Département du Var (Toulon) - Rapport d'observations définitives - No 2016-942
 
30/06/2016 Collectivités territoriales CRC Provence-Alpes-Côte d'Azur
Date de communicabilité : 29/06/2016
Rapport d'observations définitives
 
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EXTRAIT :
 

SYNTHESE

Après un premier rapport d’observations sur le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, le présent rapport concerne la situation financière du département, le suivi des subventions et la gestion des ressources humaines. La commande publique n’a pas été analysée.

Face à la situation financière difficile du département, les frais de personnel constituent un levier significatif. La participation du département à l’effort de redressement des finances publiques pourrait être, en partie, absorbée par une application plus rigoureuse de la réglementation et une meilleure allocation des moyens. La suppression d’avantages indus à certains agents, perçus comme inéquitables, constituerait un levier managérial pour faciliter l’acceptation des efforts à venir.

La situation financière

La situation financière du département est préoccupante. Depuis 2011, les recettes augmentent moins fortement que les dépenses (+ 0,6 % contre + 3,1 % par an). L’effet de ciseaux qui en résulte entraîne une diminution de la capacité d’autofinancement de 18 % par an. Celle-ci a été ramenée à 87 M€ en 2014, alors qu’elle dépassait 100 M€ de 2010 à 2013. La collectivité a pourtant utilisé le levier fiscal en fixant le taux des droits de mutation (235 M€) au maximum (4,5 %). Depuis 2009, la contraction des charges à caractère général de 13 M€ et celle des subventions versées aux associations de 11 M€, en dépit des efforts effectués, n’ont pas permis d’atténuer la hausse annuelle des dépenses sociales de 6,4 % durant la même période, soit 127 M€. Celles-ci représentent la moitié des charges de gestion (475 M€).

Le financement bancaire de l’investissement, les années précédentes, a obéré le recours à l’emprunt. L’encours de la dette atteignait 752 M€ au 31 décembre 2014. Son montant par habitant est largement supérieur au montant moyen par habitant de la dette des départements de la même strate (départements de plus de un million d’habitants), malgré l’effort notable réalisé par le département du Var pour réduire ses investissements.

L’exercice 2014 se caractérise par la mobilisation de la presque totalité du fonds de roulement, constitué des excédents précédents. Malgré le recours, en partie irrégulier, à la neutralisation des amortissements pour préserver l’autofinancement, la diminution de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État (- 9 M€) se traduit par un déficit de la section de fonctionnement (9 M€). Le déficit structurel de la section de fonctionnement pourrait entraîner la saisine de la chambre régionale des comptes.

Avec un panier fiscal dynamique de 523 M€, hors fiscalité liée aux transferts de compétences, la collectivité est néanmoins en mesure de faire face à ses dépenses portant sur ses compétences obligatoires.

Le conseil départemental dispose de plusieurs leviers pour mieux maîtriser ses dépenses :
-    Un pilotage pluriannuel, avec des objectifs financiers (niveau d’autofinancement, d’endettement…) et une programmation des investissements, permettraient de mieux anticiper la diminution des crédits pour préserver les équilibres budgétaires.
-    Les subventions (39 M€) représentent un enjeu, notamment parce que certaines, relevant de la commande publique, sont irrégulières, ou du fait de rémunérations significatives des cadres dirigeants des associations qui en bénéficient. En dépit du contrôle opérant et efficace de la mission de contrôle de gestion externe (MCGE), le suivi des subventions allouées à l’association de séjours de vacances ODEL demeure insuffisant (4,6 M€). Le cadre dirigeant le mieux rétribué de cette association se situe dans le premier décile des cadres d’entreprises françaises bénéficiant des salaires les plus importants.
-    Le contrôle de certaines dépenses s’avère insuffisant et constitue également un levier d’économies pour le département. Concernant les ateliers automobiles ou les frais de cérémonie, l’inexistence d’un suivi de stock ne garantit pas une utilisation régulière des deniers publics au sein de la direction des relations publiques.

Les ressources humaines

D’un montant de 207 M€ en 2014, les dépenses de personnel constituent un autre levier d’économie auquel le conseil départemental ne devrait pas manquer de porter attention.

Depuis 2011, la direction des ressources humaines a formalisé les procédures et a favorisé le pilotage de la masse salariale. Le remplacement des agents fait l’objet d’un arbitrage et un effort d’harmonisation des primes a été réalisé. Le temps de travail et l’octroi des heures supplémentaires (1,7 M€) ont été mieux encadrés mais l’application de la réglementation reste insuffisante.

Pourtant, les dépenses de personnel, souvent considérées comme incompressibles, pourraient être diminuées par la simple application de la réglementation ou par une meilleure allocation des moyens. En effet :

1)    Les agents du département disposent d’au minimum neuf jours de congés supplémentaires, soit 284 000 heures non travaillées représentant 180 équivalents temps-plein. Le respect de la durée réglementaire de travail (1 607 heures au lieu de 1 544 heures) permettrait de supprimer des heures supplémentaires, en réalité indues, et d’économiser chaque année 0,5 M€.

2)    Le compte épargne-temps a été mis en place neuf ans après sa création par le législateur, laissant perdurer un système irrégulier. Le département a conservé les 75 000 jours de congés comptabilisés dans le dispositif antérieur, en dépit du déficit de contrôle qui l’affectait. Toutes choses égales par ailleurs, le coût de ce reliquat est estimé à 14,6 M€. L’ancien directeur des relations publiques a ainsi été rémunéré durant une période d’une année précédant son départ à la retraite, sans aucun service fait, au titre du reliquat de congés cumulés, de manière irrégulière.

3)    Certains cycles de travail, notamment celui des chauffeurs, des chargés d’opérations de communication et des agents du service fêtes et cérémonies, sont construits pour entraîner des heures supplémentaires. Le gain annuel net pour un agent peut atteindre plus de 10 000 €.

4)    Le déficit de mutualisation entre les directions est onéreux. Ainsi, la volonté de créer un service de communication interne a entraîné plusieurs doublons, pour une activité réduite. Quatre agents, dont l’actuel directeur des relations publiques, l’ancien directeur des relations publiques nommé sur un emploi de « conseiller technique du protocole », le fils de ce dernier, ainsi qu’un responsable de « l’agenda institutionnel et du protocole », pilotent le protocole.

5)    Le régime indemnitaire (34,3 M€) est généreux et la collectivité n’utilise pas les modulations possibles pour l’adapter en fonction de la manière de servir des agents ou favoriser les évolutions de carrière. Ainsi, presque tous les attachés disposent de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), par « coutume », alors que celle-ci est réservée aux missions nécessitant des responsabilités ou de la technicité.

L’existence de « passe-droits » pour certains agents nuit à l’acceptabilité, par l’ensemble des acteurs de la collectivité, des économies à réaliser.

Certains agents ont bénéficié d’évolutions de carrière contestables. L’absence du rapport de titularisation et l’inexistence des fiches de notations pendant la presque totalité de la période sous contrôle, ne permettent pas de s’assurer de la régularité de la titularisation dont a bénéficié une chargée de communication, également conseillère municipale. En bénéficiant de six avancements de grade en dix ans, dont un sans remplir les conditions réglementaires, et alors que le taux de promotion n’est que d’environ 40 % dans la collectivité, une directrice adjointe a indubitablement vu sa carrière favorisée.

D’autres agents, exerçant leurs fonctions au sein des directions des relations publiques et de la communication, bénéficient d’avantages indus, du fait d’un contrôle déficient des absences, notamment par les managers de proximité. Le directeur général adjoint de la solidarité perçoit une prime irrégulière (420 € mensuels) et bénéficie d’un logement de fonction spacieux de 160 m² avec une piscine, sans réelle existence d’une nécessité de service. D’autres logements de fonction pour nécessité de service sont accordés de manière irrégulière ou servent à des gardiens rémunérés sans réelles activités formalisées.

La situation de certains agents présente des irrégularités dont l’originalité témoigne de la créativité de la collectivité. Ainsi, un ancien agent retraité a assuré pendant douze ans plus d’une vacation par jour ouvré en moyenne, alors que les vacations sont censées répondre à des besoins discontinus. Un autre agent s’est trouvé placé dans une double position statutaire alors qu’une seule position n’est possible.

Les logiques familiales sont prégnantes. Ainsi, l’ancien directeur des relations publiques a été le supérieur hiérarchique, directement ou non, de plusieurs membres de sa famille et des enfants des présidents successifs du conseil départemental de 1985 à 2015 figurent parmi les agents du département, parfois en toute irrégularité. La gestion de leur carrière au cours de la période sous revue a également présenté des anomalies. Ainsi, grâce à l’obtention antérieure d’un contrat à durée indéterminée, l’un d’entre eux a été nommé, sans aucune publicité, directeur du patrimoine et des affaires immobilières du fait de l’application irrégulière d’une directive européenne pourtant transposée en droit français quelques jours plus tard. La fille d’un ancien président occupe un emploi fonctionnel de directeur général adjoint, et bénéficie d’une des plus importantes rémunérations, alors qu’elle ne gère qu’un agent et que son activité est très réduite depuis 2013, du fait d’un portage hiérarchique insuffisant. Ses frais de représentation et l’octroi d’un véhicule de fonction sont manifestement inadaptés à la réalité de ses missions.

En réponse aux observations provisoires de la chambre concernant ces pratiques, l’ordonnateur s’est « [interrogé] sur le risque de discrédit [qu’elles feraient porter] sur l’ensemble de l’institution ». La chambre souligne que ses observations ne préjugent pas des compétences des agents concernés et invite fermement le département à mettre un terme aux nombreuses pratiques irrégulières relevées et aux interférences familiales ou interpersonnelles constatées dans la gestion des ressources humaines de la collectivité.

La chambre formule dans ce cadre six recommandations :

Recommandation n°1 :
Fiabiliser le résultat en appliquant strictement la réglementation concernant la neutralisation des amortissements, les provisions, les transferts des immobilisations achevées et les travaux en régie.

Recommandation n°2 :
Construire une prospective triennale adossée à une programmation actualisée des investissements (PPI) et à des cibles financières.

Recommandation n°3 :
Etablir des pièces justificatives dématérialisées des dépenses de personnel conformes à la nomenclature comptable et compatibles avec des outils de contrôles automatisés.

Recommandation n°4 :
Supprimer les emplois inadaptés aux besoins et les rémunérations sans fondement juridique (communication, mission qualité du service public, conseiller technique du protocole…).

Recommandation n°5 :
Respecter la durée légale annuelle de travail, instaurer un moyen de contrôle automatisé des heures supplémentaires en application du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires et adapter le cycle de travail en application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État pour supprimer les heures supplémentaires forfaitaires.

Recommandation n°6 :
Mettre fin aux très nombreuses irrégularités constatées en matière de primes, d’indemnités et d’avantages en nature.