14 juin 1807 : La bataille de Friedland
(actuellement Pravdinsk en Russie)

 
Bélligérants
 
Empire français
Empire russe
 
Commandants
 
  Jean Lannes puis Napoleon 1er (Français)   Levin August von Bennigsen (officier allemand devenu général russe)
 
Forces en présence
 
  66 800 hommes   84 000 hommes
 
Pertes
 
  1 645 morts   12 000 morts et blessés
  8 995 blessés   10 000 prisonniers
  2 426 prisonniers   80 canons
  400 disparus   70 drapeaux
 
Contexte
 
Un sénatus-consulte avait déjà ordonné la levée de la conscription de 1807. Les troupes de Mortier, rendues libres par l'armistice qui neutralisait la Poméranie suédoise, vinrent compléter l'investissement de Dantzig que le maréchal Lefebvre assiégeait. Le siège de Dantzig fut un des plus mémorables du temps. Il fit honneur au général du génie Chasseloup-Laubat comme à la défense énergique de Kalkreuth et de l'ingénieur Bousmard. Mais, malgré la diversion que tenta le czar en envoyant 28.000 hommes à la délivrance de la place, Dantzig capitulait le 24 mars 1807.
 
Les 40.000 qui l'assiégeaient se joignirent à la Grande Armée. Napoléon fait venir de nombreux régiments d'Italie. Avec des contingents allemands, italiens, hollandais, espagnols, joints à 40.000 Français, il forme sur l'Elbe une armée de réserve de 100.000 hommes. Enfin Vandamme, ayant achevé la conquête de la Silésie, allait servir de réserve. Napoléon, accru de toutes ces forces et maître de la ligne de la Vistule par la prise de Dantzig, se prépara à prendre l'offensive, mais il fut prévenu par Benningsen qui se trouvait, grâce à de nouveaux renforts, à la tête de 100.000 hommes. Ayant à sa droite Gortschakoff, à sa gauche Bagration, il essaya d'enlever le corps de Ney. Il fut battu à Guttstadt et à Ankendorf, et de crainte d'être tourné, il se replia promptement sur Heilsberg. Il y fut attaqué par Napoléon et tout le centre de la Grande Armée, pendant que Murat et Soult se dirigeaient sur Koenigsberg, qui n'était plus couvert que par Lestocq. Benningsen résista avec énergie dans ses retranchements d'Heilsberg; puis, dans la crainte d'être coupé de Koenigsberg, il descendit rapidement l'Alle par la rive droite. Lannes et Mortier s'avançaient parallèlement par la rive gauche. Benningsen les devança à Friedland, s'empara des ponts de cette ville et commença à passer sur la rive droite. Lannes et Mortier avertissent l'Empereur et, avec leurs seules forces, contiennent l'ennemi pendant plus de douze heures. Lannes était arrivé à la hauteur de Friedland à une heure du matin: il était, à trois heures, où avait paru l'avant-garde russe.
 
Déroulement de la bataille
 
Cependant Ney et Victor précipitèrent leur marche et arrivèrent avec l'Empereur sur le champ de bataille à quatre heures du soir (14 juin). L'ennemi avait cherché une bataille sans nécessité et se trouvait dans une position critique. Il occupait le fond d'un entonnoir formé par le village de Friedland et entouré par une boucle de l'Alle. Son artillerie était restée sur la rive droite. Arrivé sur le champ de bataille, Napoléon demanda aussitôt: ” Où sont donc cachés les Russes? ” Puis ayant reconnu la position : “ Non, dit-il, on ne surprend pas souvent l'ennemi dans une pareille faute.” Il charge alors Mortier de former la gauche en occupant le village d'Heinrichsdorf. Ce maréchal reçoit l'ordre de ne pas avancer et de se tenir sur la défensive. Lannes est placé au centre, Ney à droite, au village de Posthenen. C'est de ce côté que Napoléon dirigera l'attaque décisive.
 
Les Russes, au contraire, concentrent tous leurs efforts contre la gauche de l'armée française, qui leur ferme directement la route de Koenigsberg. Pendant qu'ils sont occupés de ce côté, Ney pousse devant lui leur aile gauche et marche dans la direction du clocher de Friedland. Napoléon, à pied sur une hauteur, vit tout d'un coup un mouvement que les Russes voulaient faire; il dit: “ Ah! je crois qu'ils veulent manoeuvrer ! je vais leur donner de la tactique. ” Et dans l'instant, il commande de profiter de l'ouverture que ce faux mouvement avait faite dans leur ligne, Cependant, le maréchal Ney continuait ses progrès, lorsque l'artillerie russe, tirant par-dessus l'Alle, fit éprouver à l'aile droite des pertes énormes, Le général Sénarmont fait avancer une batterie, qui ne produit pas d'effet suffisant. Alors, par une des plus belles manoeuvres dont l'histoire de l'artillerie fasse mention, il réunit, malgré l'opposition des généraux, les 36 bouches à feu des divisions, en forme deux batteries, avec 6 pièces en réserve; il prend position à 400 mètres de l'ennemi, tire cinq ou six salves, s'avance de 200 mètres et recommence un feu roulant. Les Russes tentent une charge de cavalerie. Sénarmont la broie en concentrant sur elle le feu d'une batterie. Sous cet ouragan de projectiles, les Russes sont enfin rejetés sur Friedland et leur artillerie réduite au silence. ” Bientôt ils sont même refoulés sur les ponts. Le maréchal Ney s'était engagé à leur suite dans l'étroit couloir qui conduisait à Friedland. La garde russe essaya inutilement contre ses divisions une attaque de flanc, elle fut écrasée par une charge de la division Dupont.
 
L'aile droite des Russes, attirée sur la route de Koenigsberg par la retraite calculée de Lannes et de Mortier, se hâta de revenir à Friedland dès qu'elle eut appris le sort du centre et de la gauche. Mais Benningsen avait fait sauter les ponts pour protéger sa fuite. Pressée entre les corps de Mortier, de Lannes et du maréchal Ney, l'aile droite, plutôt que de se rendre, passa la rivière à la nage sous les balles françaises, qui lui firent perdre la moitié de son effectif. Les Russes s'enfuirent en désordre sur le Niémen avec une perte de 40.000 hommes. Ils laissaient sur le champ de bataille toute leur artillerie. Les Français n'avaient pas perdu 6.000 hommes. Soult, Davout et Murat étaient arrivés devant Koenigsberg. Lestocq s'y était réfugié avec 25.000 hommes; en apprenant la défaite de Friedland, il évacua cette place pour rejoindre Benningsen. Murat entre dans Tilsit. Mais les Russes étaient déjà maîtres du passage du Niémen et il était impossible de le forcer et de continuer la poursuite.
 
Napoléon à la bataille de Friedland, par Horace Vernet