Automne 1957 : les derniers jours des Dominicains au Couvent de Saint Maximin
 
Le couvent royal de Saint Maximin a vécu en 1957 une fermeture de plus dans sa longue histoire. Des novices qui y ont pris encore l’habit en octobre 1957 et ils y ont commencé leur noviciat qu’ils ont terminé à Toulouse, cette fois dans un couvent dont l’histoire ne faisait que commencer.
Le 24 septembre 1957, à Saint Maximin, en la fête de Notre Dame de la Merci, le Père Pierre Duchêne, de la province de Paris et nouveau père Maître des novices, accueillait les postulants dominicains.
Parmi eux, il y avait trois haïtiens et sept français : Guy Maxilimien, Robert Saurel, Edouard Rousseau de Port-au-Prince ; Guy-Gérard Delran, d’Albi, Jean Signorel de Toulouse, Pierre Mézy du Gros du Roi, Jacques Valadier de Bordeaux, Jacques Simonnet de Montpellier et Jean Mérigoux de Marseille.
Ce même jour firent leur profession simple entre les mains du Père Pierre Courtès, prieur du couvent, les novices qui terminaient leur noviciat. Ce noviciat fut le dernier à s’être déroulé entièrement à Saint Maximin. Leur père maître était le Père Etienne Salvetti. C’étaient les frères Jean Pierre Courtès, Alain Quilici, Jean-Pierre Arfeuil, Pedro-Maria Meca Zuazu, Hugues Puel, Louis Motta. Quant au frère Robert, qui faisait partie de ce noviciat, mais qui était entré au noviciat avec du retard, il devait faire profession plus tard, le 25 janvier 1958, devenant ainsi le premier profès simple du nouveau couvent de Toulouse.
Il y a quelques jours au Caire, à l’occasion des funérailles de notre frère Jean-Pierre Courtès, prieur du couvent du Caire, décédé le 18 septembre, suite à une opération du cœur et à quelques jours de son jubilé d’or de profession, j’ai pu évoquer, cinquante ans après exactement, cette cérémonie de profession avec Georges, Dominique et Bernard ses frères venus au Caire pour la circonstance.
C’est le 3 octobre 1957, dans la belle salle du Chapitre, que le Père Pierre Courtès prieur du couvent, donnait l’habit de l’ordre aux nouveaux arrivés que nous étions. Bien des Pères et amis étaient venus à cette occasion tels, les Pères Jean-Baptiste Dravet et Antonin-Paul Amargier…Trois jeunes algériens de Marseille étaient venus avec deux Sœurs blanches pour voir ce qui m’arrivait puisque j’avais été leur chef scout à Marseille. Notre Père maître était le père Pierre Duchêne et le sous-maître des novices, fut, jusqu’au départ pour Toulouse, le Père Martin Blache. Le noviciat se trouvait dans une aile spéciale et avait un bel oratoire avec un tabernacle entièrement recouvert de glaces. Il datait du temps où le Père Rzewuski avait été maître des novices. Il y eut donc un temps de vie commune entre les novices et les profès simples jusqu’au départ de ces derniers pour le Saulchoir, afin d’y faire leurs études de philosophie. Le Studium de Philosphie de la Province avait été provisoirement fermé et les frères se joignirent pour trois années aux frères de la Province de Paris. À Toulouse, il ne devait y avoir alors en formation que les novices et les frère étudiants de Théologie : V. Gilbert, Lendger, et des jeunes pères...
Notre noviciat, peu après notre prise d’habit, fit une belle visite à nos soeurs moniales qui, elles, restaient dans les lieux saints magdaléniens. Au noviciat nous eûmes le temps de faire quelques belles promenades à pied dans les environs de Saint Maximin. Un jour que nous allions partir en promenade et que, sous le cloître nous faisions une prière devant la statue de la Vierge, le père Baron, directeur de la revue du Rosaire, nous rejoignit et pria avec nous. Il portait la rasure, une observance que notre génération n’allait pas connaître. Les premiers jours du noviciat étaient marqués par nos nombreuses prières de l’office, dans les stalles du choeur et par l’apprentissage des sièges qu’il fallait apprendre à relever et baisser sans faire de bruit. Lors de la célébration de la messe, les célébrants entraient en procession avec le capuce sur la tête, ce qui augmentait beaucoup la solennité de la liturgie. Au-dessus de l’autel, la belle fresque de sainte Marie Madeleine à la grotte de la Saint Baume, avec d’une côte les branches d’un olivier et de l’autre plusieurs frères dominicains studieux, en robe blanc et portant la rasure.
Lorsque les années précédentes, je venais à Saint-Maximin, comme scout ou pour des petites retraite personnelles, accueilli par le père Amargier qui était alors hôtelier. Pour assister aux offices des Frères, on montait dans la petite tribune qui dominait le choeur. Lors des belles Semaines Saintes organisées par le couvent, les grands offices de la nuit pascale se passaient à la basilique et le vendredi saint on allait à pied à la Sainte Baume.
Très impressionnante, pour moi en tous cas fut la lecture au réfectoire que je fus invité à faire mais surtout à bien préparer. Le lecteur devait monter s’installer dans une petite chaire incrustée dans le mur du grand réfectoire et, de là, il dominait tous frères assis devant les tables situées le long des murs.
Assez compliquée fut pour moi l’initiation à la fonction de réglementaire. Il y avait donc des cloches à faire sonner au moment des offices mais le difficile c’était que les offices du soir variaient en longueur selon qu’aux matines, récitées après les vêpres, comportaient plus ou moins de psaumes et surtout s’il y avait le Te Deum. Il fallait tout calculer pour savoir quand sonner le premier coup de l’Office. C’est le frère Robert Blanc qui avec beaucoup de patience m’initia à cette fonction. Heureusement qu’il y avait des moments moins impressionnants lorsque par exemple on allait visiter le frère Martin Dzurilla dans sa grande cuisine. Vrai consolateur de novices qui à l’occasion d’une visite dans sa cuisine pouvait leur offrir un bol de lait chaud et bien des paroles chaleureuses.
De temps en temps la récréation de midi était déclarée « fusion » par le père prieur et alors toute la communauté se réunissait pour le café dans le belle salle voûtée qui jouxtait le chapitre. Les novices faisaient ainsi la connaissance des frères étudiants de théologie et des pères qu’ils voyaient quotidiennement sans les rencontrer vraiment puisque les novices vivaient au noviciat.
Il y eut aussi un grand pèlerinage conventuel à la Sainte Baume. C’étaient comme des adieux officiels du couvent de Saint Maximin qui pendant des siècles avait veillé sur les reliques de Marie-Madeleine et qui venait comme transférer à la grotte une partie de cette responsabilité séculaire que les moniales continueraient à assurer elles, pas très loin du de la crypte de la basilique. Personnellement, je me rappelle qu’en redescendant de la grotte je dus me reposer et m’allonger, à « Nazareth », car j’avais des palpitations, ce qui inquiéta le père Philippon qui vint prendre de mes nouvelles.
Le père Philipon à cette époque venait de publier son petit livre « La Trinité dans ma vie » et il aimait à redire que saint Thomas d’Aquin était un grand maître de vie spirituelle et qu’on le découvrirait bientôt davantage. Quant à son livre sur Elisabeth de la Trinité, il commençait à nourrir tel frère du noviciat et, en haut lieu, à faire avancer la cause de la sainte carmélite en vue de sa béatification.
Le départ vers Toulouse avait été précédé par les énormes travaux dus au transfert de la bibliothèque du couvent de Saint-Maximin vers celle de Toulouse. Les frères étudiants s’y dépensèrent beaucoup : tels les frères Abeberry, Gilbert, Lendger et aussi des novices tels le fr. Pedro.
Un seul bus, conduit parle fr. Daniel-Vincent Gilbert, nous emmena au matin du 11 novembre. Le départ de Saint-Maximin fut un douloureux arrachement pour bien des pères. Sans nul doute, les pères Lauzière et Philippon versèrent quelques larmes et sûrement aussi les pères Labourdette, Leroy, Weijers.

 
fr. Jean-Marie Mérigoux OP
Toulouse, le 20 octobre 2007