Technique de fabrication de l'huile de cadé

L’huile de cade est en Provence fabriquée dans des fours appelés des « enguentières » par les « enguentiés ». Ces fours n’étaient pas utilisés en été (période de récolte du cade) à cause de la trop forte chaleur dégagée et des risques d’incendie ; ils étaient allumés après les vendanges, à la fin octobre, la plupart des « enguentiés » étant des agriculteurs et des vignerons.

Tous les fours ont la même conception générale. Ce sont des constructions massives en grosses pierres sèches appareillées, de plan rectangulaire ou rond. Ces fours font de 5 à 7 mètres de long, pour à peu près 3 m de large, et ont une élévation originelle de 2,5 à 3 m. Sur la partie frontale on trouve un profond renfoncement, sorte de petit couloir de 1,3 à 1,5 m de long qui mène à un orifice, la « porte ». Cette « porte » a une base constituée d’un moellon résistant carré et déborde un peu vers l’extérieur pour former une lèvre d’où coulait l’huile. Les murs des côtés de la structure sont droits, comblés par de la terre qui assurait étanchéité et isolation thermique. Sur chacun de ces côtés s’ouvre un tunnel, de presque 1 m de long par 35 à 40 cm de côtés, créant des évents destinés à l’alimentation et au tirage du foyer. L’arrière du four est quant à lui fait d’un plan incliné de 2,5-3 m ou d’un escalier de pierres permettant l’accès à la partie haute du four.

Au centre de la structure se trouve un mur interne délimitant une fosse arrondie d’une profondeur de 1,7 à 2 m et d’un diamètre de 1 à 1,4 m. Dans cette grande fosse se trouvent la « jarre », structure faite de tuiles fixées par de l’argile blanche en forme de jarre renversée qui contenait le cade et qui mesure 1,7 à 2 m de hauteur, et une vaste chambre de chauffe où aboutissent les deux tunnels latéraux.

L’huile de cade s’obtient uniquement par combustion incomplète du bois de cade.
La technique semble avoir été la même partout. On commençait par fermer la « porte » du four avec un carreau résistant de dimensions identiques au moellon servant de base, fixé verticalement au-dessus de ce dernier, et surélevé de 1,5 cm par deux petites branches pour permettre la sortie de l’huile qui était directement recueillie dans une cornue en bois (récipient utilisé pour la distillation, à l’origine fait en verre pour les laboratoires). On plaçait 150 à 200 kg de bois de cade, débité en buchettes de 15 à 20 cm de long pour quelques centimètres d’épaisseur, dans la jarre. Puis la jarre était close hermétiquement par une grande pierre enduite à l’argile qui servait de lut (enduit se durcissant par dessiccation), ou plus récemment par une porte en fer. Enfin, toute la partie haute du four était recouverte de de 20cm de terre pour éviter toute perte inutile de chaleur.

On allumait à l’aube un feu vif sous la jarre, dans la chambre de chauffe alors remplie de tous les bois disponibles de la forêt. Cette combustion avait pour effet de dégager en premier une fumée blanche, et de produire une première huile claire, l’eau, qui, étant moins qualitative que l’huile de cade, n’était pas commercialisée mais donnée aux bergers pour leur usage personnel. Puis la fumée devenant bleuâtre, la « vraie » huile de cade sortait alors et coulait dans la cornue. Le feu intense était maintenu jusqu’à la mi-journée, puis le soir on bouchait les deux évents d’aération pour créer une combustion lente (à l’étouffée) durant toute la nuit.

Une fois récoltée, on versait cette huile chaude dans un grand baquet de bois appelé baille (ou baio) où se formait une bourbe, la boue, séparée ensuite par décantation dans des tonneaux de bois de 200 litres : l’huile surnage, et la boue (ou goudron) reste au fond. Une fournée de 150 kg à 200 kg de cade donnait généralement entre 15 et 20 litres d’huile.