La fondation du Couvent Royal
(De nombreux éléments ont été empruntés au mémoire de recherche de Mlle Ninon MAILLARD élaboré dans le cadre de son DEA d'Histoire du Droit et des Institutions, en 1998/99)
 
En 1279, encore prince, Charles, fils du Comte de Provence Charles 1er d'Anjou, se rend à Saint Maximin pour mettre à exécution un projet qu'il caresse depuis longtemps : pratiquer des fouilles dans la petite église du Vème siècle.
Le 9 décembre de cette même année, il découvre une crypte abritant des sarcophages qu'il attribue à Saint Sidoine et à Sainte Marie Madeleine.
S'agit-il véritablement des osements de Sainte Madeleine ? La polémique ne date pas d'hier.
Un des plus célèbres opposants dénommé Saxer, prétendait que le prince n'avait fait "que déranger dans son dernier sommeil une des occupantes de la memoria gallo-romaine".
Quoi qu'il en soit, reliques de Sainte Madeleine ou pas, la découverte va engendrer des conséquences extrêmement importantes pour l'avenir de la petite cité.
Dès l'invention des reliques, Charles décide alors de fonder une église de pélerinage dédiée à Sainte Marie-Madeleine et de confier le service de celle-ci aux Dominicains (en remplacement des Bénédictins qui officiaient à Saint-Maximin jusqu'alors), mais les circonstances politiques (il est fait prisonnier de 1284 à 1288, et les modalités d'une paix définitive entre Aragonais et Angevins ne sont fixées qu'en 1291) le conduisent à reporter son projet de quelques années.
Ce n'est qu'en 1295 que le prieuré de Saint-Maximin est "donné à l'ordre de Saint Dominique, à la demande du dit Charles" et avec "la permission de Boniface VIII".
Il est à noter que seuls ces deux intervenants participent à la fondation du couvent. Contrairement aux règles fixées dans les Constitutions de l'ordre, c'est le pape, sollicité par Charles II, qui décide de la fondation, et se substitue par là même au chapitre provincial. A aucun moment les autorités de l'ordre des Dominicains ne participent à la prise de décision.
En avril 1295, Boniface VIII édicte quatre bulles :
  • la première donne pouvoir à Charles II d'établir un couvent des Dominicains, exempte la nouvelle institution de la juridiction diocésaine, et la place sous la protection et la juridiction immédiate du Saint-Siège.
  • la deuxième confirme les autorisations et exemptions de la première, et déclare Charles II "fondateur et patron".
  • la troisième commet l'évêque de Marseille pour mettre en possesion du prieuré, "au nom du roi", l'évêque de Sisteron, Pierre de Lamanon.
  • la quatrième est adressée à Pierre de Lamanon, pour lui ordonner de prendre possession du couvent et de désigner un sous-prieur "en attendant la venue du frère de Toneux, nommé par le Roy aux dits prieurés".
Pierre de Lamanon, conformément aux instructions, se rend le 29 juin 1295 au chapitre provincial des Dominicains qui se tient à Castres, pour demander vingt-quatre religieux pour le couvent de Saint-Maximin.
Malgré la violation des principes démocratiques de l'Ordre, il est difficile aux autorité dominicaines de s'opposer à la fois aux voeux du pape et de Charles II, d'autant plus que ce dernier précise qu'il entend assumer tous les frais occasionnés par la réalisation du projet et par le fonctionnement du couvent. C'est probablement ce qui a amené le chapitre a laisser faire le roi et à accepter la fondation d'un couvent dominicain à Saint-Maximin.
Charles II veut une institution grandiose.
Ainsi, contrairement aux règles de vie de l'Ordre mendiant, les Dominicains de Saint-Maximin bénéficient de 10 livres annuelles chacun. Le couvent perçoit ainsi 250 livres de coronats par an (pension à percevoir sur la gabelle de Saint-Maximin) à partir de 1295, rente qui ne sera pas modifiée quel que soit le nombre de frères prêcheurs, jusqu'au XVème siècle.
Les Dominicains partout mendiants et errants, deviennent à Saint-Maximin sédentaires et rentiers.
De Naples, Charles II ordonne le 4 octobre 1296 au sénéchal de Provence de verser 2 000 livres coronats par an à prendre sur les revenus de la gabelle de Nice pour la construction des bâtiments de l'église et du couvent.
Le 5 décembre 1296, de Rome, Charles II ordonne à l'évêque de Sisteron et au sénéchal de Provence de mettre à la tête des travaux maître Pierre de Français, expert dans l'art de construire églises et autres édifices.
Le 9 décembre 1296, Charles II écrit à maître Pierre pour lui signifier qu'il le place à la tête de la construction de l'église et du couvent de Saint-Maximin et lui attribue juridiction sur les maîtres et ouvriers pour tout ce qui concerne la direction des travaux.
Dès lors le chantier peut s'ouvrir.
D'après les chroniqueurs, vers 1316 les frères prennent possession du couvent neuf et commence à l'habiter. Il semble donc que la construction des deux corps de bâtiments situés à l'est (sacristie, chapitre, salle commune) et au nord (réfectoire) soit achevée.