Bataille de l'Aisne avec le 7ème RI
Tigny-Vierzy (Mai-Juin 1918)
 

Y était :

  • Félix LEYDET de Pourcieux (7ème RI), fait prisonnier le 31 mai 1918 à Tigny-Vierzy
 
Après ces formidables combats, le Régiment, réduit à l’état squelettique, avait besoin de se reconstituer. Il fut envoyé à Campeaux.
Brusquement, le 27 mai, la lecture du communiqué nous apprend que l’ennemi, dont le calme n’était qu’apparent, a déclenché une offensive puissante sur le Chemin des Dames. Le lendemain notre repos est interrompu et les Bataillons sont transportés dans la région de Villers-Cotterets les 29 et 30 mai. Mais l’offensive allemande avait fait des progrès : les cantonnements qui nous avaient été primitivement fixés se trouvaient occupés par… les boches. C’était bien là la guerre en rase campagne, celle du début, mais avec des moyens autrement puissants.
Notre rôle devient alors très net : il faut arrêter l’avance boche… Sitôt débarqués, donc, en avant ! Un bataillon, sous le commandement du Capitaine Lacedé, se rend à Vierzy ; un autre, sous le commandement du Capitaine Girard, occupe Tigny ; le troisième, avec le Capitaine Mazalrey, reste en réserve dans le bois de Mauloy. Sur ces divers points, il faut tenir quoi qu’il arrive.
Le 30 mai, le bombardement de Tigny par l’artillerie allemande devient très violent. A 14 heures, une forte attaque ennemie est déclenchée : 500 à 600 Allemands débouchant des bois de la Cote 176 se précipitent à l’assaut en poussant des cris féroces. Le bombardement, tient bon et ses mitrailleuses ainsi que ses fusils mitrailleurs brisent net l’élan des vagues ennemies.
C’est ainsi que de jeunes gars normands de la classe 1918, qui constituent la majeure partie de ce bataillon, fêtent de la belle manière le baptême du feu qu’ils viennent de recevoir. La bataille est acharnée, les munitions s’épuisent. Le Caporal Astié qui a reçu l’ordre de ravitailler son Bataillon arrive en plein combat, conduisant un caisson à cartouches. Le terrain à traverser est un glacis de prés d’un kilomètre où les balles sifflent continuellement. Sans hésiter, Astié lance son attelage à plein galop et réussit, à la barbe de l’ennemi, à pénétrer dans le village, permettant ainsi aux défenseurs de prolonger la résistance. Cependant sur notre droite un fléchissement se produit qui a pour conséquence de faire entrer en ligne le 1er Bataillon gardé primitivement en réserve. Les bois au sud-est de Parcy- Tigny sont occupés par l’ennemi. La nuit est calme. A l’aube du 31, on apprend que le repli des éléments de droite s’est poursuivi pendant la nuit et que les Allemands progressent vers Blanzy, faisant même avancer leur artillerie et leur cavalerie. Les bois au sud de Parcy-Tigny tombent entre leurs mains et leurs éléments avancés tiennent même la corne sud du bois de Mauloy.
La droite du régiment se trouve donc complètement débordée, et le front à défendre, déjà considérable, est augmenté de plus de deux kilomètres.
A 8 heures, le bombardement de toute la position commence. L’attaque est imminente et l’on voit tout de suite que l’objectif de l’ennemi est le saillant constitué par les villages de Tigny, Parcy-Tigny que défendent les 1ers et 3ème bataillons du 7ème R.I. Ceux-ci subissent des pertes élevées. L’ennemi tend à encercler les défenseurs de Tigny. Bientôt, sous des poussées furieuses, toute résistance devenant impossible, les survivants du 3ème Bataillons sont obligés de se replier sur Parcy-Tigny que défend opiniâtrement le 1er bataillon.
Une contre-attaque tentée par la 3e Cie échoue. Cette Compagnie est presque anéantie, le Lieutenant Dupuy, à une jambe à moitié arrachée. Le soldat Henri Cabrol se précipite vers lui et l’emporte en lui disant : « Il ne faut pas que vous restiez entre les mains de l’ennemi. »
Ce brave soldat parcourt ainsi 1.500 mètres sous les balles allemandes, mais sauve son chef.
Avant d’être soigné, le Lieutenant Dupuy se fait transporter prés du Colonel et, maîtrisant sa douleur, cet héroïque officier puisse dans sa grande vigueur moral le courage d’expliquer clairement à son chef de corps la situation de son Bataillon.
A 12 h., on apprend qu’après plusieurs tentatives infructueuses, les boches ont contourné et attaqué en masse une Compagnie qui se tenait à la croisée des chemins au sud-est de Parcy- Tigny, ce qui rend de plus en plus critique la situation en flèche du Régiment. Force est donc, pour éviter l’encerclement, de se replier.
Cette opération s’exécute en bon ordre sur la ligne Moulins des Comtes, cote 132, où se trouvent déjà des éléments divers que l’on incorpore dans nos rangs pour combler les vides occasionnés par nos pertes. Comme la nuit précédente, celle du 31 au 1er se passe dans le calme. Mais l’ennemi a encore profité de la nuit pour étendre son succès sur notre droite de telle sorte que le 1er juin au matin la situation stratégique du régiment est en tout point identique à celle de la veille et que, encore une fois, pour éviter l’encerclement, il faut se
replier à nouveau.
Nous occupons alors la lisière des bois au sud de la voie ferrée Vierzy – Longpont. Le Bataillon Lacadé qui, sous les ordres du Colonel commandant le 41ème R.I., défendait Vierzy, nous rejoint avec 70 hommes seulement. Vierzy est pris par l’ennemi. Toute la journée, la bataille fait rage. Les assauts répétés des Allemands sur notre ligne échouent sous le feu de nos mitrailleuses.
Pendant la nuit suivante, le régiment qui nous prolongeait à gauche s’est replié plus au sud.
Notre situation devient alors très délicate. Les munitions se font rares. On ravitaille les Compagnies à l’aide de cavaliers qui font la navette entre l’arrière et la ligne de feu. C’est un moyen de fortune qui donne de très bons résultats.
Mais cette suite de combats acharnés et ininterrompus a littéralement décimé nos unités, et les renforts promis n’arrivent pas. Avec ses 300 hommes qui restent, il faut lutter jusqu’à la dernière limite, jusqu’au dernier.
Dans la soirée, le Lieutenant-colonel dit à l’adjudant Depambour : « Il faut faire des prisonniers ! » et celui-ci répond simplement : « Vous les aurez ! » En effet, le lendemain à la pointe du jour, le brave adjudant apercevant une forte patrouille boche qui essayait de s’infiltrer au Nord, le long de la voie ferrée, lui tend une embuscade dans laquelle elle se fait prendre tout entière.
La promesse faite la veille avait été tenue. Hélas ! Depambour devait être tué quelques jours plus tard après avoir gagné l’épaulette.
Le 2 juin, à 7 heures, le bombardement reprend. Malgré son attaque violente et son infiltration par l’ouest de Vierzy et le ravin du Moulin, l’ennemi est contenu. On se fusille de très prés. Le Capitaine Lacadé abat cinq boches avec un fusil. Les mitrailleuses surtout font de bonne besogne. Le Caporal Capel, en particulier, admirable de sang-froid, fauche impitoyablement ceux qui tentent d’avancer, mais sur notre droite, l’ennemi progresse quand
même en vagues compactes vers Longpont, et nous déborde.
Le dépôt de munitions saute sous le violent tir des minenwerfer exécuté sur la voie ferrée pour couper notre ligne de retraite. Les munitions font alors complètement défaut, il faut se retirer. Le mouvement s’exécute sous la protection d’éléments d’autres régiments. Le 7ème R.I. réduit à 250 hommes environ, occupe, le 4 juin, le secteur de Corcy dont il commence l’organisation défensive.
Le même jour le Colonel fait la déclaration suivante au débris de son régiment : « Si aujourd’hui, le boche nous attaque, il ne passera pas ; le 7e ne reculera pas. Nous ferons notre devoir jusqu’au bout : plutôt la mort que le déshonneur. Soyons calmes, énergiques, des hommes en un mot, et nous garderons intacts le lambeau de la Patrie qui nous est confié. »
Cet appel fut exécuté en tous points. Le boche n’à pas passé et si les jours précédents nous lui avons cédé un peu de terrain, ce n’est que sur un ordre et pour éviter l’encerclement.
Nous avons perdu à ce moment 38 officiers et 1.273 hommes de troupes, tués, blessés ou disparus. Durant ces journées d’angoisse, Gascons et gars du Nord, Bretons et Normands,tous on compris le sacrifice qu’on attendait d’eux. Le 7ème R.I. a fait tout son devoir, témoin cette magnifique citation à l’Ordre de l’Armée :
Sous le commandement du Lieutenant-colonel Bouret, jeté en pleine batille le 29 mai 1918, au fur et à mesure du débarquement de ses unités, est chargé de tenir un large front, s’est cramponné au terrain avec une énergie farouche et a résisté pendant quatre jours aux attaques furieuses d’un ennemi très supérieur en nombre, sans jamais lâcher un pousse de terrain. Toujours en flèche, débordé à deux reprises de plus de deux kilomètres, est resté inébranlable sur ses positions, ne se repliant jamais que sur un ordre formel, faisant preuve d’un héroïsme sublime et d’une abnégation sans bornes.