Témoignage d'Auguste Deleuil (recueilli par Alain Decanis le 17 octobre 1998) |
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Le 26 avril 1944, en soirée, l’épouse d’Auguste DELEUIL entend sur Radio Londres le message « Le beau trèfle à quatre feuilles sera bientôt pris ». Immédiatement, conformément aux instructions, elle part informer Louis DELEUIL, frère d’Auguste, qui en connaît la signification : il s’agit de l’annonce d’un parachutage pour le soir même à Kirbon. Mais, Louis DELEUIL vient également d’apprendre la tragique disparition de sa belle sœur et de son enfant, tous deux tués dans un bombardement à La Seyne. Ne pouvant quitter le domicile dans ces circonstances tragiques, il confie à son frère Auguste le soin de réunir une équipe pour aider un responsable local, Maurice MOUCHET, à réceptionner le parachutage. Quelques heures plus tard, cinq hommes convergent par des chemins différents vers le hameau de Kirbon. Il s’agit de Maurice MOUCHET, Paul BOYER, Justin RICHAUD, Roger et Auguste DELEUIL. Le 10 juin 1944, en fin d’après-midi, un groupe de résistants de Trets est réuni à Kirbon. Il est composé de Sauveur BASSO, Marcel et Désiré PUCCINELLI, Louis ORGNON, Roger et Auguste DELEUIL, Paul BOYER, Elie BERNARDI, Justin RICHAUD, Ernest GUICHARD, Lucien TAVERNIER, Novarino ROBIGLIO, Fernand MARTIN. Il était convenu qu’un responsable du maquis devait venir les chercher pour les conduire au camp du Plan d’Aups. Ils attendent jusqu’à tard dans la soirée mais personne ne vient. Dans la nuit, déçus, ils regagnent Trets. Ce n’est que le lendemain, en apprenant l’attaque du maquis du Plan d’Aups par les Allemands, qu’ils comprendront pourquoi le contact n’est pas venu. A Trets, Auguste DELEUIL reprend ses activités d’électricien. Quelques jours plus tard, alors qu’il effectue un branchement au café de France, la concierge de la mairie vient le prévenir que deux miliciens, « Le Balafré » et Guy FELIZIA, le recherchent et ont reçu l’ordre de l’arrêter, du fait de son refus de partir travailler en Allemagne dans le cadre du S.T.O. Dans les heures qui suivent, Auguste DELEUIL quitte son domicile, et part se réfugier dans un jas en pleine colline, au « Perdu ». Arrivé sur place, il retrouve un de ses amis, Louis ORGNON, qui a lui aussi pris le maquis pour se soustraire aux recherches de la police de Vichy. Le surlendemain douze marins pompiers de Marseille les rejoignent. Le ravitaillement des quatorze hommes est assuré le plus souvent par le père d’Auguste DELEUIL. L’essentiel de la nourriture qu’il leur transporte est de la farine de maïs. Pendant ce temps, Louis DELEUIL, dont la tête est mise à prix depuis l’attaque du Plan d’Aups, se cache également à Trets, dans les cabanons de BOYER. Il a reçu pour mission de réorganiser un maquis sur les hauteurs de Saint-Jean-du-Puy. Pour réceptionner les parachutages d’armes et munitions destinées à équiper le futur camp, il a choisi un terrain qui se trouve dans un grand vallon, aux pieds de « l’Olympe », tout près de la bergerie du « Perdu ». Le 5 juillet 1944, Radio Londres diffuse le message annonciateur d’un parachutage « La vieille momie a pris un coup de froid ». Le soir même le comité de réception formé de Louis, Auguste et Roger DELEUIL, Sauveur BASSO, Marcel et Désiré PUCCINELLI, Louis ORGNON, Paul BOYER, Elie BERNARDI, Justin RICHAUD, Paul ADANI, Ernest GUICHARD, Lucien TAVERNIER, Fernand MARTIN et Novarino ROBIGLIO est réuni au « Perdu ». Les hommes préparent trois emplacements en ligne pour faire des feux. Lorsque l’avion se présente, les feux sont allumés et Auguste DELEUIL, qui se tient en tête du vallon avec une lampe, effectue en morse le signal convenu : la lettre A. Des réunions d’instruction relatives à la manipulation d’explosifs, notamment des grenades « Gammon », sont organisées durant les jours suivants par Louis DELEUIL, sous la scène du casino cinéma de Trets qui appartient à Marius BASTARD. Deux autres parachutages sont réceptionnés par la même équipe et dans les mêmes conditions sur le terrain du « Perdu ». Après ce dernier parachutage de matériel, le maquis se retrouve en possession de :
Le 12 août 1944 les chefs de groupe reçoivent l’ordre de rejoindre Saint-Jean-du-Puy avec leurs hommes. C’est en cette période, que les lieutenants Paul BELCODERE et Julien BELCAIRE, arrivent au camp. Il s’agit de deux radios qui ont été parachutés dans le secteur. Jusqu’à la libération, ils assureront quotidiennement une liaison directe entre le maquis et Londres où Alger, grâce à un câble tendu entre deux arbres leur sert d’antenne. Dans la journée du 13 août 1944, un combat aérien oppose deux appareils au-dessus de Saint-Jean-du-Puy. Les deux avions sont touchés et s’écrasent. L’appareil allemand tombe vers Saint-Zacharie, l’américain dans les bois de La Jolie. Immédiatement un groupe se transporte sur les lieux pour recueillir le pilote qui a eu le temps de sauter en parachute. Il s’agit d’un homme de couleur, le lieutenant Robert O’NEIL. Il demeurera au maquis jusqu’à la libération. Dans l’après midi du 14 août 1944, suivant les instructions de son frère Louis et de Marius BASTARD, Auguste DELEUIL se rend au château de Seillons, pour aller chercher un officier qui vient d’être parachuté et qui doit prendre le commandement du maquis de Saint-Jean-du-Puy. Il effectue le voyage à bord d’un véhicule gazogène, conduit par un commerçant tretsois proche de la Milice, et qui a été « réquisitionné » pour la circonstance. Arrivé dans la cour du château, Auguste DELEUIL donne le mot de passe et est introduit dans le bâtiment, tandis que la sentinelle, suivant ses instructions, surveille discrètement le chauffeur. Là, il rencontre comme prévu l’officier parachuté quelques heures auparavant, mais c’est avec stupéfaction qu’il constate que le soldat s’est cassé les deux jambes à l’atterrissage. C’est donc seul qu’il retourne en soirée à Saint-Jean-du-Puy pour faire le rapport de sa mission. Le 15 août 1944 commencent les sabotages. Un groupe conduit par Louis DELEUIL fait sauter la voie ferrée au niveau de La Combe. Le 16 août 1944 un groupe de dix hommes commandé par Roger HUCHEDE prend possession du Pic du Régagnas que les Allemands ont abandonné dans la nuit. Ils récupèrent mille litres d’essence, des caisses de vivres et quelques armes. Le 17 août 1944 les responsables du camp apprennent qu’un convoi allemand destiné à ravitailler le front doit passer à Trets. Pour l’intercepter, il est décidé de monter une embuscade sur la route de Saint-Maximin. Deux groupes sont formés. Le premier, qui comprend les deux frères AUDRIC, Jean ASTRUC, Jean WILLIG, Henri COMINO et Auguste DELEUIL, prend position sur un promontoire surplombant la route, peu après La Beyssane. Il a pour instruction de stopper les premiers éléments du convoi par un jet de grenades « Gammon » afin de l’obliger à faire demi-tour. Le deuxième groupe composé notamment de Louis DELEUIL et Emile RESPLANDIN dispose d’un fusil mitrailleur. Il est posté au croisement de Roquefeuille, et doit ouvrir le feu sur les véhicules en retraite. Le 18 août 1944, un détachement composé de Louis DELEUIL, Marcel PUCCINELLI, Jean WILLIG, Sauveur BASSO, Fernand MARTIN, un nommé POZZOLI et un jeune marseillais servant le F.M. dresse une embuscade sur la Nationale 7, à proximité du croisement de Trets. Les sept hommes munis de grenades « Gammon », sont dissimulés dans le ruisseau lorsque se présentent trois chars allemands qui s’arrêtent tout près d’eux. Louis DELEUIL fait signe aux hommes de ne pas intervenir, jugeant l’opération trop risquée. Après une courte pause le convoi se remet en marche en direction de Nice. Un moment plus tard, arrive une voiture transportant cinq officiers de la Wehrmacht suivie d'un camion. Au commandement de Louis DELEUIL les hommes lancent des grenades et le fusil mitrailleur crépite. Les deux véhicules sont détruits ainsi que leurs occupants. Il n’y a aucun survivant. Sur le chemin du retour, le détachement fait prisonniers huit soldats allemands qui sont couchés dans le pavillon de chasse de la ferme de La Neuve. Le 19 août 1944, une patrouille de vingt-cinq hommes commandée par Louis DELEUIL et Augustin RICHAUD fait huit prisonniers dans les bois de Puyloubier. Le 20 août 1944 au matin, la jonction est effectuée avec l’avant-garde des troupes américaines débarquées. Dans l’après-midi au cours d’une patrouille, le groupe de Louis DELEUIL fait prisonniers 59 soldats de la Wehrmacht qui souhaitaient se rendre contre l’avis de leurs chefs, deux jeunes officiers S.S. Le 21 août 1944, vers cinq heures du matin, les deux jeunes officiers fanatiques sont abattus alors qu’ils tentaient de s’évader. Le 22 août 1944, tous les prisonniers sont conduits à Saint-Zacharie et remis entre les mains du Colonel CHARTIER commandant le 58ème R.D.A. Dans les jours suivants, cinquante maquisards de Saint-Jean-du-Puy, se rendent à Marseille sous le commandement de Louis DELEUIL et Roger HUCHEDE. Ils prendront une part active dans la libération de la ville. Trente d’entre eux poursuivront le combat dans le bataillon de Provence, jusqu’à la capitulation de l’Allemagne. |