Le trésor des Chouans
(un conte de Robert Rieu)

"Le trésor des chouans", un conte de Robert Rieu​ à partir d'une histoire qui se transmet de père en fils depuis plusieurs générations à Pourcieux.

Version française
 

Un tas de pierre tout rongé par la mousse et les ronces au fond d’un vallon, voilà ce qui reste de la « Bergerie des cabres » sur le Mont Aurélien de Pourcieux. Maintenant que je m’y trouve devant, asseyez vous avec moi et du temps que se fait la braise pour l’ « esquichée » laissez moi vous conter l’histoire extraordinaire du Trésor des Chouans.

Il y a fort longtemps, lorsque chaque village possédait son troupeau de moutons, à Pourcieux c’était le père Blanc qui était le berger. Chaque année, avant la transhumance, il partait sur les barres avec son troupeau. Allez ! il n’était pas fou ; lorsque la canicule dessèche et brûle la terre, il savait bien lui, que dans les petits près des barres, ses brebis pourraient trouver une herbe fraîche et toute verte qui n’était pas de la « bàuco ».

Pendant la journée il allait sur les pentes ombragées et le soir il rentrait à la bergerie par le "Pas du Loup " qui n’était pas un passage facile, mais il connaissait la colline le malin, il en avait visité tous les moindres recoins.

Une fois sur le plateau, les bêtes dans le parc et l’abreuvoir rempli, tiens ! Il faisait comme moi, il préparait son repas : un peu de jambon, l’oignon, le fromage « couillen »… Et puis il allumait sa pipe en terre, regardait en bas du côté des « Puits », en attendant avec son chien Fidèle, de voir apparaitre l’étoile du berger, son étoile. Tirant alors sur les bords de son large manteau, il allait se coucher près de son troupeau.

Ainsi se déroulait la vie pour ce brave homme et si elle était plus que simple, elle n’en était pas pour autant plus mauvaise. Cependant un beau jour du mois de juin quelque chose allait changer son existence et pour toujours.

Ce jour là la chaleur avait été étouffante et maintenant que tombait la nuit, le vent d’Est portait de gros nuages boursoufflés qui venaient frapper sur les barres, on n’y voyait pas à un mètre. Notre gardien de moutons qui avait senti venir le coup, avait rassemblé son petit troupeau dare dare et s’était réfugié avec lui dans la petite étable. Le vent déchaîné soufflait bruyamment et la porte de la bergerie tremblait.

Soudain une détonation formidable éclata, boum ! La barre de la porte sauta en l’air et deux brigands hirsutes lui mirent un pistolet sous le nez ! « Fais bien attention le berger, si tu te rebelles, on te casse la tête! » lui cria l’un des malappris. Le brave Blanquet n’eut pas le temps de bouger, en un clin d’œil il se trouva avec un sac sur la tête, entre les deux malfaiteurs, marchant tant bien que mal vers dieu seul sait quelle destination.

Les tonnerres et les éclairs faisaient trembler la terre et la pluie tombaient très fort. Le brave homme se pensait : « tout à l’heure il vont me jeter dans quelque précipice ». Ils marchèrent ainsi pendant plus d’une heure dans un terrain très accidenté, trempés des pieds à la tête, puis finalement ils s’arrêtèrent. La violence du ciel avait fait place au grand silence, la pluie avait cessé et l’on pouvait apercevoir la lune qui montait au firmament.

On entendit alors dans la nuit calme la plainte d’un grand duc. Dugouou, dugouou, dugouou…. C’était incroyable, voilà que les deux bandits, muets jusqu’alors, imitaient le chant de la chouette. Par trois fois ce chant funeste retentit dans l’obscurité, suivi encore d’un grand silence et, comme si l’écho répondait, la plainte lugubre d’un autre oiseau d’effroi se fit entendre venant d’un peu plus bas. Dugouou, dugouou, dugouou…

« Allons-y le chemin est libre» s’exclama l’un des tristes sires et ils reprirent de nouveau leur marche. Un quart d’heure plus tard, après avoir traversé un petit bosquet d’ifs, ils firent quelques pas à quatre pattes sur de la terre sèche ; ils étaient arrivés au bout du voyage.

On enleva le sac de la tête de Blanquet ce qui lui permit de voir le repaire des brigands. Dans le couloir d’une grotte étroite et sombre, une chandelle tremblotante se reflétait dans chaque goute qui transpirait de la pierre. A droite de cette faible lueur la caverne s’élargissait en une cave de calcaire . Trois hommes étaient assis au milieu dans la fumée d’un feu de cade et un autre presque dans le noir, blotti dans un coin lui dit :

« Nous ne te voulons aucun mal, berger, et si pour nous identifier nous avons choisi le cri du grand duc c’est que nous sommes les Chouans. Nous avons guerroyé dans la fière Bretagne et dans le beau pays de Loire, nous attendons maintenant la voix de Cadoudal qui sonnera le glas des troupes consulaires. Nous sommes cent et mille de partout prêts au grand chambardement. Si je mange des pommes de terre et si je bois du lait je n’en suis pas moins capitaine. Un jour tu verras compère que notre cause triomphera dans ce pays. Pour te montrer que je ne raconte pas des fadaises, viens , je vais te montrer quelque chose . »

Le capitaine prit un flambeau et conduisit Blanquet dans une salle voisine. C’était la caverne d’ali Baba ! Il y avait là des caisses de fusils luisants de graisse, plus loin des sabres, des barils de poudre, de quoi mettre en pièce toute une armée. Il lui sembla même avoir vu, dans un coin, luire toute un marmite de pièces d’or.

" tu as vu ça brave homme ?" s’exclama le capitaine revenu dans l’autre salle. "Je t’ai livré notre secret " . Si un jour nous mourrons tous nous, les Chouans, quelqu’un viendra te dire de faire profiter le pauvre peuple de ces trésors. Mai si jamais tu dis quelque chose ou si tu cherches à nous retrouver avant le signal, on t’arrache la langue à toi et à ta famille. Maintenant viens sécher tes vêtements que tu en a besoin et puis tu boiras un coup d’eau de vie avant que mes hommes te raccompagnent. »

Le père Blanc fit le serment sur sa vie de ne jamais rien dire puis les Chouans le raccompagnèrent comme il était venu, avec un sac sur la tête.

A partir de ce jour le vieil homme ne fut plus le même. Il ne vint plus sur les barres ou à la bergerie avec son troupeau. Il resta de l’autre côté dans le bois du Mejean .« je suis trop vieux, il est loin le temps où je courrais comme un cabri dans les barres abruptes. » Le souvenir de la rencontre lui rongeait le sang et deux ou trois ans plus tard il mourut. Sur son lit de mort il confia le secret à son fils aîné. Le temps a passé et peu à peu la famille, les proches et finalement tout le village a été au courant de l’histoire.

Que sont devenus les Chouans ? Dieu seul peut le dire, mais moi je sais que sur le Baou, quand aujourd’hui se fait une battue au sanglier, il y en a encore qui scrutent les touffes d’arbustes et les anfractuosités des fois qu’une roche se mette à s’entrouvrir………….

 
Version provençale
 

Un clapas de pèiro tout rousiga de moufo eme de roumias au founs d’un valoun, vaqui ço que resto dou Jas de la Grand Couelo suslou baus de Poucièu. Aro que li siéu davans, assetas vous’me iéu, e dou tèms que la braso per l’esquichado si fa, leissas mi vous dire l’istori estraourdinari dou tresor dei  Chouan.

Li a fouèço tèms d’aco, quouro chasque vilagi avié soun escabouat, à Pouciéu èro lou paire Blanc que fasié lou pastre.  Touti leis ans, un mes avans l’estiagi, partié sus lei barro eme soun ave. Bouto ! ero pas couioun ; Quouro lou cagnard dessèco  e brulo la terro , sabié éu que dins lei pradet  dou baus, sei fèdo pourrien trouba uno erbeto fresco e verdeletto qu’èro pas de bàuco.

Lou jour èro sus lei pendis oumbreja e lou sero rintràvo au jas per lou Pas dou Loup qu’es pas eisa, mai, counoueissié la couelo lou mouestre, n’en sabié touti lei cantoun.

Un coup aqui’n’aut, lei bèsti dins lou cast e l’abrevadou rempli, te ! fasié coumo iéu, preparavo soun manja : un pàu de cambajoun, la cèbo, lou couillen…… Piei allumavo sa pipo de terro, regardavo aperamoun dou caïre de Pous, esperan eme soun chin Fidèu de veire pounchéja la Bello Estello, « soun » estello . Tiran alor sus lei bord de soun large mantèu anavo si coucha prochi soun bestiàri.

Ansin anavo la vido per aquèu brave ome e, s’èro tras que simplo, n’ero pas per aco mai marrido. Pamens un bèu jour dou mes de jun quaùcaren anavo treboula soun esistenci e à jamai.

Aquéu jour  avie fa un’estoufarasso d’infer e aro que la nuè toumbavo, lou vent larg pourtavo de gros nivoulas encagna que venien pica sus lei barro, si li vesié pas à-n’uno cano. Nouestro gardaire d’av qu’avié senti lou coup veni, leu ! leu ! avié encasta tout soun mounde e s’èro recata dins l’establoun eme soun troupelet. L’aurasso rounflavo e la pouerto dou jas tremoulavo.

Subran uno destounacien esclato, fourmidablo, boum ! La tanco de la pouerto sauto en l’èr e dous bregan espeloufi coumo d’agarus li metoun un pistoulet souto lou nas. « Mèfi lou pastre fagués pas l’arlèri se voues pas que t’espoutissen lei brego ! » li crido un dei mal-apia. Lou brave Blanquet agué pas lou tems de boulega, en un vira d’uei si trouvé em’un sa sus la testo, en brasseto entre lei dous maufatan, caminan riboun ribagno per dieu ounte sau.

Lei tron eme lei lamp fasien tremoula la terro e la pluèio toumbàvo a barrieu. Lou brave ome si pensavo : « tout’aro mi debausson dins quauque garagai ». Camineron ansin mai d’un’ouro dins lei mounto davalo, trempa coumo de souco, piei fin-finalo s’aplanteron. La vioulènçi dou cèu avie fa placo au grand silenci, la plueio avie feni e lei nièu fasien veire la luno qu’escalàvo au fiermamen.

S’ausigue alors dins la nué calmo la crido doulento d’un grand dùgou . Dugouou, dugouou, dugouou… Ero pas de creire, vaqui que lei dous gusas finqu’aro mut, fasien la machoueto. Tres coup aqueu can funebre restountieré dins l’escuresino, piei mai un grand silenci, e, coumo se repoundeguesse l’eco, lou plang lugubre d’un autre auceu d’esfrai si fet entendre venen d’aperabas. Dugouou, dugouou, dugouou…

« Anen lou camin es franc » digue l’un dei marco mau e tourno mai s’encamineron. Passa un quart d’ouro, apres ague travessa un bousqueton de tueis faguèron quaquei pas de garapachoun sus de terro sèco ; eron au bout dou viagi.

Blanquet fugue delesti dou sa qu’avie sus la testo e pousque veire lou recàti dei bregan. Dins un couredou de baumo estrecho e sourno uno candelo fasie treboula de pichoun lume dins chasco gouto que trespiravo de la peiro. A drècho d’aqueu lume palot, la baumo s’alargavo en uno croto de càuquiero. Tres ome èron asseta au mitan, prochi de la tubadisso d’un fuè de cade, e un autre, dins un cantoun, quasi dins la sournièro li digué :

« Ti voulen ges de màu , lou pastre, e se per nous counoueisse aven pres la crido dou gran dugou, es que sian de  Chouan. Aven guerreja dins la Bretagno fiero, e dins lou poulit païs de Leigo ; esperan aro la voues de Cadoudal que sounara lou clar dei troupo counsulàri. Sian cent e milo de pertout, les au grand treboulun. Se mangi de tartiflo e se bùvi de lat sièu pamens capitani ; Un jour veiras coumpaire que nouestro càuso  mestrejara aqueu païs. Per ti mouestra que dieu pa de sournetto vene ! vau ti fa veire quaucaren ».

Lou capitane prengué un pegoun e mené Blanquet dins uno croto vesino. Ero la càuno d’Ali-Baba : Aqui l’avié de caisso de fusiéu lusen de graisso, eila de sabre, de barrièu de poudro, de que chapla touto uno armado. Li semblé meme d’agué sist, dins un cantoun, lusi uno pignato de louvis d’or.

Revengu dins l’autro sallo « as vist aco brave ome » digue lou capitani, « t’ai mouestra nostre secret . s’un jour mouren touti nautri Chouan, qu’aucun vendra ti dire de faire aprouficha lou paure pople d’aquelèi tresor. Mai se jamai disies quaucaren, o cercaves a nous retrouva avans lou signaù, ti deraban la lengo eme aquelo de touto toun oustalado. Aro, vène seca tei vièsti que n’as de besoun e piei beùras un coup d’aigo ardent avans que mei ome ti racoumpagnon ».

Lou paire Blanc fague lou sarament sus sa vido de jamai ren dire, piei lei Chouans lou raoumpagneroun coumo èro vengu, eme un sa sus la tèsto

D’aqueu jour lou vièi ome fugue plus lou meme : Non vengue plus sus lei barro e au jas eme soun ave, reste de l’autre caire dins lou bouès Mejan. « Sieu trop vieil, es luen lou temps oute courrieu coumo un cabri sus lei bàus escalabrous ». Lou souveni de la rescountro li rousigavo lei sang e dous o tres an apres mourigué. Sus soun liè de mouart counfisé lou secret a soun einat. Lou temps passé e pàu à cha pàu la famio, lei prochi e finamamen tout lou vilage counneissé l’istori.

De que soun devèngu aquelei Chouan, Dieu soulet va pau dire, mai ieu sabi que sus lou baus, quouro vuei si fa bastudo n’ia que relucon darrié lei tousco e dins lei fendo dei roco de coup que ni aguesse uno que badaiesse………………