Des méreaux découvert sur notre territoire

 

Le méreau est une sorte de « bon-pour », un signe de reconnaissance ou encore, un laissez-passer qui prend la forme la plus commune d'un jeton en métal, plus rarement d'une rondelle de cuir ou en parchemin.

Les méreaux - sans doute du latin merere : être digne de, mériter - sont désignés depuis le Moyen Âge sous les formes de merel, merelles, marelles et mereaulx. C'est la pénurie de monnaie divisionnaire qui explique leur apparition. Ils sont tout d'abord employés dans le domaine ecclésiastique à partir du XIIIème siècle comme jeton de présence des chanoines aux offices et donnaient droit à un repas ou à une portion de pain, ces derniers pouvaient ensuite en faire profiter les pauvres. Au XVème siècle, on créa même des méreaux qui valaient 5, 20, 30 ou 45 deniers que l'on pouvait échanger contre du numéraire. Le méreau est apparenté à la monnaie de nécessité.

Rapidement, de nombreuses corporations ou institutions publiques ou privées utilisèrent ce système qui connut une large diffusion jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. L'enseigne de pèlerinage, sorte de médaille ou broche munie d’une bélière ou d'un système d'attache au chapeau ou à la cape du pèlerin est qualifiée improprement de « méreau de pèlerinage »

 
Varages - Castellum de Bezaudun (vers 1200)
 
 
Il s'agit d'un jeton de reconnaissance en argent plombeux.
Son poids est de 1.57 g pour un diamètre de 15 mm.
Il date de la fin du XIIème siècle, début du XIIIème siècle
On distingue :
- à l'avers : dans un cercle lisse entouré de hachures, un loup passant à gauche la tête tournée à droite.
- au revers : Dans un cercle lisse entouré de hachures, une rosette à sept pétales.
 
Le castellum de Besaldunum (sur le territoire actuel de Varages) est bien identifié depuis le XIe siècle. Il fait alors partie des biens de l’abbaye de Saint-Victor confirmés par Grégoire VII le 04 juillet 1079. Le castellum et ses terres passent ensuite aux sires d’Agoult. Les Agoult, à la fin du XIIème siècle prétendant être rattachés directement à l’empereur, diffusent la légende selon laquelle ils auraient eu pour ancêtre un dénommé Loup, à qui l’empereur aurait donné ses terres. Ce fait explique que les Agoult portent depuis cette époque un loup sur leur écu.
 
photo : Jean Yves THIANT
 
Source : http://artefacts.mom.fr/fr/home.php
 
Seillons - La Tuilière (vers 1250)
 
 

Il s'agit d'un méreau en plomb découvert au domaine de la Tuilière à Seillons Source d'Argens.
Son poids est de 1.18 g pour un diamètre variant entre 15.38 mm et 16.29 mm. Son épaisseur est de 1.45 mm.

On distingue :
- à l'avers : une croix évasée aux extrémités et cantonnée aux extrémités de quatre besants. Le décor de bordure est hachuré.
- au revers : une croix bouletée centrale entourée d'une triple bordure à décors successivement et alternativement composés de rayons droits, grènetis et rayons hachurés.

Commentaires : le style de ce méreau est en forme de roue ou d’engrenages de moulin au revers. On pourrait supposer que ce méreau servait à payer le broyage du blé apporté au moulin.

 
Source : http://artefacts.mom.fr/fr/home.php
 
Saint-Maximin - Sceaux (1290 - 1310)
 
 

Il s'agit d'un méreau en plomb découvert à l'occasion de labours au domaine de Sceaux à Saint-Maximin.
Son poids est de 0.95 g pour un diamètre de 13.5 mm et une épaisseur de 1.52 mm.

On distingue :
- à l'avers : dessin des carrés d'un jeu de mérelles avec trois carrés reliés entre eux par des lignes ; hachures sur les bordsdes quatre côtés.
- au revers : croix aux extrémités bouletées de trois globules en lieu et place des lis ; bordure hachurée.

Commentaires : Le style du décor désigne un méreau de jeu (pion d'un jeu de mérelle sur table), venant de l'Ile de France, sans doute à la suite des personnels royaux. Ce pion semble avoir été percé ultérieurement en application des interdictions royales des jeux de tables utilisant des mises d'argent.

 
Châteauvert - Le castrum (vers 1450)
 
 

Ce fragment de méreau en plomb a été découvert  dans le castrum de Chateauvert.
Son poids est de 1.31g pour une longueur de 20 mm et une largeur de 17mm. Son épaisseur est de 1.49mm.

A - ASPECT GENERAL DU PLOMB

Le plomb porte une légère patine brune due à un séjour prolongé en terre et a un début d’oxydation qui a protégé chimiquement le plomb en évitant une désagrégation. Deux fragments  se sont néanmoins détachés après cassure nette (coups dans le sol ?)  il ne reste que le fragment central qui représente  environ les deux tiers du disque métallique.

B - INTERPRETATION DU DESSIN D’AVERS

Le dessin d’avers est parfaitement lisible, les cassures n’ayant pas altéré  son graphisme
Il s’agit d’un râteau à quatre dents sont retournées vers le manche – Quatre autres traits verticaux extérieurs au râteau peuvent se lire de deux manières :  - soit comme les traces d’un raclage du sol laissées par les dents (on observera que ces traces ne correspondent pas exactement a l’emplacement des dents du râteau) 
-soit comme le chiffre romain IIII  quatre.
On aura remarqué la forme inhabituelle des quatre dents du râteau, figurées comme des tiges agrandies à leur extrémité et comme bouletées. Les deux dents  des extrémités comportent d’ailleurs une sorte de branche greffée en biais avec un départ intérieur qui ne correspond à rien dans un râteau habituel - 
Enfin on observera que la tranche métallique horizontale du râteau supportant les quatre dents est décorée en relief, de carrés creux et d’autres en relief alternés de manière irrationnelle.
Ces détails inutiles et en apparence superflus dans un dessin de râteau classique, prennent un sens particulier si le graveur a voulu jouer sur le graphisme ambivalent pour exprimer un message symbolique à deux dimensions –
Dans un tel contexte qui évoque les méreaux à compte, et les méreaux de paiement ou d’achats des services de l’Hôtel Royal de France, comme ceux de la Fourrière, la symbolique du graphisme à double lecture pourrait évoquer  la forme d’une couronne royale  faisant  habilement corps avec le râteau, dont les dents prennent allure de fleurons quand le corps horizontal du râteau devient  décor de joyaux d’un bandeau de couronne.

Le râteau - couronne  symbole de la fourrière royale serait donc surmonté du chiffre  IIII  donnant sa valeur de paiement (paiement de salaires pour 4 deniers, ou 4 livres) par exemple. 

C - INTERPRETATION DU DESSIN DE REVERS

Comme pour le dessin d’avers, et comme dans un certain nombre réduit d’exemples déjà connus, il semble que le graveur du méreau ait utilisé l’ambiguité des graphismes, et une forme intellectuelle ludique prenant sa source dans l’état d’esprit des rébus, pour réaliser plusieurs figures exprimées à travers un seul ensemble de traits-.

La forme la plus évoluée de cette conception graphique ludique se retrouvera au XVIe siècle dans les oeuvres du peintre italien ARCIMBOLDO plus connu des artistes de sa spécialité.

Après relevé photographique du mereau pris en lumière rasante sous quatre angles d’éclairage complémentaires à 90° d’intervalle correspondant aux positions approximatives N.S.E.O  , l’accentuation des reliefs par l’éclairage rasant permet de dégager des groupes de traits rendant des formes différentes cohérentes en dépit de l’usure légère du plomb.

Nous avons pu dégager trois silhouettes différentes  enchevêtrées dans les mêmes traits  aux ambiguïtés  volontairement exploitées.

Sur le relevé 1, nous pouvons observer un personnage probablement royal assis sur ce qui pourrait être un trône, positionné de trois quart à gauche avec une longue robe à plis amples et à manches bouffantes. Les deux pieds du personnage sont probablement encadrés par des pieds  de la chaise royale. Un bourrelet -  bandeau surmonte la tête en guise de couronne.

 

Sur le relevé 2  Nous retrouvons le même personnage assis, en observant  un autre personnage presque superposé au premier, en position debout, le corps penché  en avant, le buste exagérément allongé,  positionné comme venant s’appuyer par derrière sur les épaules du premier assis. La tête de profil de ce personnage barbu vient se placer juste au - dessus de la tête royale du premier personnage assis dont les traits s’estompent dans cette perspective.
A-t-on voulu représenter un roi assis en majesté, entouré d’un conseiller pour rendre ses jugements ?  

Sur le relevé 3, Nous dégageons d’autres traits partant des bras à manches bouffantes du personnage précédent, dont l’ambiguité de traitement est suffisante pour permettre une troisième lecture possible hors du contexte précédent .Cette lecture est plus hypothétique dans la mesure ou sa concrétisation doit prendre en compte les fragments disparus du plomb, fragments dont on ignore évidemment la graphie.
Dans une telle hypothèse aléatoire, nos deux bras se transforment de manière plausible en jambes et cuisses  traitées  par un habile raccourci  d’artiste, et cette logique nous permet de localiser la position d’un bras proportionné  (voire d’un second replié) à l’ensemble d’un                                                                        
corps dont le haut du buste et la tête auraient fait partie d’un fragment disparu, sans que la raison d’être d’un tel personnage ne vienne s’articuler et s’expliquer dans un récit à message logique et construit.

D   DATATION PROPOSEE

Le style décoratif du râteau –couronne, des chiffres romains, du décor de gros  grénetis de la bordure concordent pour indiquer une fourchette chronologique milieu XVème siècle.

Il s’agirait d’un méreau de rémunération des présences d’un membre du personnel d’un service de l’Hôtel royal,   jouant un rôle de conseiller royal (personnage debout penché sur l’épaule du roi et placé derrière lui ?).Nous savons que les Chambellans ou le barbier, du cercle rapproché des intimes, directement attachés à la personne royale  pouvaient jouer ce rôle.

photo : Jean Yves THIANT
dessin : Jacques LABROT

 
Source : http://artefacts.mom.fr/fr/home.php