Journée commémorative de l'action de Paul Bertin le dimanche 13 juin 2010
 
Discours prononcés par Alain Decanis et Ginette Minetti petite fille de Paul Bertin
 
Alain Decanis
 

Madame la conseillère régionale,
Mesdames et Messieurs :

  • les Maires, adjoints et conseillers municipaux,
  • les présidents d’associations,
  • les musiciens de la batterie fanfare,
  • les membres de la famille de Paul Bertin venus nombreux,

Et vous tous chers concitoyens et chers amis,
Nous voici aujourd’hui réunis pour commémorer l’action d’un ancien Maire de Saint-Maximin, responsable local de la Résistance, dont le comportement exemplaire durant les années noires de l’occupation a fait honneur à notre commune.
Aujourd’hui il nous apparait normal que des Français se soient opposés, aussi bien au régime de Vichy qu’à l’occupant nazi. Mais dans le contexte de l’époque il en était tout autrement. Le traumatisme causé à travers quasiment toutes les familles était encore frais dans les mémoires et il faut bien reconnaitre que le sentiment général qui prédominait à la fin des hostilités, était celui du soulagement.
Dans ces conditions il fallait de solides convictions et une bonne dose de courage pour entrer en Résistance afin de défendre les valeurs de la République. Ceux qui l’ont fait méritent tout notre respect et notre reconnaissance. Paul Bertin à fait partie de ceux là dès 1941.
C’est la raison pour laquelle, depuis le début de notre mandat, nous demandons inlassablement à ce que l’on baptise une avenue de son nom.
A ce sujet je tiens à remercier tout particulièrement :

  • Madame Bouchami, Présidente de l’association syndicale des Portes du Soleil qui, lorsque je l’ai sollicité, a tout de suite accepté que l’artère principale de son lotissement porte le nom de Paul Bertin.
  • Monsieur Guy Dedominici qui m’a toujours appuyé dans cette démarche, qu’il avait lui-même engagé bien avant moi.

Sans leur aide, on en serait probablement toujours à attendre que la Municipalité veuille bien désigner un lieu.
Depuis quelques mois la plaque est posée et si nous avons décidé d’organiser cette manifestation c’est pour faire mieux connaitre Paul Bertin de son vrai nom Adrien Paul Bertin :

  • à tous les riverains de ce quartier,
  • à tous les Saint Maximinois qui n’ont pas connu cette époque,
  • et au-delà, à tous ceux qui sont attachés à la défense des valeurs de la République.

Nous allons donc, Ginette Minetti et moi-même, essayer de retracer le plus fidèlement possible l’histoire de Paul Bertin durant ces années d’occupation, histoire qui se confond d’ailleurs très souvent avec celle de la commune.

 
Ginette Minetti
 

Né à Saint-Maximin le 16 juin 1889, il est le fils des quatre enfants d'une famille très modeste d'agriculteurs mais aussi il est le petit-fils d'un proscrit ( Cairety Louis dit Campanoun ) un insurgé après le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, insurrection qui fut très durement réprimée dans le Var.
Mobilisé en 1913, il part pour le Front dès 1914 juste après avoir vu naître sa fille. Après plus de deux années dans les tranchées, il est fait prisonnier à la bataille de Verdun. Envoyé dans une ferme en Allemagne ( Chemnitz en Saxe ) dont le fermier était sur le Front, il reviendra en 1918 ayant appris la langue et acquis de nouvelles connnaissances en méthodes d'agriculture. A son retour sa petite fille a cinq ans et a peur de lui...
Militant actif, dès 1921 il est le co-fondateur du Parti Communiste Français localement.
Il sera aussi le président du Cercle du Réveil Social et l'un des membres fondateurs de la Coopérative Vinicole de Saint-Maximin.
Vers 1934/35, il est ainsi que tous les membres de sa famille, un des élèves militants du groupe apprenant l' Esperanto qui comptait une trentaine de personnes avec Monsieur Bourguignon pour professeur.
Son idéal de communiste pacifiste le pousse dès 1941 dans des actions d'accueil et d'hébergement, à son domicile envers les militants de la Zone Nord, pourchassés par le régime de Vichy.

 
Alain Decanis
 

Son histoire dans la Résistance commence dès 1941, en une période où elle n’en est qu’à ses premiers balbutiements.  Paul Bertin, agriculteur et  responsable de la cellule du Parti Communiste de Saint Maximin, accueille des camarades exilés de la zone nord pourchassés par la police, et les aide à trouver un asile. C'est sur ces premières filières que se construiront ultérieurement de véritables réseaux.
Fin 1942, Paul Bertin prend contact avec des représentants locaux de l'Armée Secrète dans le but de fédérer localement la Résistance. Il s’agit de Gaston Péri directeur de la cave coopérative, Paul Andraud contrôleur des Indirectes, les frères Henri et Jean Boulert forestiers, Félix Gay, Alberi Cabasson, Antoine Fecci, Marcel Verlaque, Henri Roux, Jean Capellades ainsi que le père Robert de Bienassis. Ils forment un premier groupe qui se structure au cours de l'hiver 1942/43.
Fin mai 1943, Yvon Verne de Ginasservis, ami de Paul Bertin, apprend qu'un déserteur de l'armée allemande qui se cache dans les bois d'Auriol, désire rejoindre le maquis. Il en informe ses chefs, qui lui donnent l'autorisation d'aller chercher l'Allemand et de le ramener au maquis installé à Puits de Campagne.
Ainsi un soir, Yvon Verne revenant d’Auriol, descend du car à Saint Maximin accompagné du déserteur de la Wehrmacht. Ensemble ils se rendent 7 avenue Maréchal Foch, au domicile de Paul Bertin. Ce dernier, les accueille et leur propose de prendre un apéritif en présence de son fils Raoul. Après avoir pris connaissance de l'objet de leur visite, Paul Bertin prête des vélos aux deux hommes, afin qu'ils puissent rejoindre Saint-Martin-des-Pallières où est installé le maquis.
Le lendemain Hugo Brunning y est accueilli et immatriculé par les Franc Tireurs et Partisans de France.
Mais à partir de début août, les maquisards, traqués par les gendarmes et les Groupes Mobiles de Réserve, sont contraints de déménager fréquemment. Après Puits de Campagne, ils séjournent notamment à Valensole, La Palun, Piégros, Gravagne.
C'est dans cette dernière ferme située sur la commune de Brue Auriac qu'ils subissent le 16 janvier 1944, une attaque de la part des Allemands. Prévenus à temps, la plupart des hommes parviennent à s'enfuir à l'exception du dénommé Pedro qui est fait prisonnier et d'un autre nommé Marangi qui est abattu.
Dans les jours suivants, tous les maquisards disséminés dans la nature vont se regrouper dans le massif du Mont Aurélien autour d’un camp dont le PC est installé à la ferme du Défends. Paul Bertin joue un rôle particulièrement important en matière de ravitaillement ainsi d’ailleurs que le boulanger Alexis Ricard et Charles Hugou. Afin de paraitre moins suspect, il est toujours accompagné par son épouse Louise qui maquille le véhicule avec des cageots de légumes ou du déménagement.
En quelques semaines l'effectif du maquis devient très important. L’Etat-Major conscient du danger que fait peser sur les hommes un tel regroupement, donne l’ordre de repli vers les Basses-Alpes. Ainsi, de fin février à début mars 1944, environ 130 hommes, par groupes de 3 ou 4, prennent successivement le car à Saint Maximin pour Marseille, le train pour Nice, puis le petit train des Pignes pour Saint André des Alpes. De là c'est à pied qu'ils rejoignent la ferme Laval située sur la commune de Lambruisse, lieu du regroupement. Ce qui est remarquable, c’est qu’aucun d’entre eux n’ait été arrêté durant ce périple.
Après ce transfert, fidèles à leur stratégie, les maquisards vont de nouveau essaimer en petits groupes qui, au fur et à mesure de leur constitution, quittent les lieux.
Le 6 avril 1944, trente hommes environ, dont Hugo Brunning, sont encore à la ferme Laval.
Au lever du jour ils sont attaqués par un fort détachement de la Wehrmacht armé de mortiers et de mitrailleuses lourdes. Le combat est trop inégal, quelques maquisards réussissent à s'enfuir sous un déluge de feu, mais la plupart sont abattus ou capturés.
Après le combat, les prisonniers sont rassemblés contre le mur de la ferme pour être interrogés. Personne ne parle sauf Hugo Brunning qui sort du rang et répond dans sa langue natale aux sommations de l'officier. Pour sauver sa peau, il désigne le chef du maquis avant d'être amené par les soldats.
Les hommes valides sont transportés en camion à la prison de Digne, alors que les blessés sont introduits un à un dans la bergerie pour recevoir le coup de grâce.
Commence alors une période particulièrement difficile pour tous les Résistants du secteur.
A partir du lendemain 7 avril, et pendant de longues semaines, Hugo Brunning sillonne les Basses-Alpes d'abord, puis le Var, en compagnie d'officiers nazis, pour identifier et dénoncer les hommes rencontrés au maquis ou ayant contribué à son ravitaillement. De nombreuses arrestations sont opérées dans toute la région.
Dès le 8 avril, les résistants de Saint Maximin sont prévenus de la trahison de Hugo Brunning.
Parmi ceux qui l'ont bien connu, certains quittent le département (Charles Hugou et sa femme), ou se réfugient dans des bastides (Marcel Verlaque et son fils Louis se cachent à la Cloche, Jean Baptiste Hugou à la campagne Maurel).
D'autres, passé un délai de quelques jours où ils vivent en campagne choisissent de retourner vivre chez eux, malgré le danger. Pourtant la menace est sérieuse car, au cours du mois d'avril 1944, Hugo Brunning est vu plusieurs fois à Saint Maximin, à bord d'une traction, en compagnie d'agents de la Gestapo.
Le 23 juin 1944, en début d'après-midi, le commandant SS Holtz affecté à la Gestapo de Draguignan, un autre agent de la Gestapo, un interprète français nommé Ebel, et le traitre Hugo Brunning, se rendent au cabanon de la Palun ou travaille la famille Bertin.
Ils sont accueillis par Guillaume Cogo, gendre de Paul Bertin, qui ouvre la porte du cabanon en leur disant "Vous voyez bien qu'il n'y a personne ici !".
Alors que les quatre hommes pénètrent à l'intérieur pour vérifier, il claque la porte et part en courant à travers champs.
L'un des hommes dégaine son arme et lui tire dessus, le blessant légèrement à la gorge.
Paul Bertin qui faisait la sieste à l'ombre n'entend rien en raison d'un vent très fort. Il se réveille et s'approche du cabanon sans voir les quatre hommes dissimulés sous les branchages des grands arbres qui entourent la bâtisse.
Lorsqu'il prend conscience de la situation c'est trop tard. Hugo Brunning Le reconnait et il est arrêté.
Paul Bertin raconte ainsi la suite de son périple dans un rapport établi en novembre 1945 à la demande de l'inspection académique :

 
Ginette Minetti
 

Emmené le jour même à Draguignan avec Monsieur Arnaud, maire de Pourcieux, et un jeune homme qui avait abandonné le maquis, nous fumes mis en cellule.
Le 26 juin 1944 après-midi, commença mon interrogatoire.
Etaient présents : Hugo Schmith (de son vrai nom Hugo Brunning) qui retraçait au lieutenant tout ce que j'avais fait pour le maquis, tous les transports de vivres, d'armes, d'hommes, de Toulon, Hyères, La Crau, Le Luc, Pignans, Le Pradet, Ginasservis...etc, les chefs de Résistance qui faisaient la liaison des villes de Toulon, Marseille avec le maquis que je faisais coucher et manger.
Sachant la responsabilité que j'avais, l'honneur de la famille, l'honneur d'un français devant l'ennemi, malgré les paroles douces, malgré les menaces, je n'ai pas donné un seul nom.
Devant ma résolution à ne pas parler, ils furent fous furieux. Hugo Schmith se transforma en bourreau. De toutes ses forces à toute volée, j'ai reçu des revers de main, des coups de poing au visage, jusqu'à ce que je sois contusionné et couvert d'ecchymoses (pendant plus d'un mois je n'ai pu dormir sur mes oreilles).
N'ayant pas obtenu plus de résultats, l'on me fit déshabiller et je fus mis dans une baignoire qui fut remplie d'eau glacée. Il y avait 15 minutes que j'étais dans la baignoire, lorsque le lieutenant s'avance vers moi et me dit: "vous n'avez pas voulu parler sous les coups; mais là, vous parlerez bientôt. D'ailleurs personne ne résiste plus de deux heures. Vous mourrez dans le bain."
Les quarts d'heure passaient; l'on venait me demander si j'étais décidé à parler; je répondais toujours que je ne pouvais dire davantage que ce que j'avais dit. L'on me plongeait la tête entière dans l'eau, alors je me débattais; je m'étouffais; et l'on me disait : "Mais ne souffrez pas inutilement; dites nous les noms des chefs que vous logiez chez vous; donnez nous des noms, et nous vous ferons sortir de cette baignoire glacée."
Au bout de deux heures, voyant que l'on n'obtiendrait rien de moi, le lieutenant se mis à taper à la machine mon interrogatoire. L'interprète qui faisait les cent pas entre la baignoire et le lieutenant, lisant parfois par dessus l'épaule, vint à ce moment vers moi et me dit brutalement : "Comment vous avez le toupet de dire que les Allemands sont des ...". Sur ces mots le lieutenant le rappelle brutalement et ne souffle plus mot. Un moment après, l'on me sortit de la baignoire dans un triste état. Je ne pouvais plus parler. Plus tard, l'on me ramena dans ma cellule où, pendant toute la nuit, je réfléchis sur les paroles de l'interprète.
Le lendemain à midi, le bourreau en me donnant ma ration me dit d'un air sauvage : "Hier soir tu n'as pas parlé, mais cet après midi, je t'assure qu'on te fera parler, tu vas voir, on te fera parler".
A ce moment là en réfléchissant, je compris ce qu'on allait faire de moi, et je décidais de me tuer. Heureusement, l'on m'avait laissé mon couteau. Les camarades m'ayant promis de déposer aux cabinets une feuille de papier et un crayon pour pouvoir écrire une lettre d'adieu à ma famille, je demandai à la sentinelle, à aller aux cabinets, où je n'ai pas trouvé le crayon ni la feuille de papier. J'ai su plus tard par Monsieur Mourou de Ginasservis, qu'ils avaient décidé de ne pas me donner satisfaction. Mais j'eus une conversation très intéressante avec la sentinelle qui paraissait sympathique plus que certaines. Il me demanda ma situation sociale; je lui répondis : "maraîcher". Il me demanda également les hectares travaillés, les récoltes produites etc..., puis il me dit : "C'est dommage, vous allez être fusillé ce soir". "Mais comment avez-vous su cela ?" lui demandai-je. Il me répondit : "J'étais au poste de garde quand on a nommé les hommes du peloton d'exécution". Alors j'ai compris ce qui se préparait pour moi : les pires tortures dans un bois quelconque, et la fusillade ensuite. Ma résolution fut irrévocablement prise : pour être sûr de ne pas parler, il faut se tuer, car pendant la torture l'on pouvait parler malgré soi. C'était le 27 juin 1944. L'officier de transmission avait dit que le débarquement pourrait avoir lieu le 27 juin; alors si je me tue et que le débarquement ait lieu dans quelques heures... Je décidai d'attendre jusqu'à la dernière minute. Dans ma cellule, je préparais mon couteau, la chemise déboutonnée et je me perchais sur deux planches placées en croix d'où je pus voir par la lucarne, l'entrée de la cour.
J'attendis patiemment; je ne puis dire combien... La porte s'ouvrit, le bourreau entre, puis l'interprète et quatre hommes bien armés, bien astiqués. Le bourreau gueula d'ouvrir ma cellule. Je sautais de mon perchoir. Je me plongeais le couteau dans la région du coeur; il ne rentra pas, il y avait une côte. Il faut recommencer : cette fois il rentre jusqu'au manche.
Je râlais, mais je compris que je ne serais pas encore mort quand ils seraient près de moi. Alors je me tranchais le poignet, et le sang coula comme lorsqu'on saigne un cochon... A bout de force, je m'allongeai sur mon bat-flanc... La porte s'entrouvrit, le sang inondait la cellule. Le bourreau reste stupéfait sans pouvoir prononcer un mot. Puis, il gueule : deux hommes arrivent...Ils font comme lui. Un troisième arriva, il m'arracha les bretelles et me ligatura le bras. Je ne voulais pas, mais il me maîtrisa. Le lieutenant arriva : il regarda mes blessures et dit "Il est perdu". L'on me pansa, l'ambulance arriva et l'on me transporta à l'hôpital civil de Draguignan, où le lieutenant croyait que le service funèbre ferait le reste le lendemain.
Malgré le poumon perforé je m'en tirais. Nuit et jour un gardien de la Paix était de garde devant la porte. Quelques jours après, ma femme put venir me voir, avec les complicités du personnel.

 
Alain Decanis
 
Pendant ce temps à Saint Maximin, Alfred Grimaud, ami intime de Paul Bertin, apprend par son beau frère Louis Crouzet ingénieur aux Ponts et Chaussées, que la fille de son supérieur hiérarchique est infirmière à l'hôpital de Draguignan, et de ce fait en contact quotidien avec Paul Bertin.
Ensemble, ils rencontrent cette infirmière nommée Mademoiselle Vidal et mettent au point l'enlèvement de Paul Bertin. Il doit être réalisé le 14 juillet 1944 avec la 402 des Ponts et Chaussées conduite par François Carpinetty de Draguignan. Doivent participer à l'opération deux maquisards de Draguignan, Louis Casanova et Aiguier, qui viennent de rejoindre le camp Vallier, ainsi que deux résistants locaux de la Motte, Jean Ramella et Maurice Michel.
Le jour venu, tôt dans la matinée, une première tentative avorte. Environ une heure plus tard, les hommes formant le commando décident de renouveler l'opération. Cette fois sera la bonne. Munis de pistolets de calibre 6,35mm, ils se précipitent à l'intérieur du bâtiment tandis que François Carpinetty muni d'une mitraillette monte la garde dans la voiture garée devant l'hôpital. Dans le couloir, ils désarment les deux agents de police en faction, qui ne présentent d'ailleurs aucune résistance, et les enferment dans une cellule vide qui se trouve en face de celle de Paul Bertin. Puis ils libèrent ce dernier qui était enfermé avec deux prisonniers de droit commun.
Paul Bertin, toujours dans le même rapport, décrit ainsi son évasion :
 
Ginette Minetti
 
Nous commençons, avec des amis de Draguignan, à préparer l'évasion qui a eu lieu le 14 juillet 1944 à 9h du matin.
Mais, depuis 8h l'infirmière m'a averti que j'étais sortant, que la Gestapo venait me reprendre à 10 heures. De 8 à 9 heures, oh ! que cette heure a été mauvaise ! Avoir par miracle échappé à la mort et aller à nouveau dans les mains de ces gens là, c'était terrible.
Enfin...arriva une auto... des bruits dans le couloir...la porte s'ouvrit et quatre hommes masqués, mitraillettes en mains, s'écrièrent ; "Bertin ! Vite ! Vite !".
Je partis en courant, tout nu, dans la voiture... Je vis les agents les bras en l'air. On les enferma dans ma cellule, et nous partîmes...
La voiture des Ponts et Chaussées, qui n'avait pas roulé depuis 8 ou 9 mois, avait la tuyauterie d'essence encrassée, et nous restâmes en panne à deux cent mètres de la Gendarmerie. Le chauffeur démonta la tuyauterie. Pendant ce temps, nous montions la garde, pistolet au poing. J'étais content d'être armé; j'étais ainsi sûr que la Gestapo ne pourrait me reprendre vivant. Enfin l'essence arriva, et nous partîmes.
Un peu avant Flayosc, nous arrivâmes devant un pont qui avait un énorme trou au milieu; après examen, nous tentons de passer.
C'est ce pont sauté qui nous avait sauvés, car les Boches le sachant, s'étaient élancés à notre poursuite sur les trois routes qui partaient de Draguignan, plein gaz; qu'ils ont bien été inspirés les réfractaires qui ont fait sauter ce pont pendant la nuit.
Après une crevaison, un éclatement, nous arrivâmes à Aups. L'on nous répara, et nous partîmes pour le camp des FFI du lieutenant Vallier au bord du Verdon, en face de Montpezat. Là je fus très bien reçu par le lieutenant, par ses hommes, et le commandant du camp que les hommes appelaient le patron, Monsieur Picoche, membre du Comité De Libération du Var.
Au bout d'une quinzaine de jours, j'allais beaucoup mieux et Monsieur Picoche me dit : "Maintenant que vous allez bien, il vaudra beaucoup mieux que vous alliez finir de vous rétablir dans une ferme, tandis qu'ici s'il faut décrocher, vous ne pourrez pas le faire..."
Je quitte le camp, je passe par Varages, Saint Maximin, et quelques jours après, j'avais rejoint ma femme et mon fils dans la commune de la Destrousse.
 
Alain Decanis
 
Le 20 août 1944, Paul Bertin, accompagné de sa famille, revient à Saint Maximin. Il est acclamé par la population et les FFI lui font une haie d'honneur. Deux jours plus tard il est nommé président du Comité de Libération avec pour adjoint le Père Dominicain Robert de Bienassis qui restera son ami jusqu'à sa propre mort en février 1969.
 
Ginette Minetti
 

Pendant trois années, il sera ensuite le Maire de la Commune et oeuvrera avec son équipe, dans les conditions difficiles des lendemains de la guerre, pour obtenir entre autres :

  • la création du premier Collège avec l'aide de Monsieur Guieu ( Papa Guieu ) directeur d'école.
  • la création du Corps des Sapeurs-Pompiers ainsi que l'installation des sirènes d'alarme et de Hauts-Parleurs.
  • la réfection en ciment du Canal de la Plaine.
  • l'étude du projet de chantier du Tout à l'Egout.
  • et surtout le ravitaillement de la commune afin de nourrir ses concitoyens.

Après la dissolution des Conseils Municipaux en 1947 par Paul Ramadier, il n'est plus réélu Maire mais restera Conseiller Municipal Communiste dans l'opposition.
Toute sa vie il continuera à être fidèle à ses engagements politiques, sociaux, agricoles et restera un fervent pacifiste.