Le 23ème BCA au Reichackerkopf
(du 24 février au 22 mars 1915)
 

Y étaient :

  • Georges BARBIER de Tourves (23ème BCA), tué le 6 mars 1915 au Reichackerkopf (Haut-Rhin).
  • Antonin BASSO de Saint-Maximin (23ème BCA) est porté disparu le 13 mars 1915 à Reichakerkopf (Haut-Rhin).
  • Marius FLAYOL de Saint-Maximin (23ème BCA).
 

A la suite d’une importante offensive prononcée vers le milieu de Février dans la Vallée de la Fecht, nos troupes numériquement inférieures, ont du se replier des abords de Munster jusqu’a l’entrée de Stosswhir et ont du céder à l’ennemi d’importantes positions, telles que le Linge et le Reichakerkopf. Une nouvelle poussée est a craindre et il est important d’arrêter l’ennemi avant qu’il ne gagne les crêtes.

Une série d’opérations doit être entreprise pour reprendre le terrain perdu, enlever Munster barrer ainsi la Fecht et faire tomber d’un seul coup au Nord et au Sud, toutes les résistances ennemies, utilisant cette vallée comme ligne de communications et de ravitaillements.

Le premier acte de ces opérations doit être l’enlèvement du Reichakerkopf pour lequel le Bataillon est désigné.

Le Reichakerkopf, dressé en face de nos positions du Sattel qu’il domine assez sensiblement, est un massif boisé à deux sommets : le plus élevé, au Nord, dessiné en pitons à pentes assez raides ; le moins élevé, au Sud, formant une croupe allongée d’accès plus facile. Les organisations ennemies sont masquées par une végétation abondante, particulièrement autour des sommets; à peine, au bas des pentes, peut-on deviner quelques défenses accessoires. Entre nos positions et les positions allemandes se creusent, au Nord et au Sud du col, deux vallonnements profonds inutilisables pour une progression rapide. Seul, le col du Sattel, offre une zone de parcours plus facile, aboutissant au pied du petit sommet, mais malheureusement de largeur très limitée, cent cinquante mètres à peine.

C’est sur cet étroit espace que devra s’élancer l’attaque afin de conserver l’élan et la rapidité d’exécution dont doivent dépendre la surprise et le succès.

Du 24 février au 5 mars sous l’habile et énergique direction de son Chef, Le Commandant Fabry, qui l’anime personnellement de son allant et de son inlassable activité, le Bataillon se donne entièrement à la préparation de l’attaque.
Sur les pentes du Sattel, où n’existent guère que des positions de fin de combat, les tranchées de départ sont aménagées et complétées; d’audacieuses reconnaissances, détachées tous les soirs, déterminent les premières positions ennemies, difficiles à repérer, sous bois et les points d’attaque possibles. Les liaisons inexistantes avec l’artillerie sont établies, des pièces de 65 sont crânement amenées en première ligne pour prendre directement à partie les mitrailleuses allemandes; un ravitaillement important en vivres et munitions est préparé; les évacuations difficiles dans ce pays montagneux et sans route sont organisées.

Aussi le 6 Mars, lorsque les compagnies de première ligne, 1iere Compagnie Capitaine ANNEAU,  6e  Compagnie Capitaine Vergez), 2e Compagnie (Capitaine Grelot) s’élancent à l’assaut, la préparation a déjà en partie décidée du succès ; le bel élan des troupes achève la décision.

Les postes avancés de l’ennemi surpris, sont faits prisonniers. Sans arrêt, la progression continue sous bois et en moins d’une demi-heure, les objectifs sont enlevés ; l’ennemi évacue précipitamment ces positions, et bat en retraite sous nos feus de poursuite. Ses pertes sont importantes; ses unités désorganisées.

Nos troupes, entraînées par leur élan, dépassent leurs objectifs grand et petit sommet du Reichakerkopf et descendent les pentes opposes en élargissant leur conquête leur élan n’est limité que par notre propre barrage. Mais le front s’est étendu considérablement, nos compagnies de soutien doivent être engagées pour fermer les intervalles, assurer la continuité de la ligne sous bois et éviter les surprises.

Vers 13 heures, l’ennemi se ressaisit; une violente canonnade est déclenchée sur nos premières lignes et sur nos arrières, particulièrement sur le col du Sattel, par lequel s’opèrent tous les mouvements de nos réserves et toutes nos liaisons.

A partir de 13 heures, il tente d’inutiles contre-attaques partielles. Notre avance est partout maintenue, mais nos réserves étant engages le Colonel Roux met à la disposition du Bataillon la compagnie Sauvageon et une section de mitrailleuses du 6e Bataillon, portées vers le grand sommet.

Les troupes allemandes alertées dans la vallée et groupées vers le Monchberg, se livrent vers 15 heures à une série d’attaques massives et répétées sur les pentes N. et E. du grand Reichacker. Partout, elles sont repoussées. Vers la fin du jour nous maintenons solidement les positions conquises ; nos tranchées hâtivement ébauchées, entourent le grand et le petit sommet.

Ce succès glorieux était chèrement payé; nos pertes s’élevaient à 450 hommes environ, soit prés de la. moitié de l’effectif engagé; la plus grande partie de nos chefs de section était hors de combat. Mais la perte la plus sensible pour le Bataillon était celle de son chef, le Commandant Fabry, blessé grièvement en pleine action, d’un éclat d’obus au genou. Unanimement adoré de ses officiers, de ses gradés et de ses chasseurs à l’absolue confiance desquels il s’était imposé, il avait eu du moins avant son évacuation (pour une blessure grave qui devait entraîner l’amputation de la jambe et l’éloigner définitivement du champ de Bataille), la joie profonde de voir le Bataillon dont il était si fier, remporter un brillant succès

Après son départ, le commandement du Bataillon et de l’ensemble de la position est assuré par le Capitaine Vergez Commandant la 6e compagnie.

Après une contre-attaque de nuit facilement repoussée et une nouvelle attaque tentée le 7 Mars au matin, dans la vallée, par le 62e B.C.A., pour élargir nos positions, le bataillon subit pendant toute la matinée un violent tir d’artillerie; l’ennemi concentre en face de nous des moyens puissants. A partir de 11 heures, il tente avec de gros effectifs un nouvel assaut sur les positions Est. Il est arrêté, mais se cramponne dans le bois, en face de nos tranchées. Sur le petit Reichacker où il a pris pied pour un instant dans un poste avancé il est rejeté par une contre attaque énergiquement menée par un peloton du 6e Bataillon (Capitaine HAAS - qui y trouve une mort glorieuse) et par tous les éléments disponibles du poste de commandement qui se joignent vaillamment et spontanément au mouvement. (D’après des renseignements recueillis ultérieurement auprès des prisonniers, cette contre-attaque ennemie avait été menée par une Brigade tout siére; cet aveu prouvait l’importance de l’effort fait par les Allemands et démontrait éloquemment la valeur et l’énergie de notre résistance).

Pendant toute la nuit du 7 au 8 mars, nos organisations s’achèvent, nos positions s’améliorent ; le ravitaillement et les évacuations ont lieu grâce à l’énergie et au dévouement déployés par tous. Mais nos pertes sont très élevées, nos unités épuisées:, par un long et continuel effort. En vue de parer à de nouvelles attaques deux compagnies du 24e BCA (Capitaine Villermoz et Latil) sont placées respectivement en resserve derrière chaque sommet.

Le 8, l’ennemi ne tente qu’une faible attaque dans la matinée.

Le Reichackerkopf reste bien cette fois au Bataillon.

Dans la nuit du 8 au 9 mars, le Bataillon est relevé par le 24e et vient prendre à l’arrière un repos momentané, indispensable à sa réorganisation.

Dans ces trois journées glorieusement remplies, le Bataillon avait perdu dans l’attaque proprement dite et dans la résistance sur la position conquise, plus de la moitié de son effectif, presque tous ses cadres et une pléiade de jeunes officiers :
Espagnol, Messiah, David, Paraire, Castang, Mathielin, sont tués
Essautier, Chapel, Darras, Porre, Baudoin sont blessés;

Parmi les gradés et les chasseurs, l’entrain, l’élan dans l’attaque, la ténacité dans la résistance, avaient été admirables; les actions d’éclat, les actes d’énergie, d’initiative et de courage ne se comptaient plus; de nombreuses citations les ont sanctionnés.

L’attitude générale du 23e B.C.A. était elle-même résumée dans la citation suivante

« Le Colonel Commandant la 4e Brigade de Chasseurs adresse par la voie de l’ordre, ses félicitations au 23e B.C.A. pour la vigueur et l’entrain avec lesquels il a enlevé le 6 mars, le Reichackerkopf, pour la bravoure qu’il a déployée en résistant, pendant trois jours et par un temps affreux ; aux contre-attaques ennemies; malgré des pertes sérieuses, il est resté maître de la position enlevée.

D’autre part, le Général Commandant le D.A.V. et le Général Commandant la 47e Division, font connaître à la date du 15 mars, qu’ils ont été très satisfaits de la contre-attaque de ce jour, faite par le 6e BCA et le 23e B.C.A. et leur envoient l’expression de leur satisfaction ».

Du 9 au 16 mars, le Bataillon reste au repos au bivouac de Gaschney et assure par deux compagnies la garde des tranchées de soutien du Sattel.

A partir du 16 mars, deux compagnies montent en ligne renforcer le 6e B.C.A. dont les unités tiennent le grand et petit sommet et le collet intermédiaire.

Tous les jours, l’ennemi tente vainement des attaques partielles sur nos positions et les canonne avec des moyens d’artillerie sans cesse accrus. Nos chasseurs tiennent vaillamment le coup, mais notre riposte d’artillerie est le plus souvent insuffisante.

Les conditions de la défense sont pénibles. Tout le travail possible s’est borné à l’amélioration des tranchées et à la pose de quelques défenses accessoires; il n’existe pas d’abris ; les communications sont Presque impossibles par le Sattel, continuellement battu et pris d’enfilade par les pièces du Lingekopf.  La neige et le froid ajoutent à ces difficultés; beaucoup de chasseurs, victimes de leur ténacité, sont évacués pour gelure graves.

En face de nous, l’ennemi n’a cessé d’accumuler des moyens puissants; la densité de son artillerie augmente chaque jour, particulièrement en pièces de gros calibres. La ténacité avec laquelle il contre-attaque journellement nos positions prouve qu’il n’abandonne pas la lutte pour la possession du Reichacker et fait présager d’efforts encore plus acharnés.

En effet, le 20 mars vers 11 heures, après avoir exécuté toute la matinée sur nos tranchées et sur nos arrières, un tir violent par obus de gros calibres, auquel nous répondons assez faiblement, l’ennemi concentre rapidement son feu sur le grand sommet et le collet, et en une attaque massive les enlève. L’adjudant Gusand (3e Compagnie du 6e BCA) vient rendre compte dé la situation au capitaine Anneau, Commandant la position: l’ennemi a réussi à prendre pied sur le sommet même du grand Reichacker et menace en débouchant de prendre à revers les défenseurs des faces Nord et Est du dispositif. Le sous-lieutenant Boisserenc, Commandant la 3e Compagnie du 23e B.C.A. formant l’aile gauche du dispositif rend compte également que l’ennemi a pris pied à sa droite et qu’il craint d’être tourné.

Pour parer à cette situation critique, les chasseurs survivants des 3e et 4e Compagnies du 6e B.C.A. sont ralliés face au collet; les éléments de droite de la compagnie Boisserenc font face à droite, les éléments du petit Reichakerkopf, replient leur gauche, et le dispositif se reforme sur les pentes du petit sommet.

Vers 13 heures, une nouvelle attaque allemande à gros effectifs est déclenchée sur les pentes Sud-Est du petit sommet où tiennent encore quelques éléments de la 1ere compagnie du 23e B.C.A. qui font surtout face à la première attaque et toute la 6e Compagnie du 6e B.C.A. Malgré la résistance acharnée des troupes dont les pertes sont très élevées, l’ennemi réussit à prendre pied également sur le petit sommet.

Les contre-attaques tentées par nos fractions dispersées par la lutte et courageusement ralliées, ne peuvent réussir à nous rendre le grand sommet mais parviennent à limiter la poussée ennemie.

Le sacrifice se consomme par le combat mené héroïquement sur les pentes par quelques officiers, ayant rallié autour d’eux les éléments les plus divers, et au nombre desquels se font remarquer le sergent Masseboeuf et le sous-lieutenant Boisserenc qui est mortellement blessé en faisant le coup de feu avec ses chasseurs. L’ennemi ne poursuit pas son attaque et nos troupes lui barrent dès le soir, le chemin du Sattel.

Le 23’ B.C.A. auquel revenait. l’honneur d’avoir conquis entièrement une position qu’aucune attaque ultérieure tentée par d’autres troupes n’a pu qu’imparfaitement nous rendre, avait perdu depuis son arrive en face du Reichakerkopf la presque totalité de ses cadres et 610 gradés ou chasseurs hors de combat, c’est-à-dire plus de la moitié de ses effectifs engagés.

Pour dire l’ardeur de l’attaque, la ténacité de la défense, l’admirable esprit qui animait le Bataillon pendant ces journées de combat, ces chiffres ont l’éloquence d’un commentaire. LeReichackerkopf restera dans les belles pages de gloire du 23e.

Le 22 mars, le Commandant Rosset, du 23° R.I. vient prendre le commandement du bataillon qui, dès le 26, est renvoyé à l’arrière pour se réorganiser. Dirigé sur la Bresse (27-29), puis sur Granges en Vologne il y stationne du 20 mars au 7 mai.

Toute cette période est utilement employée à l’amalgame et à l’instruction des nouveaux cadres et des nouveaux renforts. Elle est marquée par la revue passée le 7 avril 1915 - par le Général d’Armau de Pouydraguin commandant la 47e Division, qui remet la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur au capitaine Vergez, cité à l’ordre à l’occasion de l’attaque du Reichakerkopf.