Le 163e RI dans le secteur de Verdun
(du 22 mars 1916 au 23 avril 1916)
 

Y ont participé :

  • Paul Daniel GUIS de Saint-Maximin (163ème RI). est cité à l'ordre de la Brigade le 22 mars 1916.
  • Louis FLAYOL de Saint-Maximin (163e RI), tué le 28 mars 1916 à Malancourt (Meuse).
  • Alfred MARGUERIT de Barjols (163ème RI), tué le 11 avril 1916 dans le bois d'Avocourt (Meuse).
  • Edouard LIONS de Barjols (163ème RI), tué le 12 avril 1916 à Esnes-en-Argonne (Meuse).
 
 
Au pied de la côte 304 dans le secteur Haucourt-Malancourt en 1916
 

Le 14 mars, le Régiment embarque en camions et va cantonner à Lignières, Loxeville, Triconville, Ernecourt.

Il se porte ensuite par étapes vers Juvelcourt et ses environs (sud-ouest de Verdun) où il arrive le 21 Mars. Le lendemain il doit monter aux tranchées en avant d'Avocourt, par la côte 304, dans le secteur: Haucourt-Malancourt (nord-ouest de Verdun).

Tous ces noms si souvent répétés dans les communiqués évoquent chez nous les combats sanglants et terribles de la dernière attaque allemande, les infernales et monstrueuses canonnades de Verdun.

Nous sommes impressionnés, plus impressionnés que lorsque nous serons «en pleine fournaise».

Le 22 mars nous partons, de Juvelcourt à 6 heures. Direction: Dombasle en Argonne.

Nous nous rendons dans le bois de Lambéchamp, au camp des travailleurs civils (18 km de Juvelcourt). Le 2e Bataillon doit relever le soir même un Bataillon du 3e RI dans Haucourt-Malancourt. Il part à la nuit tombante, vers 19 h, avec un guide par Compagnie.

Itinéraire : Montzeville-Esnes-côte 304-avant-postes.

Cette relève est extrêmemeut pénible Il faut marcher pendant 10 heures dans des boyaux défoncés où la boue atteint parfois près d'un mètre, des hommes ne parvienent pas à se dégager, il faut les aider.

La canonnade fait rage et gronde partout. Les sifflements des obus se suivent et s'entrecroisent, il y a toute la gamme.

Le guide explique: «Ici le ravin est mauvais, il faut passer vite» On se presse, mais les hommes sont déjà éreintés

Le ravin est battu en effet Quelques hommes tombent.

Là-bas dans un autre ravin ce sont les obus à gaz. Il faut mettre les masques et se presser toujours. Nous traversons Esnes. Le village est violemment bombardé.

«Il en est toujours ainsi » dit le guide. Nous passons rapidement mais non sans pertes.

Plus loin, ce sont des trous énormes, de vastes entonnoirs qui nous indiquent le calibre habituellement employé. Ce sont des enchevêtrements de fils de fer, de matériel de toute sorte démoli par les bombardements.

Nous traversons ce qui fut un bois. Il ne reste que quelques piquets brisés Tout a été rasé.

De temps à autre nous passons près d'un charnier d'où se dégage une forte odeur de cadavre.

Nous sommes abasourdis par les écroulements formidables, sans doute des éclatements de 420 en avant de nous.

A un moment donné, le guide s'est perdu ! Cela n'est pas étonnant dans un fouillis pareil. On revient sur ses pas, on prend à gauche, on reprend à droite Au bout d'une heure de chemin inutile, on est sur la piste.

On arrive enfin aux avant-postes. Les hommes sont rompus..

Les boches nous y rendent les honneurs par un bombardement soigné. Il est 5 heures du matin.

Le soir, les autres Bataillons vont relever: le 3e Bataillon , le 141e d'lnfanterie; le 4e Bataillon, le 210e. Le 1er Bataillon reste en reserve à Esnes.

Même itinéraire que le 2e Bataillon, mêmes difficultés. Une patrouille de la 15e Compagnie envoyée pour faire la liaison se heurte à une patrouille allemande, l'attaque,tue un patrouilleur et fait les cinq autres prisonniers.

La 3e Compagnie (du Bataillon en réserve) reçoit l'ordre pendant la nuit de se rendre à la Redoute n°3 (Ra) avec la mission de reprendre R2 et de s'assurer si les ouvrages Vaucluse et Martin sont occupés par l'ennemi.

Arrivée à R3, la 3e Compagnie prend ses dispositions, attaque R2 occupé par l'ennemi, s'en empare sans trop de pertes et pousse des reconnaissances vers Vaucluse et Martin.

Ces reconnaissances sont attaquées, mais leur mission étant remplie, elles se retirent en bon ordre.

La 3e Compagnie est citée à l'ordre de l'Armée pour son brillant succès.

Le 24 mars le Régiment se trouve aux emplacements suivants (secteur Haucourt-Malancourt):
- 1er Bataillon à Esnes (3e Compagnie à R2)
- 2e Bataillon : 5e Compagnie (centre Braconnot droite)
- 6e Compagnie (T 1, Centre Xermameuil et Réduit Malancourt)
- 7e Compagnie (Réduit et Barricade Malancourt)
- 8e Compagnie (Centre Braconnot gauche-Réduit Braconnot)
- 3e Bataillon: ge Cie (Réduit Malancourt-Haucourt)
- 10e Compagnie (Ouvrage Payrou)
- 11e Compagnie (Ouvrage Vassincourt)
- 12e Compagnie (Réduit d'Haucourt)
Le 4e Bataillon : à la disposition du 210e au Bois Camard.

Les Compagnies Mitrailleuses sont réparties au Blockhaus "Courant d'air", Blockhaus "Bec de Gaz", centre 20, Haucourt, Blockhaus Malancourt.

Tout le secteur est continuellement bombardé. On vit dans le vacarme étourdissant des sifflements, des éclatements de tous calibres. C'est à devenir fou.

 
Attaque allemande du 28 mars 1916
 

Le sous-secteur occupé par le 2e Bataillon était extrêmement dangereux en ce sens qu'il formait une hernie, un fer à cheval très cintré qui était pris de trois côtés par les feux allemands: de front, en enfilade et à revers. Le Commandant du 2e Bon en avait rendu compte dès le premier jour dans un rapport.

Mais en ce temps là l'ordre était de ne jamais lâcher un pouce de terrain et de conserver les lignes telles qu'elles étaient (avec leurs imperfections) à n'importe quel prix.

Le 28 mars, un peu avant la pointe du jour, tout le secteur est pris violemment à partie par l'artillerie ennemie.* Les grosses pièces tapent en plein sur nos lignes et particulièrement au centre Braconnot et au Réduit Malançourt.

Le bombardement est infernal.

A 15 h. 45, une forte attaque allemande se déclanche le tir est légèrement allongé et arrose notre deuxième position.

Les allemands débouchent en masse du nord-est prenant nos positions à revers en passant entre deux .centres, par une ligne non occupée mais battue par des feux de flanc: Nos hommes sont à leur poste, aux aguets. Nos mitrailleuses ouvrent le feu; le barrage d'artillerie est déclanché.

L'ennemi surpris est arrêté. Il tournoie sur place et finit par se replier en désordre vers le nord-est. Celà n'est qu'une feinte car pendant ce repli qui n'est que partiel, un groupe important s'est glissé sans être vu dans certaines maisons inoccupés de Malancourt où il s'installe. A la faveur de la nuit, ce groupe se renforce d'éléments prévenus par lui; ces éléments s'organisent solidement et entourent notre ouvrage de Braconnot ainsi que le réduit de Malàocourt, fermant ainsi le fer à cheval et coupant toutes communications avec le gros du Régiment.

Une partie des 5e, 7e et 8e compagnies était ainsi encerclée.

Cette opération ennemie s'était faite très adroitement sans que qui que ce soit se doutât de la chose.

Le commandant du 2e Bataillon, en envoyant des ordres aux Compagnies, s'aperçoit que les agents de liaison - des 3 Compagnies ne reviennent pas. Ils sont tués ou pris - très habilement par l'ennemi qui occupe la brasserie de Malancourt.

Le secteur est bombardé sans répit; il est difficile de se rendre compte de ce qui se passe.

Le Chef de Bataillon envoie des patrouilles qui se heurtent à des feux nourris et à nos défenses accessoires déjà organisées et retournées.

Le Colonel donne l'ordre au 2e Bataillon qui est réduit à 1 compagnie et 3 pelotons, d'attaquer pour rétablir la liaison. (On sait que la garnison encerclée se défend et tient sa position).

Mais les allemands se renforcent et l'attaque # se heurte à des obstacles très puissants et à des feux très violents.

Une deuxième attaque est ordonnée.

Les poilus s'élancent avec une vaillance heroïque. La plupart tombent tués où blessés. (Le chef de Bon est tué.) Leur bravoure se brise encore contre l'obstacle et le feu.

Le lendemain, l'ennemi occupe dévinitivement le centre Braconnot et le réduit Malancourt. Il est à peu près certain que pendant la nuit les allemands ont pu maîtriser les deux réduits encerclés, l'un après l'autre malgré leur résistance et qu'ils ont pris les hommes qui ne se sont pas fait tuer.

Les pertes de ce jour sont de:
- 4 officiers tués dont le chef du 2e Bataillon,
- 10 officiers blessés,
- 96 hommes tués,
- 315 hommes blessés,
- 1 Compagnie et 3 pelotons disparus

Le soir de ce jour le Régiment est relèvé à 20 heures par le 69e Régiment d'Infanterie.

Cette relève plutôt douloureuse s'effectue en plein bombardement et nous occasionne de nombreuses pertes. Le Régiment se dirige vers le camp des travailleurs civils dans le bois de Lambéchamp.

Le Commandant Imhaus du 3e Bataillon est resté aux tranchées avec sa liaison pour passer les consignes.

Le 30 mars, à la pointe du jour, les Allemands déclanchent une attaque dans son secteur et s'emparent d'une tranchée.

Le Commandant Imhaus réunit sa liaison, une vingtaine d'hommes, et s'élance avec eux baïonnette au canon, luimême sabre au clair, pour reprendre la tranchée: « En avant! mes amis, s'écrie-t-il, c'est pour la France!» La tranchée est reprise en un clin d'œil et gardée mais le Commandant tombe mortellement atteint, après avoir accompli ce glorieux fait d'armes.

Les pertes de la relève sont de :
- 13 hommes tués,
- 123 hommes blessés.

Jusqu'au 7 Avril, le Régiment aménage la 3e position.

Le 7 Avril, il reprend les tranchées au secteur d'Avocourt.

 
Attaque du 9 avril
 

Nous prenons les avant-postes dans les tranchées conquises par la 34e Division. La consigne est de garder ces tranchées à tout prix car les contre-attaques ne se sont pas encore produites. Le bombardement est incessant. Sous les obus nous organisons la première ligne qui n'est pas encore défendue.

Le 9 avril à 5 h. 30 les obus de gros calibres, précurseurs d'une attaque, pleuvent sur notre première ligne, sur l'ouvrage Des Rieux et sur nos tranchées de soutien. Après 6 heures de tir les Allemands débouchent en vagues compactes (2 bataillons) de la lisière ouest du bois carré et du nord et nord-ouest de l'ouvrage des Rieux.

La lre vague parvient à prendre pied dans ce dernier ouvrage.

Aussitôt la 2e Compagnie et la 4e Compagnie contre-attaquent à la grenade et après un long et dur combat qui dure jusqu'à 15 heures finissent par avoir complètement raison de l'ennemi et le chassent des tranchées en lui infligeant de dures pertes. Cette opération est la dernière d'une certaine importance dans ce secteur.

Nos pertes qui démontrent la violence de ce combat sont de :
- 2 officiers tués,
- 11 officiers blessés,
- 60 hommes tués,
- 317 hommes blessés.

Du 10 avril au 12 avril nous subissons toujours le même bombardement, l'infernal concert de Verdun, où l'on deviendrait fou si la fièvre du combat ne vous tenait en haleine.

Le 12 avril nous prenons le secteur d'Avocourt qui est plus supportable que le précédent. Il ne s'y produit aucune attaque.

Le 23 avril nous sommes enfin relevés par le 2e Régiment de Tirailleurs. Hâves, sales, le visage défait et noirci par la poudre, pleins de boue, la capote déchiquetée par les barbelés, les poilus qui descendent de cet enfer ne sont que des loques, de pauvres loques qui viennent de fournir un effort surhumain.

A les voir descendre ainsi péniblement et aussi malfichus, on se demande si c'est «ça» des héros ! Certes, nous sommes loin des beaux cavaliers gantés, cravatés, en tenue brillante qui piquent une charge irrésistible sur leur noble coursier. C'étaient des braves, sans doute.

Mais combien plus héroïque et plus noble est le poilu d'aujourd'hui, ce poilu humble, ignoré, crasseux et plein de poux, qui ne s'est ni lavé ni changé depuis 15 jours et qui pendant ces 15 jours n'a peut-être pas mangé 8 fois mais a vu la mort le frôler cent fois, mille fois.

Quelles tensions nerveuses, terribles, n'a-t-il pas supportées.

Le voilà le vrai héros, l'anonyme des tranchées, le poilu !

Il descend de la «fournaise».

Il est encore «abruti» du fracas monstrueux. Mais cela ne dure pas. La perspective du repos lui rend bientôt toute sa gaîté. Et puis, quelle joie de se retrouver vivant! Il est heureux de vivre et comprend son bonheur.

Pertes de Verdun :
- 9 officiers tués,
- 30 officiers blessés;
- 200 hommes tués
- hommes blessés.