Visite de Louis XIV à Saint Maximin en 1660
(d'après la publication datant de 1889 de Louis Rostan)
A
Le contexte
 

En 1660 Louis XIV se rend en Provence pendant que l'on traite avec l'Espagne de la paix, ainsi que de son mariage avec l'infante.
Il vient dans ce pays pour apaiser les troubles qui l'ont récemment agité. Il est accompagné de la reine Anne d'Autriche, sa mère, du duc d'Anjou, son frère, depuis duc d'Orléans. Font aussi partie de sa suite Mademoiselle, fille de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, le prince et la princesse de Conti, le comte de Soissons, la princesse Palatine, le cardinal Mazarin, le nonce du Pape, plusieurs évêques, les maréchaux de Grammont, Duplessis, de Villeroi, les quatre secrétaires d'Etat et un grand nombre d'autres seigneurs de la Cour.
Après s'être arrêté plusieurs jours à Arles, il arrive à Aix le 17 janvier et y demeure quelques temps. C'est au cours de son séjour dans cette ville qu'il apprend que la paix vient d'être signée. Il décide alors de différer d'un jour son départ pour Saint Maximin, afin d'assister à la cérémonie du Te Deum dans l'église de Saint Sauveur.
C'est le lendemain 4 février qu'il se met en route pour Saint Maximin avec la reine mère, le duc d'Anjou et une grande partie des seigneurs venus avec lui en Provence.
Après Saint Maximin et la Sainte Baume, Toulon, Hyères, Cotignac et Brignoles furent successivement visités. Après cette excursion de près de trois semaines, le retour à Aix se fit encore par Saint Maximin, où le roi s'arrêta de nouveau à son passage.
D'après le notaire Henry Guichard, le cortège se composait des plus nobles seigneurs et des plus grandes dames de France, avec 50 ou 60 carosses, plus de 50 charriots, plus de 100 mulets et 500 gardes à cheval.

 
Les préparatifs de la visite à Saint Maximin
 
Les consuls de Saint Maximin avaient été informés à l'avance de la prochaine visite du roi. Au conseil général du 11 janvier, présidé par le premier consul Pierre de Richeri en absence du viguier, il en est fait mention dans les termes suivants : "Remonstrent les sieurs consuls qu'ils ont eu nouvelle que le roy est arrivé dans la Province et doict arriver ung jour de cette semaine prochaine dans la ville d'Aix et, de là, on croit qu'il viendra en ceste ville pour voir les sainctes reliques de la saincte Marie Magdaleine, et par ainsi, il est nécessaire de prouvoir à bonne heure à l'entrée qu'on doibt faire de sa Majesté dans ceste ville, au sujet de tout ce que sera requis et nécessaire, requérant le conseil d'y vouloir délibérer".
Le conseil s'empresse de donner pouvoir aux consuls "de faire, au sujet de l'entrée de sa dite Majesté en ceste ville, tout ce que sera advisé".
Dans cette séance, les consuls communiquent aussi une lettre du secrétaire de monseigneur le gouverneur par laquelle ce dernier annonce que le roi doit arriver en la ville d'Aix. Ils poursuivent (d'après le registre du conseil) : "comme on sait qu'à Saint Maximin il y a de très beaux raisins, par ainsi prie lesdits sieurs consuls de leur en faire tenir pour régaller la Cour, de sorte, que pour obliger monseigneur le gouverneur, les dits sieurs consuls auraient fait présent de deux charges de raisins des plus beaux que leur a été possible de trouver, s'estant le sieur consul Rey pourté en la ville d'Aix pour offrir ledit présent à monseigneur le gouverneur qui l'a reçu fort agréablement".
Le conseil approuve cette décision et autorise le trésorier Honoré Laugier à se rembourser de la somme de 25 livres 12 sols (14 livres 8 sols pour les raisins + 7 livres 4 sols pour les caisses destinées à les renfermer + 4 livres pour le port) par lui fournie pour le prix des raisins et leur envoi à Monsieur le gouverneur.
Par la même occasion il est fait un présent au secrétaire de Monsieur le gouverneur, pour ménager ses bonnes grâces, et le conseil délibère que le trésorier moderne se remboursera 22 livres à ce sujet.
Au cours de ce même conseil du 11 janvier les consuls font état de lettres reçues de Monsieur le président de la Roquette, les priant "de lui envoyer de la chasse".
Les consuls décident de satisfaire le désir de Monsieur de président. Le compte rendu du conseil suivant du 15 février nous apprend que 19 livres ont été affectées à cette dépense (18 livres 14 sols remboursés au sieur Honoré Laugier pour quatre paires de perdrix, deux paires de lapins, une paire de levraux, et 6 sols à Gaspard Vitrol pour le port).
Le consul Rey est chargé d'aller offrir ce présent à Monsieur le président de la Roquette et en même temps d'acheter le dais "pour présenter à sa Majesté, lorsqu'elle ferait ici son entrée", et aussi de faire peindre les armes du roi et celles de Provence pour placer à l'entrée de la ville.
Le coût d'achat du dais de satin bleu avec franges d'or et d'argent dépasse la somme de 100 livres. Pour les armes du roi, du pays et de la ville, il est payé 16 livres, et, en outre, 3 livres, pour celles de monseigneur le duc d'Anjou.
Il est payé également à Jacques Liautard, maître menuisier, 10 livres pour avoir travaillé à l'entrée du roi à la porte d'Aix, et 3 livres pour avoir changé la décoration de cette entrée, et l'avoir transportée à la porte de Marseille, au retour de sa majesté de la ville de Toulon.
Les flambeaux en cire destinés à éclairer l'arrivée du roi, et le lendemain son retour de la Sainte Baume, pèsent 71 livres et coûtent 53 livres 5 sols.
La dépense la plus importante est celle de la fourniture de la paille, du foin et de l'avoine pour les cheveaux et la suite du roi.
 
L'arrivée du roi à Saint Maximin le mercredi 4 février
 
Contrairement à la visite de Louis XIII, la réception de Louis XIV à Saint Maximin est d'une extrême sobriété, en raison des instructions mêmes du roi voulant être reçu partout sans bruit, et sans grandes dépenses.
Le notaire Guichard est muet sur le sujet. Nous savons simplement qu'un dais avait été préparé et que des clés d'argent, destinées à être remises à sa Majesté, avaient été fabriquées.
La réception faite par les religieux dominicains est relatée avec plus de détails.
C'est le mercredi 4 février, vers 18 heures que le roi se présente devant la porte de l'église où il est harangué par le père Mayoli, prieur des Dominicains accompagné de 60 religieux, revêtus d'ornements splendides. Il est ensuite conduit processionnellement jusqu'au grand autel, au milieu de la population au chant du Te Deum. La nef étincellante de lumière est éclairée de plus de 500 flambeaux.
Après que Leurs Majestés se soient respectueusement agenouillées, on leur montre la chasse de bois, placée sur le maitre-autel renfermant les ossements de Sainte Madeleine, hors le chef et le bras qui se trouvent dans la crypte.
Il est décidé que la translation des reliques dans une très belle et très riche urne de porphyre, aurait lieu le lendemain, au retour de la Sainte Baume.
Leurs majestés descendent ensuite dans la chapelle souterraine de ladite église, où elles visitent le sacré chef de l'illustre pénitente, qui est relevé dans une châsse d'or, greslée de pierreries, après quoi elles retirent dans les appartements qui leur avaient été préparés dans le couvent.
La reine Anne d'Autriche et le duc d'Anjou sont logés à l'hospice attenant à l'église (bâtiment aujourd'hui détruit, qui se trouvait sur l'emplacement de l'actuel Hôtel de Ville), dans les pièces destinées aux hôtes princiers de passage en cette ville.
Le roi est logé dans les bâtiments de l'Infirmerie situés à l'est, avec vue sur la campagne.
Le roi, peu après son arrivée, se rend chez sa mère et le duc d'Anjou ; le prieur fait aussitôt dresser une table et s'empresse de venir à la tête d'un certain nombre de religieux. Ils apportent de grands bassins contenant des poissons très bien assaisonnés et des fruits les plus exquis qu'on peut trouver en cette saison, conformément à l'ordonnance du roi René qui obligeait le couvent à héberger les comtes de Provence lors de leur passage en ce lieu.
La reine répond aux religieux que le roi les remercie bien affectueusement de leur bon accueil et de leur civilité, mais elle se contente de garder les fruits.
Le lendemain matin, après avoir ouï la messe dans la crypte où Anne d'Autriche communie des mains de monseigneur de Marinis, qui s'était rendu à Saint Maximin à l'occasion du passage du roi, Leurs Majestés partent pour la Sainte Baume.
 
Visite de la Sainte Baume le 5 février
 
Au départ de Saint Maximin le roi et le duc d'Anjou prennent place dans le carosse de la reine-mère jusqu'au village de Nans. Là, le roi monte à cheval pour faire l'ascension de la sainte montagne. Il se dirige directement au Saint Pilon, en descend ensuite à pied jusqu'au dernier oratoire, puis remonte jusqu'à la grotte.
Anne d'Autriche s'y rend de son côté en litière.
A son arrivée la reine veut entendre encore une messe, à laquelle le roi assiste également.
Ils visitent ensuite les lieux de pénitence pendant environ deux heures.
Pour ne pas enfreindre la pieuse coutume qui veut qu'en ces lieux on ne consomme pas d'aliments gras, Leurs Majestés font porter à Nans le diner qui leur avait été préparé, se contentant pour le moment de fruits offerts par les religieux.
Le retour vers Saint Maximin a lieu en soirée.
 
La translation des reliques
 
Selon la chronique du père Reboul :
"Estant de retour sur les cinq à six heures du soir, après un moment de repos, le capitaine des gardes ayant fait fermer les portes de l'église et fait sortir tous ceux qui étaient dedans, mesme les magistrats et les consuls, le roy s'y rendit pour faire fere la translation des ossements de Saine Madeleine dans cette urne de porphyre. Monsieur l'archevesque d'Avignon en chappe et en mittre, faisant la fonction ; le sacristain, accompagné de quelques religieux, descendirent la chasse de bois et la mirent sur une table, ou le roy, le reyne et Monsieur occupoient les trois côtés et l'archevêsque le quatrième. Cette chasse estant ouverte, on y trouva un petit coffre de cuivre tout couvert de brocard, attaché avec des rubans blancs et les armes du roy en divers endroits ; le roy ayant commandé de rompre ces cachets, on ouvrit le coffre, dans lequel on trouva une tavaillole, ou écharpe bleue, qui couvroit un linge blanc, qui enveloppoit tous les ossements de la sainte. D'abord le sieur archevesque, après avoir bénit un autre coffre de plomb, revestu d'un autre brocard à fond d'or et l'autre linge qui devoit renfermer ces précieux ossements, il tiroit un os après l'autre que le sieur Antoine Vallot, l'ordinaire médecin du roy, reconnaissoit et disoit que c'estoit un os ou des bras ou des jambes, etc... Le sieur archevesque pressa la reyne d'en choisir quelques-uns pour la maison royale et pour ceux qu'elle voudroit, elle se contenta du troisième os du vertèbre et des particules de chair qui restoient dans le linge qu'elle fit fermer au R.P. Leroy, son confesseur, là présent ; ensemble la tavaillole et le coffre de cuivre et tout ce qu'elle put avoir de la caisse de bois, de laquelle elle fit faire de petits chapelets pour distribuer aux dames qui n'avaient pas suivi la Cour. La cérémonie achevée, on ferma à clef cette petite caisse et on présenta la clef à S.M. qu'elle mit dans sa pochette ; et parce qu'on trouva dans ladite caisse divers procès-verbaux et des actes forts anciens, on les fit porter chez Monsieur de Loménie, secrétaire d'Estat, pour les voir et les examiner et ensuite dresser le sien en forme de lettres-patentes qui renfermeroient toutes ces chartes que le roy fit remettreà son retour de Thoulon dans l'urne de porphyre, avec toutes les autres, ensemble les verbaux faits par l'archevesque d'Avignon et par le prieur de Saint Maximin...".
Louis XIV prend soin d'apposer son sceau royal sur le coffre en plomb à dix endroits différents. Ce coffre est ensuite transporté dans la chapelle souterraine et, le lendemain matin 6 février, avant de se mettre en route pour Toulon, le roi, la reine-mère, le duc d'Anjou et toute la Cour se rendent dans l'église pour achever la translation commencée la veille. Les portes étant restées ouvertes, la foule se précipite à l'intérieur pour être témoin de la cérémonie.
Le coffre de reliques est retiré de la crypte et porté en procession jusque dans la nef en présence du roi, de la reine et de toute la suite. Le coffret est déposé sur l'autel spécialement dressé dans le sanctuaire et ensuite placé dans le vase de porphyre.
Après cette cérémonie, une messe est célébrée au maitre-autel, et vers les 10 ou 11 heures le cortège royal se met en route pour aller coucher à Solliès et se rendre le lendemain à Toulon.
 
Procès-verbal dressé par l'archevêque d'Avignon au sujet du transfert des reliques de Marie-Madeleine en présence du roi Louis XIV et de la reine Anne d'Autriche daté du 22 février 1660 à 17h32 (document conservé aux archives départementales du Var).
 
 
 
Transcription et traduction de Christain Verdier
 

Frère Dominique De Marinis, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Archevêque d’Avignon, et juge, conservateur et par l’autorité apostolique protecteur-né des privilèges de cette sainte église et maison royales, assistant de notre Très Saint Père le Pape, à tous ceux qui les présentes verront, salut, et soumission à la femme apôtre* parmi les apôtres.

Urbain VIII de sainte mémoire avait autrefois béni et, par un rituel solennel, le jour-même consacré de la très sainte Madeleine, en l’année courante 1634, consacré la précieuse urne de porphyre, à la réalisation de la quelle, à Rome, avait pris soin un fidèle rempli de dévotion pour une si grande patronne, le travail étant confié à l’artiste Silvio Calce qui avait fait renaître l’art et la patience perdue depuis l’époque romaine pour le travail de cette pierre très dure. Fut ajouté l’ornement de bronze recouvert d’or de l’image de la gisante, la représentation de la sainte elle-même, et ce par l’art et l’industrie d’Alexandre Algardi, le plus célèbre sculpteur de notre temps, et l’ensemble de cette œuvre attendit longtemps la présence du Roi pour son transfert en cette sainte Basilique afin que le saint corps de Madeleine y soit plus décemment logé. Les vénérables moines, en effet, jugeaient qu’il était impie d’ ouvrir le vieux sépulcre sans l’assistance du Roi.

Mais lorsque vint la plénitude du temps*, Dieu envoya vers notre Gallo-Province la Provence) son fils bien-aimé Louis XIV, notre Très Chrétien Roi de France et de Navarre, accompagné d’Anne d’Autriche, reine incomparable par sa piété et se prudence, sa mère très aimée, que nous avons humblement suppliés de daigner honorer de leur présence le transfert des saints ossements depuis si longtemps souhaité par les pieux fidèles. Ils furent remplis de joie de ce qu’une œuvre d’une si grande piété se présentât à eux. Ils l’ entreprirent sous les plus heureux auspices.

Il advint en effet que, la veille de leur arrivée à cette sainte église, survint alors la nouvelle de l’établissement d’une paix durable entre le Roi Très-chrétien et le roi Catholique d’Espagne, et ce fut par conséquent le premier et le plus heureux jour pour le monde Chrétienté qui fit connaître la paix à tous. Le jour suivant ne put pas être mieux employé qu’à une action de grâce devant l’autel de notre sainte patronne. C’est pourquoi le Roi, La Reine et le Duc d’Anjou unique frère du roi, et toute la curie, consacrèrent ce jour à ce saint un pèlerinage. En effet, la veille des nones de février vers la sixième heure du soir, ils se présentèrent ici, et, solennellement accueillis par les moines au portail de l’église, après avoir vénéré le corps de la sainte et les saintes reliques de Saints qui reposent en nombre en cette église, le Roi et la Reine sont reçus en une humble hospitalité sous le toit des frères.

Le lendemain ayant été pieusement employé à un pèlerinage à la Sainte-Baume, après leur retour à 7 heures du soir, les portes de cette basilique étant de toute part fermées, le Roi Très Chrétien lui-même, la Reine, le duc d’Anjou et les autre princes, à l’exclusion de tous les autres, entrèrent dévotement et en silence dans l’église.

Revêtu à la manière pontificale, nous étions placés devant la table préparée au bas des marches du grand autel, lorsqu’en présence de Leurs Majestés et des autres susdits, sur un signe de tête du Roi, la chaine de fer rompue, et fut dégagée de la pyramide de bois où elle était attachée la chasse semblablement en bois construite en forme d’église, dans laquelle se trouvaient encore quelques restes d’un ornement en bronze rongé par l’injure du temps. Lorsqu’elle fut ouverte, apparut un autre coffret de bronze, légèrement poli et mal fermé. Il contenait une bande de tissu de soie et d’or, et à l’intérieur un linge dans lequel étaient enveloppés sans autre protection les sains ossements en modique quantité. Nous protégeâmes cependant certains parmi les plus remarquables (nous les avons tous nettoyés avec respect ) ; ils avaient en quelque sorte souffert de l’humidité. Et ensuite nous les enveloppâmes d’un nouveau linge, et, nous les protégeâmes d’une nouvelle bande de tissu de soie qui les enveloppait bien et de toute part.

Etait disposée là (sur la table) un coffret de plomb revêtu à l’intérieur et à l’extérieur d’un linge tissé d’or, que nous bénîmes à la manière pontificale, et ensuite nous y enfermâmes les saintes reliques , et, le coffret fermé par une double serrure, nous donnâmes les clefs à garder au roi lui-même qui aussitôt ordonna qu’elles fussent brisées devant lui et en présence des autres ; ce qui fut fait. Et comme le premier coffret était muni du sceau royal, on jugea opportun de munir semblablement le (nouveau) coffret d’un nouveau sceau royal. Ensuite il fut tout entouré de liens de soie couleur de cire. le Roi Très Chrétien en personne imprima dix fois de ses propres mains le sceau royal dans la cire liquide, appelée cire d’Espagne, de couleur rouge.

Lorsque tout cela fut achevé dans l’incomparable dévotion du Roi et de la Reine et l’élévation d’âme de toute l’assistance, l’achèvement du reste fut réservé au lendemain, et pendant ce temps les saintes reliques passèrent la nuit dans une petite chapelle souterraine, où la sainte tête est conservée. Le jour suivant, qui fut le huitième jour avant les ides de février 6 février), un vendredi, tandis que nous étions semblablement dans notre rôle pontifical, vers la neuvième heure du matin, le Roi, la Reine le Duc d’Anjou et tous les autres princes et la curie, étant entrés dans l’église et se dirigèrent vers le grand autel. Alors, après la prière accoutumée, debout avec un grand apparat de cierges et de flambeaux, nous nous avançâmes en procession, et nous déposâmes sur le grand autel les saintes reliques ramenées du lieu susdit. Ensuite, par le ministère des religieux, au milieu des acclamations, de cris et des larmes de la population, les ossements furent enfermés dans le sépulcre de porphyre. Lorsque fut terminée cette cérémonie, après qu’un saint office fut célébré devant le tombeau, le Roi, la Reine et la curie étant présents, ayant imploré le secours de la très sainte patronne, sans plus de retard, ils montèrent dans leur carrosse pour se rendre à Toulon, et, passés 16 jours, le dimanche 22 février, ce même Roi Très Chrétien, la Reine et le Duc d‘Anjou et le reste de la curie, lors de leur retour à Aix, ils vénérèrent une nouvelle foi le saint corps de Madeleine.

Sur l’ordre du Roi, l’urne de porphyre fut ouverte et y fut enfermée la lettre-patente royale qui témoigne de ce transfert, et avec elle y fut placée la nôtre près de la cassette dans laquelle sont enfermées les très saintes reliques, et avec elles nous avons enfermé les anciennes lettres royales et épiscopales de témoignage qui avaient été trouvées dans l’ancienne chasse avec les reliques, et qui font mention des autres transferts, et l’urne fut bien close par des chaines de bronze recouvertes d’or munies d’une double serrure, et les deux clefs, qui furent présentées au Roi, sur son ordre furent brisées.

Concernant tous ces événements, le 22 février 1660, nous avons ordonné que les présentes lettres munies de notre seing manuel et confirmées par notre sceau, soient exposées au couvent de Sainte Marie Madeleine à Saint-Maximin.

Frère Dominique Archevêque d’Avignon. Du mandat de l’illustrissime et Excellentissime Monseigneur l’Archevêque, Michel Angel Minaccius, secrétaire.

* « femme apôtre parmi les apôtres ». Désigne marie madeleine. Le mot latin « apostola » est le féminin de « apostolus » (apôtre ). Le français n’a pas de mot spécifique pour désigner une telle personne. « Apostola » désigne les femmes qui, comme les « apôtres » faisaient partie de l’entourages immédiat du Christ, et se sont senties investies d’une même mission.

*« la plénitude du temps » (plenitudo temporis) : expression empruntée au Nouveau Testament (Epître aux Galates, 4, 4) : désigne le moment voulu par Dieu pour la réalisation d’un événement.