SIBON Zéphirin Eugène Mathurin
 
Combats du 167ème RI dans le secteur de Corcy où il a trouvé la mort le 1 juin 1918
 

Le front du Chemin des Dame percé, la marne atteinte, la poussée allemande semble inexorable.
Le 1 juin, la partie nord de Château-Thierry tombe. Paris est à 60 km.

Ce même jour, à l'aube, le 168e RI est assailli par les troupes allemandes. Nous l'avons vu, le 31 Mai, le 168e avait été détourné de sa destination initiale pour être dirigé sur Villers-Cotterêts. L'Infanterie y manque et, de fait, l'Artillerie se trouve en grand danger. Le 168e reçoit pour mission de s'établir en couverture le long de la Vallée de la Savières, afin de couvrir l'Artillerie de Faverolles, et empêcher les infiltrations allemandes dans la Forêt de Retz. Le front dévolu au Régiment s'étale sur une distance de 7 kilomètres. Un espace important donc. Mais il ne semble rien manquer aux troupes du 168e. Ardeur, courage, une quinzaine de jours d'instruction dans le cadre de la Division, des manoeuvres avec des chars d'assaut. Il transporte dans ses camions tout ce qui est nécessaire pour se battre, dès les positions occupées sur le front : 150 cartouches par hommes, mitrailleuses et voiturettes embarquées avec 30 000 cartouches de suppléments par Compagnie de Mitrailleuses, canons J.D. avec 240 coups, matériel de liaison au complet.

Les 1er et 3e Btns arrivent à 14 heures à Villers-Cotterêts. Assez tôt pour pousser plus au sud, sur Dampleux. L'ensemble des troupes est débarqué à 15 heures, prêtes à occuper les positions assignées.Le 3e Btn se rend au Château de Maucreux, à travers la forêt, avec mission d'occuper la Ferme Javage, et le Château, avec Avant-postes à Ancienville et Ferme de Lionval, en liaison avec la 131e Division d'Infanterie, (7e, 14e et 41e Rgts d'Infanterie). Cette dernière encadre le 168e à gauche, occupant la Ferme des Loges, Corcy, avec un bataillon détachant une Compagnie à la Ferme Javage, la Corne Sud-Est du Buisson de Hautwison Villers-le-Petit.
Le 1er Btn doit couvrir un triangle Maison Forestière au Sud Ouest de Faverolles - Moulin de Neuvivier - Station de Troesnes. Il devra fouiller le Buisson de Cresnes jusqu'à la lisière Est de ce bois, sur lequel se dirigeront le Btn de réserve, (moins une Compagnie conservée à Villers-Cotterêts), et la Compagnie Hors Rang (C.H.R.).
A ce stade, l'opération est un succès. Si l'Artillerie Lourde s'est vu dans l'obligation de se retirer, toute l'Artillerie de Campagne est désormais en sécurité. Un groupe de 105 parvient même à revenir sur ses positions.

Dans la nuit, le 167e Régiment s'est lui aussi mis en place. Le 2e Btn dans les bois à l'Est de Dampleux et le 1er Btn en réserve. Le 3e Btn est quant à lui détaché à Oigny, à la disposition du 168e d'Infanterie.
Voilà ainsi dressé la situation au 1er Juin, au moment de l'attaque allemande. Vers 1h00 du matin, on annonce que la Ferme La Loge est tombée aux mains de l'ennemi. Nos troupes sont rapidement débordées. On essaye de reformer en hâte une ligne de front. Le 2e Btn du 168e reçoit l'ordre d'occuper la Ferme Saint-Paul (6e Cie), tandis que le 3e Btn se retranche dans Corcy et la Ferme Javage, avec pour mission d'arrêter les infiltrations ennemies par la vallée du Gros Chêne.
Peine perdue. Vers la fin de la nuit, nos troupes se retirent de Villers-le-Petit et du Buisson d'Hautwison. La rive droite de la Savière est au pouvoir des Allemands.

A 6h 00, le lieutenant-Colonel Regard (167e RI), arrive à Vouty. Le 2e bataillon le suit de près et occupe les lisières de la forêt. Près du village, des pièces lourdes à tracteurs, servies par des artilleurs de marine et une batterie de 75, sont en pleine action sur des lignes denses de tirailleurs ennemis que l'on voit à la jumelle déboucher des crêtes à l'est de la Savière, et que leur tir disperse.
Les artilleurs qui, depuis deux jours, combattaient en retraite, obligés souvent de se servir, pour leur défense rapprochée, de leurs mitrailleuses contre les avions, acclament les fractions du 167e, qu'ils voient arriver en bon ordre et brûlant du désir de combattre. L'enthousiasme est de mise, mais les nouvelles sont désastreuses. On apprend que les Allemands ont pris pied dans le fond du ravin, dont ils débouchent, occupant Corcy, la ferme de Javage et le château de Maucreux. Deux contre-attaques sont immédiatement tentées sur ces deux derniers points mais ne peuvent aboutir en raison du tir de nombreuses mitrailleuses déjà installées sur le versant Est du Ravin, dans le Buisson de Hautwison.
Notre front s'établit sur la ligne Vergers-Est de Vouty-tête de Ravin de Javage à 400m Est de la route Corcy-Vouty, sortie Sud-Ouest de la route Vouty-Fleury et de la route Javage-Dampleux par le bois.

A 7h30, le 3e Btn du 168e renforcé de 250 hommes du Génie et de la 3e Cie du 167e, réussit à se maintenir à la lisière Est du Bois Est de Vouty. Le 168e tient encore Faverolles mais replie son P.C. sur la Maison Forestière à l'Ouest de Faverolles.
Le combat est âpre. Les munitions de la troupe vite épuisées, sont complétées au fur et à mesure par celles déjà récupérées dans les villages et sur les routes, puis par les arrivées de l’arrière; car dès 13 heures, un camion de cartouches est poussé au P.C. du Régiment par la Division.

Dans l'après-midi, on pense pourvoir reprendre la main sur une partie du front. En effet, un avion largue un message sur Faverolles, indiquant que le Château de Maucreux est inoccupé et que les troupes allemandes se replient sur Ancienville. Allégations en contradiction avec l'observation de nombreuses colonnes ennemies descendant de la Cote 130 sur Maucreux.
Le Capitaine Charmeront reçoit aussitôt l'ordre de voir de quoi il retourne. Les Allemands ne se replient pas. Les patrouilles dépêchées rapportent que ceux-ci sont bel et bien présent, à seulement 300 mètres des lisières de Faverolles, tapis dans les seigles.
La descente de l’ennemi vers le ruisseau de la Savières continua jusqu’à 17 heures. On voit des colonnes à pied, en camions. Toutes ces manifestations sont signalées par l’observatoire de Faverolles, et immédiatement prises sous le feu de l’Artillerie opérant  en ratissage sur zone, et en tir précis sur les points de passage. Les prisonniers du 3 Juin diront les pertes subies, surtout au débarquement des camions.

A 18h15, les Allemands lancent encore de violentes attaques sur Vouty et Faverolles. Elles sont fauchées par le tir de barrage et le tir des mitrailleuses. Ces attaques se renouvellent jusqu’à 21 heures,et connaîtront le même sort.

Une des Cies du 167e d’Oigny avec 2 sections de mitrailleuses, demandée pour étayer Faverolles et contre-attaquer est accordée. Elle est placée dans le boqueteau Ouest de Faverolles, à la place de 2 sections du Génie chargées d’organiser les lisières : elle sera en place à 4 heures. La Compagnie du Bataillon de réserve, restée à Villers-Cotterets le 31, rejoint le Régiment, et est envoyée au Sous-Secteur Nord comme troupe fraîche pour étayer Vouty, et contre-attaquer sur Vouty ou au Nord de Faverolles.

Du terrain a été perdu mais l'ennemi est stoppé. La ligne de résistance s'organise, les munitions distribuées, les liaisons rétablies tant bien que mal.

Des prisonniers ont été capturés. On espère bien en tirer quelques renseignements sur les unités présentes et les intentions de l'ennemi. L'un d'eux, Paul Presemann, un Alsacien de la classe 1916 capturé au Buisson de Cresnes, nous apprend que les troupes ayant menée l'attaque aujourd'hui appartiennent à la 28. D.R. Les troupes ayant été engagées ce jour sont constituées principalement par le 1. Badisches Leib-Grenadier-Regiment Nr. 109, (Karlsruhe), auquel Presemann est affecté à la 5e Cie depuis Mars 1918, le 2. Badisches Grenadier-Regiment Kaiser Wilhelm I. Nr. 110,( Mannheim et Heidelberg), et le III. Res. Ce prisonnier nous livre que le 109. est arrivé à Villers-le-Petit le 31 Mai dernier, puis est monté en ligne vers le Buisson de Cresnes, vers 2h00 du matin. A sa droite se trouvait le 110. Il nous dit encore que son Régiment n'a enregistré aucune pertes causées par les bombardements français de la nuit du 31 Mai au 1er Juin 1918, les troupes s'étant établies hors de Villers-le-Petit, dans les champs de blés entourant le village. Il s'agit donc de troupes combattives et non éprouvées par le feu de l'Artillerie qui progressent sous la protection des mitrailleuses légères de 2e ligne. Pas de renseignements concernant les pertes enregistrées par les assaillants lors de l'attaque.

D'autres prisonniers de la 28. D.R. viennent confirmer les dires de Paul Presemann. Le 1er Juin, la 28. D.R. avait les 109. et 100. en ligne du Sud au Nord. Ils ajoutent néammoins que les pertes ont été sévères et que les éléments âgés de la Division, comptant un certains nombre d'Alsaciens-Lorrains, semblent être d'un moral médiocre. Aux dires d'un des prisonniers, une Division de la Garde serait en soutien de la 28. D.R. Probablement la même que celle engagée dans la journée précédente, un peu plus au Nord (donc la 1. Garde-Division ou la 2. Garde Division).