, dont Paul Mingaud, connaît également des conditions de vie difficile. Il séjourne pendant plus d'un mois au "jas des cabres", ancienne bergerie en ruine qui ne possède plus que deux pans de mur sur lesquels les hommes ont tendu une bâche pour se protéger de la pluie glaciale.

Assurer le ravitaillement de tous ces hommes est un problème auquel les responsables du camp Félix Diana (dit Lilou) et le commissaire aux effectifs Henri Diffonty (alias André Lamy) se trouver confrontés quotidiennement. Le boulanger de Saint-Maximin Alexis Ricard joue un rôle important. Tous les jours il fabrique 100 kg de pain pour le maquis. En soirée des résistants locaux les transportent dans un tombereau jusqu'à la ferme du Défends, où les différents camps viennent ensuite s'approvisionner.

Seul le détachement installé à la bergerie des Allées bénéficie en plus de denrées provenant du village de Pourcieux. De nuit, la nourriture est transportée à dos d'homme, de la ferme de la Tuilière, jusqu'à l'emplacement de l'actuel héliport où se trouvaient autrefois des suies, par Joseph Cottura.

La complicité de certains maires, dont Victorin Henry de Rougiers et Jules Arnaud de Pourcieux, permet également de fournir au maquis des cartes et tickets de ravitaillement. Toutefois, compte tenu du nombre important de bouches à nourrir, ce mode d'approvisionnement s'avère insuffisant, il doit être complété par des opérations de "récupération".

Ainsi le 23 février 1944, à huit heures du matin, sous le commandement de Gaston Beau (alias Lucien Callas), un détachement procède à la saisie d'un sac de tabac chez un buraliste de Barjols, afin de satisfaire au besoin du maquis. L'opération se déroule sans incident. La marchandise est cachée dans les environs, car aucun moyen de transport n'est à la disposition du groupe pour l'acheminer immédiatement.

Des résistants locaux ayant indiqué que la gendarmerie n'interviendrait pas, le retour s'effectue à pied par la route nationale. Vers 11 h, Antoine Camugli (dit Bibi), Adrien Mazzotti (dit Vidal), Roger Luquet (dit Joseph) et Gaston Beau sont au niveau du village de Seillons, lorsqu'ils sont surpris par un crissement de freins derrière eux. Se retournant ils constatent avec stupeur que le véhicule transporte des gendarmes et que deux d'entre eux les tiennent en joue avec leur mousqueton. Après une brève sommation "Rendez vous !" le gradé ouvre le feu. Antoine Camugli et Adrien Mazzotti se jettent dans les fourrés sur le bas côté alors que Gaston Beau et Roger Luquet tentent de s'enfuir en traversant la route en diagonale sous les balles qu'ils entendent siffler. Avant même d'avoir pu riposter, Gaston Beau est touché à la main droite et perd son pistolet. Il réussit néanmoins à gagner le bois accompagné par Roger Luquet. Quelques instants plus tard, les deux hommes sont rejoints par Adrien Mazzotti qui est blessé à la jambe. Seul Antoine Camugli manque à l'appel.

Les deux blessés sont mis à l'abri dans les fourrés tandis que Roger Luquet part chercher des secours à la bergerie des Allées où est établi le reste du détachement Santerre. Dans l'après-midi les deux blessés sont rapatriés au camp. Quelques heures plus tard ils apprendront qu'Antoine Camugli a été tué, et que son corps gît, à moitié dévêtu au bord de la route, recouvert d'un sac.

Les gendarmes étaient commandés par l'adjudant Bouvier de Barjols qui se ventera le lendemain d'avoir dirigé personnellement l'opération. Toutefois, selon le témoignage de Gaston Beau, seul l'adjudant et un autre gendarme qu'il n'a pu identifier ont réellement tiré pour tuer.

Le lendemain les responsables de la compagnie éprouvent beaucoup de difficultés pour convaincre les maquisards de renoncer à monter une expédition punitive visant à plastiquer l'immeuble hébergeant la gendarmerie de Barjols. Ils y parviennent, non sans mal, en invoquant le fait que le bâtiment abrite aussi des femmes et enfants.

Au maquis la méfiance est la règle. Ainsi, vers le début du mois de février 1944 un individu qui se dit docteur frappe à la porte de la maison de Raoul Bertin. Il prétend être mandaté par Alger pour visiter les maquis et demande à être conduit au camp qui se trouve sur le Mont Aurélien. Il correspond au signalement d'un traître, travaillant pour la Gestapo, qui a déjà dénoncé plusieurs camps. Raoul Bertin, méfiant, lui conseille de s'adresser au boulanger Alexis Ricard, tout en faisant prévenir ce dernier qu'il s'agit probablement du tristement célèbre "docteur" qui travaille pour le compte de Vichy.

A la boulangerie il est pris en charge par un maquisard qui le conduit au Défends où il est interrogé. Après avoir acquis la certitude qu'il s'agit bien d'un agent indicateur qui tente d'infiltrer le maquis, les responsables du camp décident, le soir même, de sa condamnation à mort. Il est exécuté le lendemain matin d'une balle dans la tête, devant la ferme, alors qu'il est occupé à se raser.

Courant février 1944, le comité militaire régional FTPF, complètement remanié à la suite d'arrestations, décide du repli de tous les détachements installés dans le massif du Mont Aurélien, vers les Basses-Alpes. C'est Félix Diana qui est chargé de la direction des opérations. Dès la fin du mois, des maquisards quittent le camp par petits groupes de 3 ou 4. Ils se rendent à Saint Maximin d'où ils prennent le car pour Marseille. De là ils prennent le train qui les conduit à Nice, puis, par le petit train de la compagnie de Provence ils rejoignent Saint André les Alpes et enfin c'est à pied qu'il gagne la ferme Laval, lieu du regroupement, qui se trouve sur la commune de Lambruisse.
Avant de partir, dans la nuit du 3 au 4 mars, un groupe cambriole la mairie de Saint Maximin. Il s'empare de tickets de ravitaillement (pour 127 litres d'alcool à brûler, 81 litre de pétrole, 27 cartes de lait condensé), de différentes autres cartes, de trois tampons, ainsi que de 3 375 F.
Les armes, munitions et explosifs sont entreposés dans les remises de Charles Hugou et de Paul Bertin. Leur transport jusqu'à Lambruisse est assuré par un camionneur privé pour un prix de 10 000 F.

Malgré le départ de la compagnie FTPF, la ferme du Défends, demeurera un asile pour de nombreux résistants de passage, jusqu'à la Libération.