Reprise de l'offensive
(hiver 1914-1915)
 

Vers le 10 novembre, un nouvel élément fait sentir son action dans la conduite générale de la guerre : sur le front Czernowitz-Varsovie et en Prusse Orientale, les armées russes ont fait reculer les armées allemandes et austro-hongroises qui leur étaient opposées. Pour dégager son territoire envahi et appuyer son allié, l'Allemagne doit prélever sur le théâtre d'opérations de l'ouest des forces importantes.
   Notre service de renseignements pouvait établir avec certitude, fin novembre, que quatre à cinq corps d'armée et cinq divisions de cavalerie avaient été transportés du front occidental sur le théâtre d'opérations oriental.

Ces prélèvements importants affaiblissant notre adversaire, le moment paraissait donc judicieusement choisi pour reprendre l'offensive ; d'autre part, à la fin de ce même mois de novembre, nous obtenions de l'Angleterre la promesse que des forces plus nombreuses allaient prochainement débarquer en France.
 L'armée anglaise allait pouvoir étendre son front, ce qui nous permettrait de garder en réserve de nouvelles unités, destinées à nourrir nos attaques et à exploiter le succès.

Aussi, dès fin novembre, le Généralissime prescrivait-il aux armées de pousser nos lignes à distance d'assaut des lignes ennemies sur tous les points où il était possible d'envisager des attaques futures.
Ailleurs, au contraire, on devait accroître les défenses accessoires pour rendre les secteurs absolument inviolables.

Une instruction du 8 décembre prévoit deux offensives principales et quatre attaques secondaires :

LES OFFENSIVES PRINCIPALES :
L’offensive de la 10e armée en Artois
L'offensive de la 4e armee en Champagne

LES OFFENSIVES SECONDAIRES :
Le 2e corps en Argonne
La 8e armée dans les Flandres

La 2e armée à La Boisselle
Les 3e et 1e armées en Argonne et sur la Meuse

 
L'offensive de la 10ème armée en Artois (17 décembre 1914 - 17 janvier 1915)
 

Y étaient :

  • Félix JAUFFRET de Barjols (9ème BICM), tué à l'ennemi le 21 décembre 1914 à Mametz (Pas-de-Calais).
  • Marius BOUFFIER de Barjols (27ème BCA), tué à l'ennemi le 27 décembre 1914 à Carency (Pas-de-Calais).
  • Fernand LENT de Varages (27ème BCA), tué à l'ennemi le 27 décembre 1914 à Carency (Pas-de-Calais).
  • Anselme JULLIEN de Pourrières (27ème BCA), tué à l'ennemi le 27 décembre 1914 à Carency (Pas-de-Calais).
  • Alexandre MISTRE de Saint-Julien-le-Montagnier (27ème BCA), tué à l'ennemi le 27 décembre 1914 à Carency (Pas-de-Calais).
 
 

Le général de Maud'huy, par ses instructions des 12 et 13 décembre, avait indiqué comme but des attaques, la rupture du front ennemi sur les hauteurs 140 - La Folie.
Les attaques devaient être menées
--- Par le 33e corps d'armée, renforcé de la 45e division, dans la direction du bois de Berthonval
--- Par le 21e corps d'armée sur l'axe Aix Noulette-Souchez
--- Par le 10e corps d'armée au nord-est d'Arras

Le 1e corps de cavalerie était prêt à exploiter le succès et l'armée britannique devait coopérer à l'action, tout au moins par le corps indien qui formait son aile droite.
L'attaque proprement dite devait être lancée le 17 décembre, et comporter trois phases successives :
Le premier jour, on devait s'emparer de la crête Carency- La Targette ; le second jour, de la route Souchez-Arras ; le troisième jour, enfin, des hauteurs 140.

Ces indications n'avaient rien de restrictif, au cas où notre avance aurait pu être plus rapide.
Le général de Maud'huy avait installé son poste de commandement à Cambligneul.

Le 16 décembre, au 21e corps d'armée, la 58e division de réserve avait fait une attaque sur la voie ferrée Vermelles - La Bassée, au nord de l'embranchement d'Annequin.
Cette action avait surtout pour but de détourner l'attention de l'ennemi du véritable front d'attaque et de l'obliger à déplacer ses réserves.
Menée par les 295e et 280e régiments d'infanterie, puissamment préparée par l'artillerie de la 58e division et l'artillerie anglaise, l'attaque est déclenchée à 8 heures, précédée par deux groupes francs des régiments d'attaque.
Au nord, le groupe franc du 295e pénètre dans le saillant ennemi et une compagnie du même régiment prolonge son mouvement vers la gauche, mais ne peut progresser au-delà.
Au sud, la progression du groupe franc et des compagnies du 280e est encore moins accentuée et le gain total, en fin de journée, n'est que 150 à 300 mètres de terrain. La 58e division de réserve s'organise et se prépare à reprendre l'attaque le lendemain.

Au 10e corps d'armée, une attaque à la tombée de la nuit avait été déclenchée sur Rausart, pour attirer les réserves ennemies dans cette région. Cette attaque, qui ne devait pas être poussée à fond, trouve les postes d'écoute ennemis évacués, mais est accueillie par une vive fusillade partant de tranchées fortement garnies, tandis que de nombreux projecteurs sont mis en action.

Le général Foch, qui commande le groupe provisoire du nord, arrive le 17 décembre, à 8 h30, à Cambligneul, et prend en main la conduite des opérations. Craignant que la préparation d'artillerie ne soit insuffisante, il ordonne de n'entreprendre l'attaque du 33e corps sur Carency que, lorsque l'attaque du 21e corps sur Notre Dame de Lorette sera terminée.
Quant à l'attaque du 10e corps sur La Targette, elle sera reportée à une date ultérieure.

Au 21e corps, l'attaque est lancée à 13h10, après une violente préparation d'artillerie. Le 21e bataillon de chasseurs, qui attaque dans le secteur de Noulette (bois Boche), s'empare, à 16 heures, des tranchées de première ligne ennemies sur presque tout son front d'attaque : à sa droite, le 20e bataillon de chasseurs, après avoir été cloué au sol après un bond de cent mètres, parvient à prendre pied dans quelques éléments de tranchées; quant au 17e bataillon, qui attaque sur la crête même de Notre dame de Lorette, il ne peut progresser.

La 92e division territoriale n'a poussé en avant que quelques postes vers la fosse Calonne; et, à la 58e division, si la gauche ne peut guère gagner qu'une centaine de mètres, le centre progresse d'environ cinq cents mètres vers la fosse n°8
Au 10e corps d'armée, nous avons pu gagner du terrain à Saint-Laurent dont nous tenons la mairie et l'école; vers Blangy, progrès nuls.
La nuit interrompt nos attaques; mais l'ennemi réagit fortement et essaie, par de furieuses contre-attaques, de reprendre le terrain conquis. Prises sous nos feux d'infanterie et d'artillerie, ces contre-attaques échouent.

Dans la journée du 18, nous devions poursuivre notre offensive.
Au 21e corps, un tir trop court de notre artillerie lourde et de nos batteries de 75, coïncidant malheureusement avec une réaction allemande, nous fait abandonner une partie des tranchées péniblement conquises, la veille, par les 17e et 21e bataillons de chasseurs. Ce n'est que dans la soirée que ces tranchées peuvent être reprises par le 109e régiment d'infanterie.
Le 33e corps, qui a lancé la 70e division sur Carency, progresse d'abord assez rapidement, mais est bientôt arrêté par un feu violent. Le général de Maud'huy décide de reprendre cette attaque, après préparation d'artillerie, et de faire appuyer la 70e division par les 23e et 27e bataillons de chasseurs alpins.
Au 10e corps, nous avons organisé le terrain conquis à Saint-Laurent et résisté à toutes les contre-attaques ennemies.

Le 19, les attaques devaient être poursuivies en direction de Carency ; mais, après une entrevue du général Foch et du général Pétain, alors commandant du 33e corps, il fut décidé qu'on attendrait que la préparation fût complète.

L'attaque fut reportée au 21 décembre.

Au 21e et au 10e corps, malgré la vaillance des troupes, les attaques ne peuvent progresser en raison de l'état du terrain. En Artois, les tranchées sont à peu près constamment inondées; il est presque impossible aux fantassins d'en sortir, malgré les gradins de franchissement. Au-delà du parapet, les hommes enfoncent jusqu'aux genoux dans un vrai bourbier : il faut trois minutes pour avancer de cent mètres ; les tirailleurs ne peuvent faire de bonds ni se coucher; les canons de 37 s'enlisent, les culasses des fusils, envahies par la boue, ne fonctionnent plus. Nos pertes sont rapidement très lourdes, et il nous faut renoncer à continuer cette offensive.

Ce n'est que le 27 décembre que le 33e corps peut s'élancer à nouveau. Bien préparée par l'artillerie lourde et exécutée par les 6e, 11e et 27e bataillons de chasseurs à pied, flanqués, à gauche, d'un bataillon du 226e régiment d'infanterie et, à droite, par les 51e,54e et 60e bataillons de chasseurs de réserve, entre Carency et La Targette.
L'attaque réussit bien sur les premières lignes ennemies.
Mais, à l'aube du 28 décembre, une furieuse contre-attaque allemande nous enlève tous nos gains et nous refoule à cent mètres en avant de nos tranchées de départ.
Le mauvais temps nous arrête alors. Nous organisons le terrain au prix d'efforts inouïs et sous une grêle de projectiles. Nos batteries parviennent à réduire au silence les batteries ennemies et nos vieux mortiers de 15 essaient de lutter contre les puissants minenwerfer allemands.

Le 15 janvier, le Généralissime décide de limiter l'action de la 10e armée à des entreprises partielles, et de mettre au repos, à l'arrière du front, les troupes disponibles.

 
L'offensive de la 4ème armée en Champagne (20 décembre 1914 - 9 janvier 1915)
 

Y étaient :

  • Louis HUGUES de Barjols (8ème RIC), est tué à l'ennemi le 28 décembre 1914 à Massiges (Marne).
  • Antoine BOSQ de Bras (8ème RIC), est tué à l'ennemi le 29 décembre 1914 à Massiges (Marne).
 
 

La 4e armée devait attaquer en direction générale d'Attigny, couverte à droite parla 3e armée, qui devait agir entre Argonne et Meuse.
Le général de Langle de Cary décida de faire porter son effort principal sur la ligne ennemie entre Saint-Hilaire-le-Grand et Perthes-les-Hurlus, en direction de Somme-Py, avec les 12e et 17e corps d'armée.
Le 1e corps était provisoirement maintenu en réserve d'armée.
Le 12e corps attaquerait entre la cote 147 et Souain, le 17e dans la région de Perthes-les-Hurlus, le corps colonial sur les hauteurs au nord-est de Beauséjour ; Quant au 2e corps, fortement accroché en Argonne, il devait se contenter de maintenir l'ennemi sur son front.

Les attaques débutèrent, le 20 décembre, par une attaque du 1e corps colonial sur la croupe Calvaire - cote 180. La préparation par l'artillerie dura une heure. Deux colonnes d'attaque, la colonne de droite composée de deux bataillons du 7e colonial, la colonne de gauche d'un bataillon du 22e colonial et d'un bataillon du 33e , s'élancent à 9h30 et occupent rapidement les tranchées ennemies.
L'adversaire semble avoir été surpris; son artillerie ne riposte sérieusement qu'à partir de dix heures.
Au 17e corps, la 33e division lance trois attaques, fortes de chacune un bataillon après une préparation d'artillerie : l'attaque de droite (un bataillon du 20e régiment d'infanterie) se heurte à des réseaux intacts et s'arrête au pied même de ces réseaux; il en est de même pour l’autre bataillon du 20e qui attaque au centre.
Le bataillon du 207e d'infanterie, à gauche, parvient jusqu'au bois des Bouleaux, mais ne peut y pénétrer.
La 34e division attaque avec quatre bataillons de la 67e  brigade : deux du 83e deux du 14e régiments d'infanterie.
Bien que les réseaux ennemis aient été en partie bouleversés par deux fourneaux de mine et par un tir des mortiers de 15, leurs brèches ne sont pas suffisantes et les vagues d'assaut sont clouées au sol.
Seul, un bataillon du 83e régiment d'infanterie peut enlever quelques éléments de tranchées et s'y maintenir. Mais 700 hommes sont hors de combat.

Le 21 décembre, le corps colonial organise le terrain conquis et repousse, à 11 heures et à 15  heures, deux violentes contre-attaques allemandes. Au 17e corps, la 33e division a réussi à faire quelques progrès pendant la nuit. A la 34e division, après une bonne préparation d'artillerie par le 155 et le 75, un bataillon du 83e régiment d'infanterie et le 59e sont lancés à l'attaque, au début de l’après-midi; ils atteignent la route de Perthes à Souain et la bordent.
Le 12e corps, qui avait mission d'attaquer sur Souain et le moulin de Souain, devait déclencher ses attaques à 9h30, après une préparation d'artillerie d'une heure.
Malgré l'ardeur des assaillants, et en particulier du 78e régiment d'infanterie, les attaques échouent devant les défenses accessoires, insuffisamment détruites.

Les pertes sont particulièrement lourdes : 32 officiers et 1300 hommes hors de combat.

Le lendemain, 22 décembre, on se contente, sur le front de la 4e armée, d'organiser le terrain conquis et de repousser les contre attaques : le 83e régiment d'infanterie dut même charger à la baïonnette.

Le 23 décembre, l'offensive continue au 17e corps d'armée. La 33e division attaque la position dite des « Tranchées Brunes ».
Quatre cents mètres de tranchées formidablement organisées, flanquées par des canons sous coupoles et des caponnières cuirassées, sont rapidement conquis par un bataillon du 20e et un bataillon du 7e régiment d'infanterie, grâce à la précision du tir de préparation des groupes de l'artillerie divisionnaire de la 33e division. Les tranchées conquises sont jonchées de cadavres feldgrau. Toutes les contre-attaques allemandes se brisent sous nos feux.

Après ce beau succès, la 33e division, avec deux compagnies du 11e régiment d'infanterie, enlève, le 24 décembre, les importantes positions du bois jaune et du bois des Moutons, et arrête toutes les contre-attaques des Allemands, malgré leur violence.

Pendant les journées suivantes des 25, 26 et 27 décembre, les corps de la 4e armée continuent d'organiser les positions conquises, les relient par des boyaux de communication aux tranchées de départ et préparent, tant par des réglages d'artillerie que par des avancées à la sape, l'attaque future des positions ennemies.

Dès le 25 décembre, le général de Langle avait modifié son plan primitif et adressé ses corps de nouveaux ordres.
Le 12e corps d'armée devait maintenir ses positions, en déplaçant vers l'Est son centre de gravité, l'effort principal devant être fait par le 17e corps, le 1e corps et le corps colonial, entre Perthes et Massiges, une division du 1e corps venant s'intercaler entre le 17e corps et le corps colonial.
Le 2e corps, toujours fortement engagé en Argonne, devait continuer sa mission, avec un renfort de deux régiments.

Le 28 décembre, le corps colonial, partant de la Main-de-Massiges, attaque les tranchées de la Verrue, au nord-ouest de la cote 191
La préparation d'artillerie, retardée par le mauvais temps, ne peut commencer qu'à 11h30 au lieu de 8h30, heure prévue.
Elle est d'ailleurs insuffisante. Un bataillon du 8e et un bataillon du 33e colonial sortent de nos tranchées à 12h30. Le bataillon du 8e, pris sur son flanc gauche par le feu de mitrailleuses intactes, éprouve de lourdes pertes et ne peut avancer : le bataillon du 33e réussit à atteindre les tranchées ennemies et à y prendre pied; mais ayant subi, lui aussi, de grosses pertes, très en flèche par suite de l'échec de l'attaque du bataillon du 8e, il reçoit, à la tombée de la nuit, l'ordre d'évacuer la position conquise.
La 4e brigade coloniale perdait dans cette affaire 1200 officiers et hommes hors de combat.
La température devient extrêmement rigoureuse; les nuits sont froides et d'épais brouillards empêchent, dès le matin, les réglages d'artillerie.
Le 17e corps d'armée lance, le 30 décembre, sa 33e division sur les « Tranchées Blanches », ouvrage situé au nord-est de l'extrémité nord des « Tranchées Brunes ».
La préparation d'artillerie ne peut commencer qu'à 12h30 ; l'attaque est déclenchée à 14h45.

Le 1e bataillon du 9e régiment d'infanterie enlève les « Tranchées Blanches » d'un seul bond et les dépasse, suivi par le 2e bataillon du même régiment, tandis que le 3e bataillon est arrêté dans les boyaux. Les 7e et 20e régiments d'infanterie restaient au bois Jaune et au bois des Moutons.
A la 34e division, l'attaque est déclenchée à 15 heures.
Mais au 88e régiment d'infanterie comme au 83e, on éprouve de grosses difficultés pour déboucher des boyaux étroits, où les troupes d'assaut avaient dû être maintenues pour échapper au violent bombardement de l'ennemi. Notre progression est nulle.

Les Allemands, à l'aube du 31 décembre, lancent une violente contre-attaque contre les « Tranchées Blanches » ; ils sont repoussés avec de lourdes pertes, mais nous soumettent à un bombardement terrible.
Le mauvais temps, la fatigue des troupes, les faibles allocations de munitions que le G. Q. G. peut mettre à la disposition de la 4e armée, ralentissent nos efforts.
Trois sections du 127e régiment d'infanterie tentent de s'emparer du « Fortin » au nord de Beauséjour ; elles échouent sous le feu des mitrailleuses ennemies.

Dans la nuit du 7 au 8 janvier, à la cote 200, à quinze cents mètres de Perthes-les-Hurlus, les Allemands, après un très violent bombardement, renversent le barrage de sacs à terre qui les séparait de nos tranchées et s'emparent du saillant. A deux reprises, le 83e régiment d'infanterie essaie de reprendre à la grenade la tranchée perdue; mais il échoue.
C'est un bataillon frais du 14e régiment d'infanterie qui, après un tir d'écrasement, peut réoccuper le saillant de la cote 200.
Menacés dans Perthes-les-Hurlus, les Allemands évacuent alors le village dont les ruines, jusqu'à la lisière nord, sont occupées par le 88e régiment d'infanterie.
Dans la nuit, une violente contre-attaque du 69e régiment d'infanterie allemand sur Perthes et la cote 200, se brise et coûte 200 tués à l'ennemi.

Le lendemain 9 janvier, après une intense préparation d'artillerie, notre 1e corps entre en action à 9h30 : il lance six compagnies des 1e et 127e régiments d'infanterie, et un bataillon du 1e régiment d'infanterie au nord du bois des Trois Coupures et à l'ouest de Beauséjour.
Le « Fortin » est enlevé d'un seul bond, mais nous ne pouvons en déboucher. Nous n'atteignons, d'autre part, la lisière nord du bois des Trois Coupures que à 15 heures. Nos troupes sont harassées. Devant elles, l'adversaire se réorganise. Nos pertes s'accentuent.

Du 20 décembre au 6 janvier, le 17e corps a perdu 89 officiers et 5.256 hommes; il a cependant réussi, à hauteur de la cote 200 et de Perthes-les-Hurlus, à reporter à plus de deux kilomètres au nord notre première ligne.

Surtout le front de la 4e armée, nous tenons maintenant l'ennemi sous la menace d'une attaque.
Néanmoins, pour ne pas épuiser les troupes, et aussi par manque de munitions, l'activité sur ce front va se borner jusqu'à fin janvier aux épisodes habituels de la guerre de tranchées bombardements, échanges de grenades et guerre de mines.

 
Le 2ème Corps en Argonne (17 novembre 1914 - 8 janvier 1915)
 

Y étaient :

 
 

Le 2e Corps, qui tient en Argonne un secteur situé entre la vallée de l'Aisne, à l'ouest, et la route Les Islettes - La Chalade, à l'est, n'a reçu pendant cette période, qu'une mission purement défensive.
Ce corps d'armée menait une lutte particulièrement âpre et difficile dans cette partie de la forêt d'Argonne devenue légendaire : le bois de la Gruerie.
Durant octobre et novembre, ce ne sont qu'attaques et contre-attaques à peu près quotidiennes sur le pavillon de Bagatelle, la ferme Saint-Hubert et Fontaine-Madame.

Le 17 novembre, une attaque des plus violentes oblige le 2e régiment d'infanterie coloniale à abandonner ses tranchées de première et de seconde ligne.
Mais l'ennemi est arrêté et ne peut aller plus loin.
D'ailleurs, le lendemain matin, un bataillon du 2e colonial, par une attaque très vivement menée, reprenait la plus grande partie des tranchées perdues en deuxième ligne et quelques éléments de la première ligne.
Une soixantaine d'Allemands, coiffés de képis de coloniaux, et découverts dans un élément de tranchée de la deuxième ligne, étaient passés par les armes.

Le 19 novembre, le Généralissime rattachait au 2e corps d'armée la 10e division d'infanterie, qui occupait les massifs orientaux de l'Argonne.
Le front du 2e corps s'étend alors jusqu'à Boureuilles.

Le 22 novembre, une très forte attaque allemande, lancée sur Bagatelle, nous enlève notre première ligne sur le front de trois compagnies, malgré l'héroïque défense des unités du 120e régiment d'infanterie. La guerre de mines bouleverse le bois de la Gruerie.

Le 17 décembre, après avoir fait exploser plusieurs mines et fougasses, trois ou quatre bataillons allemands parvenaient à enfoncer nos première et seconde lignes, à franchir le ravin du Mortier et à occuper la crête ouest de ce ravin. 6 compagnies du 9e bataillon de chasseurs étaient détruites ou prisonnières.
Malgré nos contre-attaques, quelques mitrailleurs allemands réussissent à se maintenir sur le versant ouest du ravin du Mortier. Nos pertes étaient lourdes environ 1500 hommes. Pour étayer le 2e corps, le Général commandant en chef lui adjoignait la Légion garibaldienne.

Dans les journées du 30 et du 31 décembre, les réactions allemandes, particulièrement acharnées, nous firent craindre une percée de l'ennemi sur le flanc droit de notre 4e armée.
En effet, le 30, après l'explosion de plusieurs fourneaux de mines, l'ennemi bousculait un bataillon du 73e régiment d'infanterie et tournait un bataillon du 72e ; nos réserves parvenaient pourtant à reconquérir du terrain.
Mais le 31 décembre, tandis que nous reprenions l'offensive pour réoccuper les tranchées perdues, l'ennemi nous ré-attaquait  avec une violence croissante.
Un bataillon du 51e régiment d'infanterie et un bataillon du 87e étaient rejetés, dès 10 heures, sur notre troisième ligne, à hauteur de Fontaine Madame, où nous parvenions à grande peine à nous accrocher.
Des attaques locales, très meurtrières, nous permirent, peu à peu, de refouler l'ennemi par des travaux à la sape.

Le 5 janvier, nous brisions à Fontaine Madame une nouvelle attaque de trois bataillons allemands; aux Courtes-Chausses, dans le secteur de la 10e division, la Légion garibaldienne faisait brèche dans les tranchées allemandes sur un front de six cents mètres ; mais insuffisamment instruites, ces troupes étaient ramenées par une contre-attaque ennemie.

Enfin, le 8 janvier, l'adversaire, après un violent bombardement, nous attaquait violemment au bois de Bolante. Le 46e régiment d'infanterie et des fractions des 76e et 89e sont bousculés et rejetés au-delà du ravin des Meurissons.
Une contre-attaque des 9e et 4e régiments étrangers (Légion garibaldienne) nous permet de reconquérir la majeure partie du terrain perdu, mais au prix de pertes élevées.
L'ennemi déploie en Argonne une activité incessante : les unités du 2e corps, bien qu'affaiblies par des pertes continuelles, parviennent au prix d'efforts héroïques à maintenir notre front.
Mais il faudra les puissantes attaques de la 3e armée sur les massifs orientaux de l'Argonne, Vauquois et Boureuilles, pour faire diminuer un peu l'écrasante pression des masses allemandes sur la Gruerie et le bois de Bolante.

 
La 8e armée dans les Flandres (14 décembre 1914 - 25 janvier 1915)
 

Y étaient :

 

le 14 décembre
A la 8e armée, nous attaquons en liaison avec l'armée anglaise. Bien que le général Joffre eût désiré que tous nos procédés de destruction des défenses accessoires fussent au point avant de prononcer l'attaque, nous devons partir à l'assaut le 14 décembre pour accéder au désir de l'armée britannique, très pressée d'agir.
Au 9e corps d'armée, le 77e régiment d'infanterie, malgré un feu violent, s'empare de trois cents mètres de tranchées, qu'il conserve, au sud du château d'Herentage.
A la 17e division, la progression est pénible et le gain à peu près nul.
Au 16e corps, l'infanterie sort de ses tranchées, mais est arrêtée devant des réseaux non détruits.
Au 32e corps, nous gagnons environ cent mètres de tranchées.
Le lendemain et les jours suivants, les attaques continuent sans résultats appréciables.

Pourtant, le 17 décembre, le 20e corps s'emparait du Cabaret de Korteker et enlevait brillamment quatre à cinq cents mètres de tranchées entre Steenstraat et le bois Triangulaire.
Mais, partout, les organisations ennemies sont puissantes; le sol marécageux des Flandres est un océan de boue, dans lequel nos soldats enfoncent jusqu'aux genoux. Aussi, le 30 décembre, le Généralissime prescrit-il au général d'Urbal de se tenir sur la défensive, partout où le terrain est impraticable.

Le 25 janvier, à 7 heures, une très forte attaque allemande se déclenche par surprise sur le front de la 17e division.
Sans avoir tiré un coup de canon ni un coup de fusil, les 242e et 244e régiments d'infanterie, le 25e bataillon de chasseurs à pied et le 24e pionniers s'élancent, dès l'aube, à l'attaque de nos positions. Mais, grâce  à la vigilance du 68e régiment d'infanterie , nos mitrailleuses et notre fusillade brisent l'élan des agresseurs qui rétrogradent en laissant 300 cadavres sur le terrain.
A 9 heures, une pareille tentative avorte sous le tir de barrage de notre artillerie.

 

 La 2e armée à La Boisselle (du 17 décembre 1914 - 27 décembre 1914)

 

Y étaient :

 

Le 17 décembre
Le général de Castelnau devait agir en direction générale de Combles, le 11e corps d'armée attaquant sur Ovillers et La Boisselle, la 53e division de réserve sur Montauban et, ultérieurement, sur Contalmaison.
Bien que les brèches dans les réseaux ennemis ne fûssent pas complètes, l'opération fut décidée pour 6 heures, le 17 décembre, sans préparation d'artillerie, pour obtenir le bénéfice de la surprise.
D'un premier élan, le 19e régiment d'infanterie atteint la lisière nord d'Ovillers et le bataillon du 118e se jette dans le cimetière de La Boisselle.
Malheureusement, un feu intense d'artillerie balaie tout le plateau à l'ouest d'Ovillers et le fond du ravin 92.
Nos réserves ne peuvent approcher. Dans la nuit, les débris des formations d'attaque se replient sur nos lignes, sauf à La Boisselle où nous conservons le cimetière.
A la 53e division, notre infanterie, dans un élan superbe, enlève et dépasse sur plusieurs points la première ligne des tranchées ennemies vers Mametz et au nord de Maricourt : nous repoussons de violentes contre-attaques allemandes débouchant du bois de Bernafay et de l'est de Mametz; mais notre progression est arrêtée.
Nos gains n'étaient nulle part en rapport avec les lourdes pertes subies.
Nous nous heurtions toujours à des lignes de soutien, flanquées par des mitrailleuses.

Le 18 décembre
Au 11e corps, notre infanterie parvient à franchir le mur du cimetière de La Boisselle ; mais elle est arrêtée aussitôt par un retranchement que protègent des réseaux barbelés.
L'ennemi avait réoccupé à coups de grenades incendiaires la tranchée que nous lui avions prise au nord de Maricourt.
Notre contre-attaque, tentée à 10h30 par deux bataillons du 45e régiment d'infanterie et un bataillon du 236e, faisait quelques progrès.

Le 24 décembre
Le général de Castelnau donna l'ordre de suspendre l'offensive. La difficulté de détruire les réseaux et de contrebattre efficacement l'artillerie ennemie fit reporter l'attaque du 11e corps, sur La Boisselle, au 24 décembre.
Ce jour-là, le 118e régiment d'infanterie et deux bataillons du 64e sont lancés, à 9 heures, après un violent bombardement;le 118e attaque La Boisselle et réussit à enlever l'îlot de maisons situé au sud-est du village, mais il n'en peut déboucher. A la nuit; le terrain conquis est solidement organisé. Au 64e, les compagnies de tête franchissent les premiers réseaux, mais sont arrêtées devant un second réseau, insoupçonné. Elles subissent là des pertes sérieuses. Mais, malgré le feu terrible de l'ennemi, nos soldats s'organisent sur le terrain conquis.

Dans la journée du 27 décembre, les Allemands dirigent sur nos positions de La Boisselle une très violente canonnade et tentent énergiquement de nous reprendre la portion du village où nous sommes installés. Nos 64e et 118e régiments d'infanterie résistent avec un héroïsme admirable ; nulle part ils ne se laissent entamer.
Il est manifeste que l'artillerie allemande a été considérablement renforcée entre Somme et Ancre plusieurs batteries nouvelles de gros calibre se dévoilent.
Nous renonçons, momentanément, à compléter nos succès à La Boisselle, où bientôt une guerre de mines va bouleverser le terrain.

 

Les 1ère et 3ème armées en Argonne et sur la Meuse (7 décembre 1914 - début janvier 1915)

 

Y étaient :

  • Augustin AGNELY de Rians (3ème RI), est tué le 6 décembre 1914 à Malancourt (Meuse).
  • Auguste RIPPERT de Barjols (111ème RI), est tué le 21 décembre 1914 au bois de Malancourt (Meuse).
  • Louis EMERIC de Nans (111ème RI), est tué le 21 décembre 1914 au bois de Malancourt (Meuse).
  • Joseph BONNEFOY de Tourves (55ème RI), est tué le 30 décembre 1914 à Raffécourt (Meuse).
 
 

La 3e armée, du général Sarrail, devait prendre l'offensive entre Argonne et Meuse, afin de couvrir sur la droite l'action de la 4e armée. Sarrail disposait du 15e corps d'armée, et de la 9ème division du 5e corps, la 10e division ayant été prêtée à la 4e armée. Il devait attaquer en direction de FIaumont prés Samogneux - Sivry - sur-Meuse.

La 1e armée devait agir en direction de Thiaucourt, et lier étroitement son action à celle de la 3e ; elle avait à sa disposition toutes ses forces, moins une brigade mixte active, laissée en réserve à la disposition du Commandant en chef.

Le général Dubail coordonnait les opérations des deux armées.

Aux termes de l'Instruction du général Dubail, l'action progressive de la 1e armée, en direction de Thiaucourt, devait se réaliser sous la forme d'attaques partielles au bois d'Ailly, au bois Le Prêtre, dans les bois de La Sonnard et de Mortmare.

Au bois Le Prêtre, dès le 7 décembre, la 73ème division composée des 145ème brigade (346ème, 353ème et 356ème régiments d'infanterie), 146e brigade (367ème, 368ème et 369ème régiments d'infanterie) et de la brigade mixte de Toul (167ème, 168ème, 169ème régiments d'infanterie), commence à progresser, et cette progression se continue, d'une manière ininterrompue, jusqu'au 12 décembre, dans la direction du carrefour du Père-Hilarion.

Le 12 décembre, le 31e corps lance une attaque au bois de Mort Mare (5 km sud de Thiaucourt) ; tout d'abord, la 128ème brigade enlève les tranchées allemandes situées sur la croupe nord du bois de Ramières. Malgré le terrain détrempé, la brigade parvient à s'installer dans ces tranchées et à repousser une contre-attaque.
Mais, à 17 heures, une nouvelle contre-attaque. débouchant du bois de la Sonnard, nous refoule nous perdons là 250 hommes qui restent enlisés.

Le lendemain, 13 décembre, la 128ème brigade tente de réagir, mais vainement, par suite de l'état épouvantable du terrain.
Au bois d'Ailly, nous avons, d'autre part, enlevé quelques éléments de tranchées. Mais la Woëvre, est devenue un véritable marécage; notre offensive est immédiatement arrêtée

Le 20 décembre
Le 6e corps et la division de marche du général de Morlaincourt devant continuer leur progression méthodique vers les Éparges, Marcheville et la tranchée de Calonne, la 65e division de réserve, passée sous les ordres du 6e corps, assure la sécurité du front depuis Menonville jusqu'à Seuzey.
Le 5e corps porte son. principal effort sur Boureuilles et la croupe de Vauquois, entre Varennes et Cheppy. L'attaque commence à 9 heures. L'infanterie franchit le ruisseau de la Cheppe, mais est arrêtée par des feux de flanc, qui viennent de la cote 263.
Une seconde tentative ne réussit pas mieux; nos troupes essaient de s'installer au nord du ruisseau, mais une contre attaque débouchant de la cote 263 les rejette au sud avec des pertes sérieuses. A droite de l'Aire, nous progressons jusqu'au coude de la route de Boureuilles, et nous organisons le terrain conquis.

Le lendemain, 21 décembre, nous ne progressons pas davantage à gauche de l'Aire; à droite, nous atteignons les premières maisons de Boureuilles.

Le 22 décembre, à 6 heures, par une attaque brusquée, nous pénétrons dans les maisons au sud du village; mais sous la menace d'une contre-attaque enveloppante partant des tranchées de la route Boureuilles Vauquois, notre infanterie doit évacuer Boureuilles pour s'établir à cent cinquante mètres au sud du village.
Au 15ème corps, la 30ème division est chargée d'enlever la cote 281, sur la crête Cuisy-Bois de Forges, et le bois de Forges; son attaque est couverte à gauche par la 29e division, qui doit s'efforcer de progresser entre Haucourt et le bois de Malancourt.
Après une violente préparation d'artillerie, l'assaut est donné à 11 heures.
L'attaque de la 29ème division sur le bois de Malancourt est repoussée, malgré le feu de nos batteries; au nord du bois, nous sommes arrêtés par des réseaux barbelés.
Dans la zone de la 30e division, le 61e régiment d'infanterie, qui attaque la cote 281,gagne environ deux cents mètres : le 55ème RI qui attaque le bois Triangulaire et la corne sud-ouest du bois de Forges ne peut s'emparer des tranchées ennemies.

A partir du 24 décembre et jusque dans les premiers jours de janvier, les opérations, contrariées par le mauvais temps, n'auront plus la moindre ampleur.